Via factis syrienne de Paris : Lorsque Jupiter (sic) clone MBS…

Du 13 au 14 avril 2018, Trois (pas un de plus) pays occidentaux (nonobstant la guerre opposant Damas à la terreur takfirî), agissant sans la plus petite ombre de preuve de leurs accusations & sans mandat du Conseil de sécurité des Nations-unies, ont choisi de frapper une Syrie membre à part entière des instances internationales (à commencer par l’ONU) & accessoirement liée par traité à la France. Si la posture peut se comprendre de la part : 1- d’une Amérique qui ne cache guère ses intentions de se dégager, à terme, de Syrie & à qui s’imposait une ultime balade guerrière, histoire de donner le change ; 2- d’une Theresa May ensuquée dans son Brexit, Quid de notre jovien président qui, volens nolens, se retrouve à cloner l’atypique Mohamed MBS Ibn-Salmān Āl-Séʻūd & sa brutale via factis yéménite…

« Cependant, devant l’énormité des ressources américaines et l’ambition qu’avait Roosevelt de faire la loi et de dire le droit dans le monde, je sentais que l’indépendance était bel et bien en cause ».
Et, par ailleurs de rappeler « la malfaisance des puissances anglo-saxonnes, s’appuyant sur l’inconsistance de notre régime… ».
Charles de Gaulle.

Q. Drôle de virage guerrier que celui de vient de prendre la présidence française ?

Jacques Borde : Oui, en effet. Mais pas seulement. En fait, ce sont bien Washington, Londres & Paris, qui, par leur choix controversé de frappes visant la Syrie et, notamment, l’Al-Jayš al-’Arabī as-Sūrī (AAS)1, viennent de donner une tonalité (hélas) trop attendue aux accusations des media russes, syriens & iraniens quant à la nature de la composante aérienne d’Al-Dawla al-Islāmiyya fi al-Irāq wa al-Chām (ISIS/DA’ECH)2.

Il est à craindre que cette réputation colle à la peau de certains pour un bout de temps. Et quand je dis nous : je parle surtout de la France, hélas.

Q. Mais que craignez-vous exactement ?

Jacques Borde. Que la France soit habillée pour plusieurs saisons, je le crains, de la réputation qui a souvent été celle de l’hêgêmon étasunien, un bad boy prompt à dégainer son Colt. À cela près que nous n’en avons évidemment pas la stature, mais une réputation qui, néanmoins, nous fera passer durablement pour d’impénitents fauteurs de guerre à la détente facile.

Q. Comme les États-Unis, finalement ?

Jacques Borde. Sauf que, justement, nous ne sommes pas et ne seront jamais l’hêgêmon étasunien ! Pour chausser ainsi les cothurnes de l’Oncle Sam, il en faudrait, pour le moins, la stature et l’arsenal. Sans parler du poids géopolitique…

Q. Et nous ne l’avons pas non plus ?

Jacques Borde. Bien sûr que non…

Q. Mais ne sommes-nous pas du côté du manche ?

Jacques Borde. Si, par là, vous voulez dire que nous sommes du même côté de la barricade que l’ami américain, oui, nous sommes du côté du manche. Mais pour combien de temps ?

Comme l’a noté une internaute : « Qui croit une seule seconde a cette farce grotesque d’attaque chimique pour justifier une intervention d’affichage sans en violation avec le droit international ? Frappe qui de toute manière ne changera rien à la donne puisque le plan de l’Occident pour la Syrie a échoué. En suivant aveuglément, les US la France a perdu ce qui lui restait de crédibilité et de grandeur. Honte sur nous ».

En fait, les dés étaient pipés dès le début.

Q. Que voulez-vous dire  ?

Jacques Borde. Le US Secretary of Defense, le général (Ret) James Mad Dog Mattis3, a été fort clair à ce sujet affirmant à propos des frappes de la nuit du 13 au 14 avril 2018 que « C’est une frappe unique (…). L’année dernière, ils n’avaient pas compris le message », une référence aux 59 missiles Tomahawk tirés contre des bases du régime en avril 2017. « Cette fois-ci nous avons tapé plus fort. Je crois que nous avons envoyé un signal très puissant ».

