Michael T. Flynn : Le Maître de guerre(s) de l’Amérique d’abord

Pas important dans la formation de l’administration Trump, le choix de Michael T. Flynn au poste de Conseiller à la Sécurité nationale. Poste de haut vol qui ne nécessitant pas d’approbation du sénat, contrairement à d’autres offices dans l’administration, fait que l’intéressé, contrairement à d’autres a la voie libre devant lui. D’où la question qui suit : qui est donc  Michael T. Flynn ?

Parlons du poste d’abord : l’Assistant to the President for National Security Affairs ou National Security Adviser est le conseiller direct et l’un des principaux conseillers du président des États-Unis qu’il renseigne et conseille sur toutes les questions relatives à la Sécurité nationale. Il est, de ce fait, le plus haut membre du National Security Council (NSC) qui dépend directement du président des États-Unis et qui a un rôle de conseil, de coordination (voire d’impulsion) sur les sujets de politique étrangère, de sécurité nationale, et plus généralement sur l’ensemble des questions stratégiques.

Statutairement, le NSC réunit le vice-président, le US Secretary of State, le US Secretary of Defense, et le National Security Adviser autour du président. Celui-ci le préside, tandis que son administration est dirigée par le… National Security Adviser. Donc désormais le  lieutenant-général Michael T. Flynn.

En cela, le National Security Adviser en tant qu’acteur prédominant, de la politique intérieures étrangère des États-Unis est bien plus que le vice-président le n°2 de toute administration présidentielle.

Le lieutenant-général Michael T. Flynn, est l’ancien patron de l’Agence du renseignement militaire (DIA), de 2012 à 2014. Ironie du sort, Michael T. Flynn, à titre personnel, est un démocrate pur jus. Mais, l’homme a été séduit par le discours de Donald J. Trump : rapprochement avec Moscou et interrogatoires directifs pour les terroristes takfirî. Soulignons ici combien Trump tient sa promesse d’être le président de tous les Américains : le principal pilier de son administration n’est pas issu des rangs de son parti.

Posture ancienne et non guidé par un attrait de la gamelle, est-il important de le préciser. C’est à la tête de la DIA, donc quelque part avant Trump, que Flynn s’était montré favorable à une coopération avec Moscou en matière de sécurité internationale, notamment sur le volet syrien de la guerre contre Al-Dawla al Islāmiyya fi al-Irāq wa al-Chām (DA’ECH)1. Flynn avait donc brusquement été mis à la retraite (sic) en août 2014, un an avant l’expiration officielle de son mandat, parce que les idées qu’il prônait étaient en totale opposition avec les positions défendues par Barack H. Obama, et son US Secretary of State, John F. Kerry.

Cf. « Si la Russie et les États-Unis continuent de se défier, cela ne mènera à une poursuite du conflit. Je suis d’avis qu’il faut créer un échange de données de surveillance, être partenaires, s’inviter les uns les autres dans nos centres de commandement. Ce n’est pas difficile à faire. Et cela nous permettra de mieux comprendre nos objectifs militaires. Nous devons également faire en sorte que les cibles stratégiques américaines et russes se recoupent ».

Mais on ne pourra jamais reprocher à Michael T. Flynn son tropisme pro-russe : il l’a toujours assumé. Ainsi, invité au gala d’anniversaire de Russia Today en 2015, Flynn était assis à la table de… Vladimir V. Poutine.

Pour Michael Flynn, l’islam radical représente l’ennemi numéro un des États-Unis, et Barack Obama a été incapable de lutter contre cette menace. Le nouveau conseiller estimant même que l’administration Obama n’a rien fait de valide depuis la liquidation du fondateur du Al-Jabhah al-Islamiyah al-Alamiyah li-Qital al-Yahud wal-Salibiyyin2, feu Oussāma Bin-Mohammed Bin-Awad Bin-Lāden, en 2011, se reposant sur ses lauriers.

Autre point-clé : la doxa de Michael Flynn en matière de sécurité intérieure. Flynn a fait part de sa volonté de durcir les mesures en matière d’immigration et la mise en place de nouvelles règles à l’égard des migrants en provenance des pays musulmans.

« Nous faisons face à des djihâdistes cruels, dangereux et perfides. On sortira peut-être épuisé de cette guerre après notre victoire. Mais si on perd, il ne restera rien de notre pays », avertissait Flynn sur son compte Twitter.

Flynn, écrivait aussi que « Nous faisions face à un ennemi méprisable, qui violait et pillait femmes et enfants, garçons et filles, décapitait pour s’amuser, le tout en regardant du porno sur leurs ordinateurs portables (…). De fait, à un moment, nous avons déterminé que 80% des données récupérées sur les ordinateurs portables que nous avions capturées étaient de la pornographie »3.

L’hypothèse levée par le général Flynn, qui jouit d’une solide réputation de probité au sein de l’establishment militaire, est par ailleurs confirmée par d’anciens agents du contre-terrorisme qui, interrogés par ABC News, confirment qu’on trouvait fréquemment du porno sur les ordinateurs des combattants takfirî. « Il y en avait qui était atroce, et c’était de tous genres. Parfois avec des enfants, des animaux », a indiqué l’un d’entre eux.

Affirmations qui confirment ce que disent et répètent les signatures de ce blog, tant Hilda Stefanian que moi-même…

Flynn devait publier un livre en juillet 2016 : The Field of Fight: How We Can Win the Global War Against Radical Islam & Its Allies (Le Champ de bataille : comment nous pouvons gagner la guerre globale contre l’islam radical & ses alliés), mais l’auteur de ces lignes n’a pas encore eu l’occasion de jeter un coup d’œil sur l’opus en question.

