Guerre d'attrition Vs Guerre totale : Sisco nouveau front du djihâd ? [2]
Avec surprise la France – plus dans l’Affliction doloriste que la réaction – a découvert que face aux provocations (sic) orchestrées par certains, la « colère des masses » comme disait Mao, pouvait (aussi) être une réponse. Question : Sisco sera-t-il un épisode isolé ou le signe que quelque-chose vient de changer vis-à-vis de ce qui relève de ces frappes asymétriques (qu’elles soient légères n’y change rien) dont le terrorisme intérieur d’inspiration takfirî a le secret ? – 2Ème partie.
| Q. Le débat sur l’Islam et la présence des musulmans en France n’est-il pas précurseur – voir l’exemple corse – d’une forme de guerre civile ?
Jacques Borde. Non, personnellement, je n’y crois pas. Je crois que c’est notre faiblesse et notre laxisme qui sont la source principale du sort qui nous est fait de la part – non pas des musulmans, ce terme est trop flou, je vous l’ai déjà dit, pour être utilisé seul – mais d’ Al-Dawla al Islāmiyya fi al-Irāq wa al-Chām (DA’ECH)[1], Jabhat an-Nusrah li-Ahl ach-Chām[2], et, plus généralement, Al-Qaïda.
| Q. Et l’affaire de Sisco ?
Jacques Borde. J’y vois, davantage, l’émergence d’un phénomène de type citoyen. Comme d’ailleurs l’a fait remarquer, à raison, Natacha Polony. Se défendre face à une agression préméditée et organisée (que ce soit intelligemment ou comme des pieds importe peu quant à la responsabilité de ses opérateurs et organisateurs) qui est, en fait, une action de basse intensité entrant dans le cadre de la guerre asymétrique que nous livrent les takfirî est plutôt un signe de bonne santé de la société.
Ici la société corse.
Est-ce dû, comme le croient d’aucuns, à la praxis de certains de ces sympathiques insulaires en terme de tactiques asymétriques passées, je n’en sais trop rien et me garderais bien de porter un jugement hâtif sur ce point.
| Q. Vous voulez dire que vous trouvez les réactions mises en œuvre par des Corses plutôt saines ?
Jacques Borde. Tout à fait ! En Chine, aux temps du maoïsme, le régime parlait de « colère des masses », pour qualifier les réactions énergiques à certains événements. C’est, un peu, ce qui s’est passé.
Je note, par ailleurs, qu’en des temps où la République ne sait plus à quel saint se vouer pour assurer efficacement le salut des personnes et des biens, il me semble présomptueux de jeter le nouveau né avec l’eau du bain et de vouloir faire des Corses ce qu’ils ne sont pas : des racistes et des gens fascinés par la violence à qui il conviendrait de donner des leçons.
Rappelons, ici, l’apport de ce peuple – certes régnicole de la République française mais peuple réel – à la Résistance, la France libre et la protection tutélaire qu’il accorda à sa communauté mosaïque menacée en ces temps obscurs où la gauche systémique livra le pays à Pétain, sa clique et, au bout du bout, à l’ennemi.
| Q. Et tout le débat autour des musulmans de France ?
Jacques Borde. J’y vois, surtout, un embrouillamini typiquement germanopratin. Comme disent, plus simplement, les Américains à tous ceux qui viennent tenter leur chance dans la grande république dépeinte par Tocqueville : Love it or Leave it ! Aimez-là ou quittez-là !
Dans ce débat, je trouve les positions défendues, récemment, tant par Sarkozy que Valls (ordre d’apparition à l’image si je puis dire) aussi peu crédibles l’une que l’autre. Le premier, largement responsable du chaos que nous connaissons aujourd’hui par son obscure aventure libyenne, qui à mon avis le disqualifie en tant que candidat à la magistrature suprême, que par sa propensions à beaucoup promettre et rarement tenir. Le second en ce qu’il représente une autorité qui a failli sur à peu près tout.
Pour revenir aux musulmans eux-mêmes, comme l’a fait remarquer un estimé confrère (Gabriel Robin, je crois) : « Si la France est un pays liberticide, où les musulmans ne se sentent pas à l’aise, ils sont toujours libres de quitter l’Hexagone pour rejoindre des contrées plus tolérantes, comme l’Arabie Séoudite ou l’État islamique »[3].
| Q. Justement, comment expliquez-vous que si peu de partisans français du radicalisme islamiste choisissent les pays du Golfe pour s’y installer ?
Jacques Borde. Français ? À voir ! Doit-on continuer à considérer comme Français des gens qui se vouent ainsi à l’ennemi ? Et quant à votre question : arrêtons de tourner autour du pot, la réponse est assez simple, parce que :
1- Le rôle d’agents de l’étranger est, par définition, de porter la discorde et la désolation là où leurs sponsors, commanditaires ou chefs leur demandent d’aller, non ?
2- Ils y seraient assez mal accueillis. Il n’y a jamais eu beaucoup d’affect entre ces rives lointaines de l’Islam.
3- Avec tous les reproches que je m’autorise à leur endroit en matière de géostratégie, les pétromonarchies sont des sociétés opulentes, policées et plutôt bien organisées. Personne n’y est assez stupide pour s’ouvrir aux miasmes s’écoulant de nos cités de non droit. Ils ne sont, d’ailleurs, pas les seuls : vous aurez noté comme moi la prévention que semble nourrir désormais le candidat républicain à la présidence, Donald J. Trump à l’égard des personnes arrivant de France.
