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De Goulard en Parly : Au chevet des armées, une attente vite déçue [1]

L’éphémère ministre des Armées, la centriste Sylvie Goulard-Grassi, lâchant les commandes, sa remplaçante, Florence Parly, a dû assurer sa prise de relais au beau milieu du SIAE du Bourget 2017 & peu avant le tout aussi emblématique défilé du 14 juillet. Puis, fatalitas, le départ annoncé de l’emblématique chef d’État-major des armées (CEMA), le général Pierre Le Jolis de Villiers de Saintignon ! On aura eu mieux en terme de zénitude… 1ère Partie.

« Il ne m’a pas échappé que ces derniers jours ont été marqués par de nombreux débats sur le budget de la Défense. Je considère, pour ma part, qu’il n’est pas digne d’étaler certains débats sur la place publique. J’ai pris des engagements. Je suis votre chef. Les engagements que je prends devant nos concitoyens et devant les armées, je sais les tenir. Et je n’ai à cet égard besoin de nulle pression et de nul commentaire ».
Emmanuel Macron, répondant au chef d’État-major des armées (CEMA), Pierre de Villiers.

| Q. Bon allons y directement, quel regard portez-vous sur les premiers pas de Florence Parly à la Défense, pardon aux Armées ?

Jacques Borde. Mme. Parly, dont beaucoup nous disent que la dame serait peu au fait des questions de Défense et de sécurité (mais que ne nous dit-on pas ?), a pris ses marques. Je me garderai donc de trop extrapoler. Même si, certains lui reprochent, déjà, quelques couacs.

| Q. De quelle nature ?

Jacques Borde. Une polémique, assez étrange pour ne pas dire surfaite, a vu le jour avec le maire d’opposition (LR) du XVe, Philippe Goujon, qui a condamné la visite, le 24 juin 2017, de Florence Parly (tout juste arrivée à Brienne) aux militaires de l’Opération Sentinelles qui sont hébergés dans la Maison communale du XVe depuis deux ans…

| Q. En quoi est-ce problématique ? Il est plutôt normal qu’un ministre rendre visite à ses personnels, non ?

Jacques Borde. L’embarrassant est que cela s’est fait avec force caméras et journalistes. Comme tout désormais. Embarrassant pour celle qui a, maintenant, sur les bras la démission de son chef d’État-major des armées (CEMA), le général Pierre de Villiers.

Pas très discret, non plus. Du coup, lyrique comme un écailler sur un marché, Goujon nous a fait son petit numéro sur le manque de confidentialité.

Autre grief de l’édile LR : l’absence d’information sur cette visite. « J’ai été prévenu par le concierge un quart d’heure avant l’arrivée de la ministre. C’est scandaleux », s’est indigné l’irascible Goujon. Et d’extrapoler aussitôt que « Les militaires et les habitants du quartier sont désormais en danger (…). Maintenant, je souhaite que l’armée leur trouve d’autres locaux car je ne peux pas tolérer que les habitants du quartier soient en danger ».

Ce qui semble pour le moins exagéré et très politicien en tout cas. Quelque part, les Républicains (LR) me font penser à cette homélie du Cardinal de Richelieu qu’une amie sur la Toile a ressorti à propos d’un de ses petits camarades  :

« Tout ce qu’il a fait de mal il l’a bien fait et tout ce qu’il a fait de bien, il l’a mal fait ».

Parly, à son poste méritera-t-elle d’aussi funestes comparaisons…

| Q. Et qu’a-t-on dit de tout ça à l’Hôtel de Brienne ?

Jacques Borde. Une réponse assez logique, en fait que « Depuis le début de l’opération Sentinelle, la vigie de la rue Violet accueille nos militaires qui patrouillent quotidiennement dans la zone. Cet endroit n’est pas confidentiel. Il leur sert de lieu de repos après chaque patrouille. De plus, la proximité avec les habitants du XVe montre la capacité de nos militaires à les protéger et les rassurer ».

| Q. Et vous, ça vous rassure ?

Jacques Borde. Ça a, au moins, une certaine logique, Je crois sincèrement que, sorti de son bocal médiatique, le Goujon, qui n’est pas un spécialiste des questions de Défense, a sur-réagi. De plus, il faudrait savoir que ce l’on veut, à la fin ?