Q. Mais Trump a menacé Damas de frappes aussi sévères si nécessaire, si les Syriens ne se tenaient pas tranquilles ?

Jacques Borde. Certes. Mais à chacun sa partition, en quelque sorte. Je crois que les rôles sont parfaitement partagés entre les militaires – à savoir Mattis et ses petits camarades de (grand) jeu : le White House Chief of Staff, le général John Francis Kelly4, le National Security Adviser, le lieutenant-général Herbert Raymond McMaster5 – et le locataire de la Maison-Blanche : lui (Trump) assume le rôle de Père Fouettard, les trois autres restant les maîtres du temps polémologique.

Ce qui compte, c’est que le job hégémonique soit fait, le reste n’est qu’habillage.

En un mot comme en cent, les Américains, s’ils n’ont pas l’intention de renoncer à leurs intérêts au Levant, n’ont probablement pas l’intention d’y jouer les gendarmes avec la même intensité et la même implication que sous les administrations précédentes. Y rester sans y être aussi intensément. À ce grand jeu là, la démonstration de puissance à laquelle vient de se livrer l’Amérique trumpienne prend tout son sens : montrer sa force pour ne plus avoir à s’en servir de sitôt. La nôtre, en revanche ne ressemble, désolé de le dire, à rien !…

Q. Mais que craignez-vous pour la France ? Des représailles ?

Jacques Borde. Oui, tout à fait. Mais pas celles auxquelles vous pensez.

Sauf à voir des gens comme le Hezbollah – ou le Hizb as-Sūrī al-Qawmī al-Ijtimā`ī (PSNS)6 ce qui revient au même – déclarer nos militaires au sein de la FINUL persona non grata au Pays des cèdres.

Idem pour le Hachd al-Chaabi (PMU)7 qui nous a positivement dans le nez en Irak.

Il est évident que la France s’est fort investi économiquement en l’Orient compliqué, notamment en Iran. Ou à nouveau en Irak depuis quelques années. Un Irak où nous nourrissons de notoires et peu discrètes ambitions quant à sa reconstruction. Or, notre place ne tient que parce que nous y sommes perçus comme fondamentalement différents de l’hêgêmon étasunien.

L’embarrassant est que notre démonstration de force, pour limitée et symbolique qu’elle ait été, nous fait davantage ressembler au tumultueux Mohamed MBS Ibn-Salmān Āl-Séʻūd et sa brutale via factis au Yémen qu’à l’honest broker à qui il est de bon ton d’acheter ses Airbus, Peugeot, Renault, etc. !

Le réveil pourrait être douloureux, si nous n’y prenons garde…

Q. Oui, mais ce sont les Américains qui ont le plus mauvais rôle ?

Jacques Borde. Là trois choses.

Primo, quoi qu’ils fassent ou disent, les Américains ont été, sont et resteront le faiseur de pluie du Proche et Moyen-Orient. C’est comme ça et pas autrement.

Secundo, qu’est la France à côté ? Peu de choses en vérité.

Tertio, le jeu (le Grand jeu, je veux dire) en coulisses, n’a que peu de choses à voir avec les déclarations des uns et des autres. Où à savoir les lire entre les lignes.

Q. De quoi parlez-vous ?

Jacques Borde. À en croire le Chairman of the Joint Chiefs of Staff8, le général Joseph Francis Dunford Jr., contrairement aux tirs d’il y a un an, les Russes n’auraient pas été avertis à l’avance du choix des cibles. Sauf que, précise Dunford, « Il y a simplement eu une communication pour obtenir la ‘déconflixion’ de l’espace aérien, comme c’est la routine avant n’importe quelle opération en Syrie ».

En un mot comme en cent, les Russes ont bien été prévenus. Quid, alors, du rôle pour de vrai des uns et des autres ?…

Q. Et, à qui compareriez-vous notre position ?

Jacques Borde. À celles des Kurdes, pardi. Nos bons vieux proxies kurdes du Hêzên Sûriya Demokratîk (HSD)9. Bon pour le service. En clair pour prendre des coups, et seulement ça. Une France tout juste bonne à tirer les marrons du feu et à qui Washington, comme elle le fit en Irak à l’issue des deux premières guerres du Golfe, refusera de partager le gâteau de la reconstruction du pays.