4- Là-bas, nos zozos, tout musulmans qu’ils se prétendent, seraient traités à la mesure des lois en vigueur. À commencer par l’amputation de la dextre aux voleurs – peine pour laquelle ils ne se bousculent pas au portillon pour exiger son application sous nos cieux, adeptes de la Charia qu’ils sont pourtant, on se demande bien pourquoi – et, plutôt vite, pas à la 65ème récidive.
Nos takfiro-racailles, qui sont des musulmans d’opérette et de toute évidence des agents dormants takfirî, savent pertinemment que dans le Golfe, on ne barguigne pas avec la Charia et on ne l’applique pas à la carte.
| Q. Et qu’en déduisez-vous ?
Jacques Borde. Qu’en fait, les tenants de ces revendications communautaristes sont des fumistes théologiques avec lesquels l’État de droit ne devrait même pas s’abaisser à discuter : tout ceci n’est qu’une question de police face à une forme de terrorisme intérieur qu’il convient d’éradiquer. Ni plus, ni moins.
| Q. Mais comment ?
Jacques Borde. Comme cela se fait ailleurs, pardi ! Quelques exemples :
1- L’administration Erdoğan,vient de nous montrer comment purger la sociétés d’éléments inassimilables – ou considérés comme tels, je vous parle, là, de ce qui est techniquement réalisable sans revenir à des pratiques d’un autre âge et indépendamment de tout ce que l’on est en droit de penser de l’administration Erdoğan – était à la portée d’un État moderne. Lorsqu’on veut, on peut.
1- Autre exemple : la fermeté de SM Mohammed VI et selon la Constitution du Maroc Amīr al-Mu’minīn[4]. L’Islam malékite[5], l’Islam de l’ijtihād[6] étant en vigueur, au Maroc, les autorités n’y ont ni notre indolence ni notre lâcheté.
Pour ceux que le sujet intéresse, je leur recommande fortement les ouvrages du Pr. Charles Saint-Prot[7].
Quant à la volonté de combattre l’ennemi de l’intérieur – comme on combat assez efficacement celui de l’extérieur en Afrique subsaharienne – ; visiblement, en France, on ne veut toujours pas !
Notes
[1] Ou ÉIIL pour Émirat islamique en Irak & au Levant. [2] Ou Front pour la victoire du peuple du Levant, ou de manière abrégée Front al-Nosra. [3] http://www.bvoltaire.fr/gabrielrobin/sisco-la-verite-eclate-enfin,278092#KMq3lighMkMD16e6.99. [4] Chez les Sunni, le titre de commandeur des croyants échoit au “rachidun” (al-Khulafā’u r-Rāshidūn) c’est-à-dire aux premiers califes, ”bien dirigés” qui succèdent au prophète de l’islam Mahomet à partir de 632. Le premier à porter ce titre fut Abu Bakr as-Siddiq, puis Omar ibn al-Khattab, Othmân ibn Affân, et Ali ibn-Abi Talib. [5] Une des quatre madhhab, écoles classiques du droit musulman sunni. Il est fondé sur l’enseignement de l’imam Mālik ibn-Anas (711-795), théologien et législateur qui naquit à Médine. [6] L’Islam du Juste milieu. Le Prophète (paix & salut sur lui) avait enseigné à Mu’âdh ibn-Jabal avant de l’envoyer au Yémen comme messager des bonnes valeurs de l’Islam : « Selon quoi jugeras-tu lorsque le besoin s’en présentera ? – Selon le Livre de Dieu, avait répondu Mu’âdh. – Et si tu ne trouves pas (de solution explicite) dans le Livre de Dieu ? – Je jugerai alors selon les Hadîths du Messager de Dieu, avait répondu Mu’âdh. – Et si tu ne trouves pas (de solution explicite) dans les Hadîths du Messager de Dieu ? – Je ne manquerai alors pas de faire un effort de réflexion (ijtihâd) pour formuler mon opinion, avait répondu Mu’âdh ». Sur quoi le Prophète avait manifesté son approbation en ces termes : « Louange à Dieu qui a guidé le messager du Messager de Dieu vers ce qu’agrée le Messager de Dieu ». Rapporté par at-Tirmidhî & Abû Dâoûd. Voir aussi A’lâm ul-muwaqqi’în, tome 1 pp. 49-50). Le Prophète (paix & salut sur lui) a dit : « lorsque le juge a fait un effort (juridique) (ijtahada) puis a atteint la vérité, il a deux récompenses, et s’il a fait un effort (juridique) et s’est trompé, il a une seule récompense ». Rapporté par Al-Bukhârî, Hadîth n° 6805, chapitre Al- i‘tisâm bi al-kitâb wa as-sunna. [7] Islam : l’avenir de la Tradition entre révolution & occidentalisation. Paris, Le Rocher, 2008 (traduit en arabe et en anglais, 2010) ; La tradition islamique de la réforme, Paris, CNRS éditions, 2010, traduction en arabe, Le Caire, Centre national de la traduction, 2013 ; L’Islam & l’effort d’adaptation au monde contemporain. L’impératif de l’Ijtihâd, dir., Paris, CNRS éditions, 2011.