1- en quoi la présence de Philippe Goujon elle-même s’imposait-elle ?
2- prévenir la mairie au dernier moment possible me semble être aussi un facteur de sécurité ;
3- qui nous fera croire que Goujon et son équipe se déplaçant auraient contribué à la discrétion de l’événement et du lieu ? De toute évidence, toute la mairie et le quartier auraient été au courant ;
4- à rester dans ce registre là, le goujesnesque émoi et son tohu-bohu médiatique ne sont-ils pas, quelque part, aussi inappropriés, voire nettement plus, que la visite de Florence Parly qu’ils viennent condamner ?
5- last but not least, en quoi la ministre des Armées, Florence Parly – puisque verbatim l’aigre Goujon, toutes ces sortes de choses doivent être environnées du secret – a-t-elle à se justifier de ses déplacements ?

Cet espèce d’ego suranné, qui semble être une des caractère du personnel politique parisien (on a connu pire, rassurons-nous), est pour le moins déplacé.

| Q. Donc pas de griefs particuliers contre Florence Parly  ?

Jacques Borde. Pour l’instant, non. Rien qui me fasse bondir. C’est Bercy qui – dès le début, car les choses n’ont pas tardé de partir en eau de boudin – m’inquiète davantage que Boko Haram comme obstacle à surmonter. Notons aussi que Sylvie Goulard-Grassi, à bien y regarder, offrait un profil plus ambigu.

| Q. Comment cela ?

Jacques Borde. Pour faire simple, l’ex-ministre Goulard émargeait à 10.000 euros mensuel auprès d’un lobby fédéraliste et pro-UE…

| Q. L’info est sûre ?

Jacques Borde. Elle provient de nos confères du JDD.

« Pour des revenus supérieurs à 10.000 euros par mois, Sylvie Goulard a occupé un poste de conseiller spécial pour le think tank Council on the Future of Europe », nous apprend sa déclaration d’intérêts financiers au Parlement européen, que s’est procuré le JDD.

Le CFE1, un institut (sic)2 qui faisant « la promotion de l’Union européenne et contribue au débat d’idées », l’aurait rémunéré d’octobre 2013 à janvier 2016, précise l’hebdomadaire. Ce qui représenterait des émoluments d’au moins 270.000 €, versés par le CFE à celle qui était, alors, député MoDem au Parlement européen.

| Q. N’a-t-on pas, aussi, commencé à parler de conflit d’intérêts à propos de Florence Parly ?

Jacques Borde. Oui. Par l’entremise de son mari, Martin Vial, qui dirige l’Agence des participations de l’État (APE) depuis août 2015.

Or, commissaire aux participations de l’État, Martin Vial a pris sur lui de se mettre en retrait des sujets touchant au secteur de la Défense. Vial a également demandé à être remplacé au Conseil d’administration de Thales où il siègeait en tant que représentant de l’État.

« En tant que commissaire aux participations de l’État, je me suis déporté de tous les sujets concernant les entreprises de la défense du portefeuille de l’Agence des participations de l’État » a fait savoir Martin Vial. Les dossiers liés à la Défense seront gérés par Lucie Muniesa, directrice générale adjointe de l’APE, et par l’équipe industrie de l’APE.

De son côté, l’entourage de Florence Parly a fait savoir que la ministre des Armées a aussi décidé de démissionner de ses fonctions d’administratrice chez Altran, Ingenico et Zodiac Aerospace.

| Q. Et, ça posait problème ?

Jacques Borde. Premier actionnaire du groupe d’électronique avec près de 26% du capital, l’État est aussi actionnaire de Safran et d’Airbus Group et contrôle DCNS, pardon Naval Group désormais, DCI et Giat Industries (Nexter) dans le secteur de l’aéronautique et de la Défense. Oui et non en fait. Tout étant une question de pratiques.

| Q. Et, Florence Parly : Est-elle si peu au fait des questions de Défense et de sécurité que le disent ses détracteurs ?

Jacques Borde. Justement, non. L’intéressant dans les éléments qui viennent de nous être révélés est que Mme. Parly, par ses fonctions (chez Zodiac notamment), n’est pas sans bagage ni connaissances pratiques par rapport à ses nouvelles fonctions.

Là, voyons aussi le bon côté des choses. Et, un(e) ministre marié(e) à un haut fonctionnaire, n’en faisons pas tout un plat ! À continuer sur cette pente, on va se retrouver avec des eunuques au fonctions régaliennes. Entre Byzance et l’Empire du milieu, en quelque sorte…

| Q. Mais ces révélations et les remises en cause qu’elles entraînent, ça n’est pas un peu chaotique ?

Jacques Borde. Non. Pas vraiment, c’est un peu le lot de ce genre de nomination. Florence Parly ne nous tombe pas de l’Empyrée, elle a un passé. Et ce passé, ses fonctions ainsi que celles de son mari provoquent des ajustements nécessaires. On ne va pas y passer la nuit, non plus.

| Q. Quels chantiers attendent Mme. Parly ?