Déjà, le président syrien, le Dr. Bachar el-Assad, nous en a clairement averti : la France sera exclu d’office des contrats lorsque la Syrie humiliée, la Syrie outragée, la Syrie martyrisée, mais, un jour, libérée de la terreur takfîri fera appel à l’aide extérieure pour se rebâtir.

Au moins, sur ce point, Damas et Washington sauront s’entendre. Sur notre dos. Et, entre nous, nous ne l’aurons pas volé !

Q. Alors, à vous suivre, un coup pour rien ?

Jacques Borde. Oui, plus ou moins.

Comme l’a écrit un internaute sur un forum de discussion, « La Goutha est reconquise à 100%, Assad avec son allié russe a repris le contrôle de toute la Syrie ‘utile’, l’armée syrienne libre (les gentils djihâdistes modérés armés par l’Occident) n’est plus qu’un souvenir, la Turquie contrôle Idlib avec la bénédiction de la Russie – exit l’ambition d’un État kurde. Et cette frappe reste symbolique, l’Occident pense avoir sauvé la face alors que globalement la guerre de Syrie l’a ridiculisé et décrédibilisé. Bref un nouvel échec de taille au Moyen-Orient ».

Mais, en fait, un échec pour la France surtout, qui, une fois encore, aura joué les idiots utiles.

Q. Et la Russie dans tout ça ?

Jacques Borde. Nous verrons la suite, mais pour le moment Moscou a, plutôt, bien joué la partie. Tenter de dissuader et ne rien empêcher, c’est pire que tout. Or, là, les sources se recoupent inexorablement : la Défense antiaérienne, bâtie à 100% sur des équipements d’origine russe10, a bien abattu 71 missiles sur 103. Détail intéressant : les Russes affirment qu’aucun missile français n’a été tiré. Alors qu’ils ont fait le monitoring de tous les tirs. Curieux…

Q. Une grande première que cette frappe de notre part visant la Syrie ?

Jacques Borde. Même pas. Le 29 mai 1945, le gouverneur militaire de Damas, le général de brigade Fernand Olive dit Oliva-Roger, faisait allègrement bombarder la ville. Bilan 500 morts. Sans compter les exactions, notamment sexuelles, des troupes coloniales lâchées sur la ville…

Notes

1 Ou Armée arabe syrienne.
2 Ou ÉIIL pour Émirat islamique en Irak & au Levant.
3 Contrairement aux fantasmes colportés par les Démocrates et leurs relais divers et variés, Mattis est considéré comme un intellectuel par ses pairs, notamment en raison de sa bibliothèque personnelle comptant plus de 7.000 volumes. Il a toujours avec lui, lors de ses déploiements, un exemplaire des Pensées pour moi-même de Marc Aurèle. Le major-général Robert H. Scales le décrit comme « … l’ un des hommes les plus courtois et polis que je connaisse ».
4 Ancien patron du US Southern Command (USSOUTHCOM). Soit le 3ème général à intégrer l’administration Trump.
5 Director of the Army Capabilities Integration Center et Deputy Commanding General, Futures du US Army Training & Doctrine Command. Avait précédemment dirigé le Fort Benning Maneuver Center of Excellence et la Combined Joint Interagency Task Force-Shafafiyat de l’ISAF en Afghanistan. Très impliqué dans les Opérations Enduring Freedom et Iraqi Freedom, McMaster est l’auteur de Dereliction of Duty (1997), un des plus vives critique du haut-commandement US lors de la Guerre du Viêt-Nam.
6 Ou Parti social nationaliste syrien, en français.
7 Ou Popular Mobilisation Unit/Unité de mobilisation populaire.
8 Chef d’État-major des armées.
9 Ou Forces démocratiques syriennes (FDS) en français.
10 Plus une solide expertise iranienne pour épicer le tout.

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