Accueil ACTU Monde Occident Vs Téhéran, Washington au commandes : mais contre qui ?

Occident Vs Téhéran, Washington au commandes : mais contre qui ?

Passée l’annonce capitoli & orbi de Teflon Trump, le monde sidéré tente de s’adapter à la nouvelle donne décidée par Washington. Quel New deal au fait ? Le containment.2 mis en place par les États-Unis vis-à-vis de la RI d’Iran ? Ou l’éviction programmée des niaiseux d’Européens que nous sommes des marchés iranien, puis irakien (pour ce qu’il en reste), syrien & libanais ? Dure leçon de choses pour nos spécialistes (sic) internationaux hexagonaux qui ont du mal à se faire au fait que Donald J. Trump, est surtout le boss d’une America First, à qui il compte réserver 99% du gâteau, & beaucoup moins celui d’un monde (dit) libre dont il se contrefiche comme de sa première action en Bourse. Mais ni plus ni moins que les précédentes administrations…

| Q. Les media nous présentent Trump comme l’artisan d’une ligne particulièrement dure au Levant, vrai ou faux, in fine ?

Charlotte Sawyer. Vrai et faux, plutôt. Je m’explique. S’il est clair que, passé le fait que Washington et Jérusalem,

Primo, parlent désormais d’une même voix depuis le départ de B. Hussein Obama des affaires. Le transfert, ce jour, de l’ambassade Us de Tel-Aviv à Jérusalem étant le signe manifeste de cette entente.

Secundo, le binôme Trump-Nétanyahu ayant passablement renversé la table au Levant, la position de nos deux compères reste somme toute assez classique du point de vue des us géopolitiques étasuniens et, n’apparaît, en tout cas, pas plus dure que ce que promettait Hillary R. Clinton et son équipe…

| Q. Comment cela ?

Charlotte Sawyer. Si vous reprenez les propos tenus lors des présidentielles US à Charlie Rose1 par Michael J. Morell, ancien directeur adjoint de la Central Intelligence Agency (CIA)2 et soutien d’Hillary Clinton, vous aurez du mal à y trouver la moindre marque, même infime, de modération.

En effet, que proposait de beau Mr. Morrel ?

1- de « se débarrasser » des Iraniens et des Russes.
2- de leur faire payer « le prix fort » pour leur engagement en Syrie au côté de Bachar el-Assad.
3- de bombarder le président syrien, le Dr. Bachar el-Assad, afin de « mettre la pression sur lui, sur les Russes et les Iraniens pour arriver à une solution diplomatique ».
4- de soutenir encore d’avantage les Contras nazislamistes contre les forces syriennes mais aussi contre les forces iraniennes ou russes présentes sur place.

Ci-dessous un petit extrait de cet entretien :

– Michael J. Morell. « Lorsque nous étions en Irak, les Iraniens donnaient des armes aux militants chî’îtes, qui tuaient des soldats américains (…). Les Iraniens nous ont fait payer. Nous devons faire payer aux Iraniens en Syrie. Nous devons faire payer aux Russes ».
– Charlie Rose. « Leur faire payer en tuant des Russes ? ».
– Michael J. Morell. « Oui (…). Il faut le faire de manière secrète, donc vous ne dites pas au monde que vous le faites, vous ne vous tenez pas debout au Pentagone en disant ‘on l’a fait’. Mais vous vous assurez qu’ils le comprennent à Moscou et à Téhéran ».

Plus loin, sur Assad, Morell d’ajouter : « je veux m’occuper de ces choses qu’Assad voit, comme sa base de pouvoir. Je veux faire paniquer Assad ».

Alors, Trump grrrand méchant out of control3 par rapport aux gentils Démocrates ? À voir.

| Q. En revanche, les Israéliens, pas vraiment des modérés sur ce dossier ?