Jacques Borde. Oh, plusieurs. Dont un qui, semble-t-il, était passé sous le radar renifleur de mes estimés confères…

| Q. Lequel au juste ?

Jacques Borde. Cela rejoint ce que je vous ai dit de la nécessité qu’il y avait à garder et repositionner nos vénérables, mais toujours puissants, Mirage F1 dans la Bande sahélo-sahérienne. Et sous livrée tchadienne.

Le Tchad – et ça n’est pas moi qui le dit, le sujet a été évoqué lors du Point de presse du 26 juin 2017 du Quai d’Orsay – « menace de retirer ses soldats de théâtres d’opérations en Afrique, faute de moyens financiers, et se montre extrêmement réticent à l’idée de participer à la force G5 Sahel »3.

En un mot comme en cent, nos valeureux alliées tchadiens sont exsangues. Il va donc falloir trouver des solutions. Et des solutions rapides, tant leur aide nous est indispensable pour arrêter la progression de la doxa takfirî dans cette partie du monde. Il est donc dommage que nous ayons opté pour l’option de la vente de nos Mirage F1 à une boite américaine Airborne Tactical Advantage Co. (ATAC).

| Q. Mais est-ce si utile que ça de garder en parc (d’une manière ou d’une autre) des appareils aussi anciens ?

Jacques Borde. Oui, bien sûr. Je note que :

1- d’un côté, nous vendons nos bons vieux F1 à ATAC, à qui il est possible que nous fassions appel un jour ;
2- de l’autre, SDTS4, qui est la filiale du groupe Secapem dédiée aux missions de service aérien – et, par là, chargée de répondre aux besoins d’externalisation des prestations d’entraînement opérationnel de nos forces armées dans le contexte actuel d’optimisation budgétaire et de rationalisation de l’exploitation – « a été sélectionnée », nous rappelle Air & Cosmos, « par la Marine nationales en 2015 pour l’entraînement de ses équipages et de ses bâtiments »5.

Là, où, quelque part, l’on atteint des sommets d’incohérence, c’est que « pour mener à bien sa mission, SDTS loue quatre avions, dont deux A4N Skyhawk II Scooter » à Draken international semble-t-il (qui a perdu face à ATAC le rachat de nos Mirage F1). A4N Skyhawk II qui « permettent de simuler les menaces aériennes antinavires. Cet avion d’attaque léger de McDonnel Douglas (Boeing a été conçu pour opérer depuis les porte-avions américains »6.

Tout ceci ne me semble pas sérieux et aurait mérité un certaine réflexion avant de nous débarrasser des bêtes de guerre que sont toujours nos ex-Mirage F1.

| Q. Je vous sens inquiet…

Jacques Borde. Là, oui. Et c’est, là, dans ce genre de casse-tête opérationnel, que nous allons devoir juger Florence Parly. Que son mari soit le président de l’APE ou l’archiduc d’Autriche m’importe, au fond, assez peu. La vraie question est de savoir si nos soldats qui continuent à tomber au champ d’honneur, pris a la gorge en terme de moyens, trouveront en elle le ministre des Armées qu’il leur faut ou une simple gestionnaire coupeuse de têtes.

Les dernières nouvelles en provenance de Bercy ont très vite mis un terme aux espérances des plus optimistes. Sans parler du départ du chef d’État-major des armées (CEMA). Certes remplaçable (qui ne l’est pas), mais qui était très apprécié de la troupe…

[à suivre]

Notes

1 Filiale en fait de l’Institut Berggruen, think tank étasunien spécialisé dans la gouvernance. Et, moins officiellement, dans la promotion des… révolutions oranges.
2 Institué afin de débattre et de préconiser des moyens visant à parvenir à une Europe unifiée. Il est présidé par l’ancien Premier ministre italien, Mario Monti. Parmi ses membres figurent notamment d’anciens chefs d’État : Tony Blair (R.-U.), Gerhard Schröder (Allemagne), Felipe González (Espagne), Romano Prodi (Italie), Matti Vanhanen (Finlande), Guy Verhofstadt (Belgique), Franz Vranitzky (Autriche), et Marek Belka (Pologne) ; des économistes : Joseph Stiglitz, Michael Spence, Robert Mundell, Jean Pisani-Ferry, Nouriel Roubini, et Otmar Issing ; des personnalités comme l’ex-président de la Commission européenne Jacques Delors, l’ex-dg de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) Pascal Lamy, le président de Goldman Sachs et l’ex-directeur de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) Peter Sutherland.
3 BforBORDE .
4 Secapem Defence Traning Solutions.
5 Air & Cosmos n°2556 (14 juillet 2017).
6 Air & Cosmos n°2556 (14 juillet 2017).

 

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