Jacques Borde. Là encore, cela dépend du point de vue d’où vous partez. À Jérusalem, les lignes rouges n’ont pas vraiment changé. Écoutez plutôt ce que vient de dire le ministre israélien de la Défense Avigdor Yvet Lieberman4, à propos des dernières frappes réalisées par Tsahal :

« Nous avons frappé presque toutes les infrastructures iraniennes en Syrie, ils ne doivent pas oublier l’adage selon lequel, si la pluie nous tombe dessus, la tempête s’abattra sur eux (…). J’espère que cet épisode est clos et qu’ils ont compris ».

En dépit de la montée en gamme, on reste dans les clous de leur doxa géostratégique. Pour l’instant, en tout cas !…

| Q. Et, de l’autre côté ?

Jacques Borde. Du côté de Damas, on parle de « frappe bien planifiée contre les positions de l’armée israélienne au Golan » qui a « visé des centres de commandement aérien et terrestre de celle-ci. Ce fut donc une riposte lourde de messages pour l’armée israélienne qui devra, si la raison préside quelque peu ses actions, repenser ses plans et calculs de guerre ».

Vue de Damas, « Il y a là un message très clair à l’adresse d’Israël : toute guerre à venir avec Israël débutera là où elle avait pris fin ». Il est, toutefois, à noter que peu d’éléments matériels viennent confirmer la version des événements tels qu présentés par Damas.

| Q. Dans les deux camps, le ton reste plutôt martial…

Charlotte Sawyer. Oui. Mais je vous rappelle que les deux pays sont toujours en état de guerre.

| Q. Et vis-à-vis de l’Occident quel est le ton en vogue à Damas ?

Jacques Borde. Inchangé. Lors d’un entretien accordé à notre confrère grec I Kathimerini, le président syrien, le Dr. Bachar el-Assad, a rappelé que l’attaque chimique présumée à Douma était une « pièce de théâtre » destinée viser Al-Jayš al-’Arabī as-Sūrī (AAS)5. « Les États-Unis, la France, la Grande-Bretagne et leurs alliés ont attaqué l’armée syrienne pour rehausser le moral des terroristes et l’empêcher de libérer davantage de zones en Syrie ».

Interrogé à propos des déclarations du président Trump portant sur la fin de la mission des États-Unis en Syrie, Bachar el-Assad a assuré que la seule mission accomplie par les Américains était d’avoir aidé Al-Dawla al-Islāmiyya fi al-Irāq wa al-Chām (ISIS/DA’ECH)6, à évacuer Raqqa : « La seule mission menée par les États-Unis en Syrie, c’est le soutien aux terroristes sans prendre en compte les conséquences ».

| Q. Et par rapport à la France ?

Jacques Borde. Là aussi, rien de changé. Pour Damas, Paris est out de chez out quant à la Syrie et à son avenir.

« Il faut combattre toutes les armées qui nous attaquent, qu’elle soit turque, française ou autre. Elles sont nos ennemis tant qu’elles sont présentes en Syrie de manière illégale », a rappelé le président syrien. Donc, à ce stade, la volonté affirmée de Paris de jouer un rôle dans cette partie du Levant se heurte toujours à un mur.

| Q. Et à parler de ligne dure, quid des questions économiques ?

Charlotte Sawyer. Qu’on apprécie ou que l’on s’offusque des prises de positions de l’administration Trump n’a, sur le fond, aucun intérêt, sauf à souligner l’immense impuissance des Européens que vous êtes. Là aussi, force de reconnaître que le ciel se couvre avec ses écueils d’ambiguïtés à peine dissimulées de la part de vos amis américains.

| Q. Une nouvelle donne, vous voulez dire. Pour qui ?

Jacques Borde. Hors, l’Iran, pour l’Europe. Et, tout sauf du bonheur, semble-t-il.

Résumant le point de vue de l’administration Trump, le US Secretary of the Treasury, Steven T. Mnuchin, a sommé sans attendre l’européen Airbus de jeter aux orties son contrat de 19 Md$US portant la vente de 100 appareils à l’Iran.

En revanche, la position que le Trésor compte adopter vis-à-vis de Boeing reste dans le flou le plus artistique…

| Q. Vous voulez dire que l’administration Trump pourrait, a contrario, autoriser la vente de Boeing à l’ennemi iranien ?

Jacques Borde. Pourquoi pas ? C’est, techniquement parlant, tout à fait possible. Il suffit à Boeing d’obtenir du pouvoir fédéral la forme d’exemption prévue par les lois fédérales lui permettant de livrer ses appareil à Iran Air et tutti quanti.

| Q. Tout en bloquant les ventes d’Airbus ?

Charlotte Sawyer. Oui, bien sûr. Les deux dossiers n’ont rien à voir. Boeing et Airbus sont, je vous le rappelle, des entités commerciales distinctes. À cela près que l’une est américaine et l’autre européenne. Suivez mon regard. Mais, l’administration Trump peut également surseoir à ces ventes dans un premier temps.

Jacques Borde. Notez qu’il se murmure que c’est bien ce statut d’exemption que le français Total compte bien négocier avec l’administration Trump pour poursuivre ses opérations en Iran.

Là, quelque part, passant outre les mamours entre le président américain, Donald J. Trump, et son homologue français, commencent les choses vraiment sérieuses : le business !

| Q. Hors l’Iran, selon vous, il y a donc un objectif secondaire dans la manœuvre du retrait US du JCPoA ?

Jacques Borde. Secondaire, voire premier, qui sait ?

Charlotte Sawyer. D’une manière, Donald J. Trump ne ment pas en disant qu’il n’a rien contre le peuple iranien. C’est le régime en place à Téhéran en tant que tel qui est visé.

Primo, comme adversaire géopolitique et géostratégique de Washington, en tant que détenteur des leviers de commandes. Pour l’administration Trump, la RI d’Iran est l’empêcheur de tourner en rond qui ralentit et/ou bloque l’avenir radieux concocté pour le Proche et Moyen-Orient, tel que rêvé par d’éminents cénacles sis sur les rives de notre Potomac

Secundo, en tant que rival économique (énergétique essentiellement) de nos corporates étasuniennes.

Tertio, en tant que partenaire économique des Européens que vous êtes.

| Q. Iriez-vous dire qu’existe un plan concerté visant à nous éjecter économiquement de certaines parties du monde ?

Jacques Borde. Si ça n’est pas un plan concerté, ça y ressemble fichtrement, en tout cas. À ce stade, je noterai deux choses.

Primo, on pensera tout ce qu’on voudra de l’Assistant to the President for National Security Affairs (APNSA), qu’est John R. Bolton. La seule chose que ce monsieur n’est assurément pas c’est un imbécile et un adepte de l’improvisation. Or, bille-en-tête, c’est bien l’Europe que Bolton a aussitôt attaqué.

Secundo, assez passée inaperçue en France, cette enquête d’avril 2018 du New York Times qui a révélé que certains demandeurs d’asile soudanais renvoyés par la France, l’Italie et la Belgique, auraient été torturés à leur retour dans leur pays d’origine.

Charlotte Sawyer. Une fois de plus, comment ne pas relever que c’est bien l’Europe qui se retrouve mise en cause sur la base d’informations venues des USA revenant à écarter la France et les Européens partout où nous-mêmes convoitons les ressources énergétiques des uns et des autres. Business is business after all7 !

Jacques Borde. Même doctrine, même stratégie. Ou Is fecit cui prodest, disaient les Anciens Romains…

Notes

1 Talk-show animé par le journaliste Charlie Rose, diffusé par le réseau américain PBS.
2 Entre 2010 et 2013 ainsi que son directeur, à deux reprises par intérim, d’abord en 2011, puis de 2012 à 2013.
3 Hors de contrôle.
4 Pas si bourrin (sic) que le dépeignent ses détracteurs, parle quatre langues : l’hébreu, le russe, le roumain et l’anglais et est, depuis 1999, rédacteur en chef de la revue Yoman Yisraeli.
5 Armée arabe syrienne.
6 Ou ÉIIL pour Émirat islamique en Irak & au Levant.
7 Les affaires sont les affaires, après tout !

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