Pourquoi, techniquement parlant, Obama a-t-il viré Flynn ?

En fait, contrairement à d’autres de ses collègues de l’état-major limitant leurs critiques à des canaux relativement confidentiels et convenus, Flynn ne l’a pas fait et a donné aux siennes un retentissement qui a déplu.

Dès lors, « Flynn s’est attiré les foudres de la Maison-Blanche en insistant pour qu’on dise la vérité sur la Syrie »4, déclarera à Seymour M. S Hersh, le colonel (CR) Patrick Lang, responsable de la DIA pour le Proche-Orient. « Il pensait que dire la vérité était la meilleure chose à faire et ils l’ont écarté. Mais il ne voulait pas se taire ». Flynn m’a dit que son problème allait au-delà de la Syrie. « Je changeais les choses à la DIA — et je ne me contentais pas de réarranger les chaises longues sur le pont du Titanic —. C’était une réforme radicale. J’ai eu l’impression que la direction civile ne voulait pas entendre la vérité. J’en ai souffert, mais je m’en arrange »5.

Dans un entretien à Der Spiegel, Flynn s’était montré catégorique à propos de l’entrée de la Russie dans la guerre de Syrie : « Nous devons travailler de façon constructive avec la Russie. Que nous le voulions ou non, la Russie a pris la décision d’intervenir militairement. Ils sont là, et cela a complètement changé la dynamique. Donc vous ne pouvez pas dire que la Russie agit mal, qu’ils doivent entrer chez eux. Cela n’arrivera pas. Regardez les choses en face ».

Peu de gens à Washington partageaient ouvertement ce point de vue. C’est la victoire de de Donald J. Trump, qui vient de changer la donne :

L’une des rares exceptions aura été Tulsi Gabbard6, élue de Hawaii et membre de la Commission des Forces armées de la Chambre des Représentants qui, en tant que commandant de la Garde nationale, a servi deux fois sous les drapeaux au Proche-Orient.

Flynn, pour revenir à lui, confirmera à Seymour M. Hersh que la DIA avait fait son devoir et alimenté la direction politique du pays sur les conséquences néfastes d’un renversement d’Assad.

Mais en vain.

« Si le public US était au courant des renseignements que nous produisons quotidiennement, au niveau le plus confidentiel, il péterait les plombs », affirmera Flynn à l’époque. « Nous comprenions la stratégie à long terme de DA’ECH et leurs offensives, et nous discutions également du fait que la Turquie tournait le dos lorsqu’il était question du progrès de l’État Islamique en Syrie »7. Mais, les rapports de la DIA, « étaient rejetés avec fermeté » par l’Administration Obama. « J’avais le sentiment qu’ils ne voulaient pas entendre la vérité (…) Notre politique d’armement de l’opposition contre Assad était un échec et montrait des impacts négatifs »8, déclarera Flynn.

Flynn dénoncera également sur Al-Jazeera l’irrationalité stupéfiante de la Maison-Blanche sur le dossier syrien.

Signe ce cet imbroglio, Flynn avait soutenu jusqu’à présent « une telle diversité de factions [anti-Assad qu’] il est impossible de comprendre qui est qui, et qui travaille avec qui. La composition de l’opposition armée syrienne, de plus en plus complexe, a rendu toute identification considérablement plus difficile. Pour cette raison, (…) du point de vue des intérêts américains, nous devons (…) prendre du recul et soumettre notre stratégie à un examen critique. À cause de la possibilité, très réelle, que nous soutenions des forces liées à État islamique (…), en même temps que d’autres forces anti-Assad en Syrie »9.

Voilà en quelques lignes ce que pense le nouveau patron du NSC. Un vent intéressant souffle assurément sur les rives du Potomac. Et lorsqu’on entend le chef d’état-major russe, le général Valéri V. Guerassimov, affirmer qu’« Il ne faut pas chasser les terroristes d’un pays vers un autre, mais les détruire sur place », on se dit qu’il n’y a pas de grandes différences entre ce que pensent ces deux hommes de l’art de la guerre.

Ni d’ailleurs entre ce que l’on sent émerger comme relations entre les patrons respectifs. Quoi de bien surprenant d’ailleurs. Comme le dit si bien Caroline Galactéros sur son blog, « Le discours pragmatique de Trump pendant la campagne sur l’indispensable dialogue avec Moscou constitue donc une rupture intellectuelle fondamentale et féconde avec l’indécrottable ”esprit de Guerre froide” qu’appuyait sans vergogne Madame Clinton et qui fait le jeu de nos ennemis communs »10.

Alors, finalement, tout ne va pas si mal !

Notes

1 Ou ÉIIL pour Émirat islamique en Irak & au Levant.
2 Front islamique mondial pour le combat contre les juifs & les croisés.
3 De militaire à militaire, London Review of Books, Seymour M. Hersh.
4 De militaire à militaire, London Review of Books, Seymour M. Hersh.
5 De militaire à militaire, London Review of Books, Seymour M. Hersh.
6 Représentante du 2ème district d’Hawaï à la Chambre des représentants depuis le 3 janvier 2013. Première Americano-Samoane et première Hindoue élue au Congrès. Et, avec Tammy Duckworth, une des rares femmes-vétérans bardée de décorations à arriver aussi loin en politique.
7 De militaire à militaire, London Review of Books, Seymour M. Hersh.
8 De militaire à militaire, London Review of Books, Seymour M. Hersh.
9 De militaire à militaire, London Review of Books, Seymour M. Hersh.
10
Bouger les lignes, .

PARTAGER

Consulter aussi

Nos ONG sont-elles (entre autres) la composante navale de DA’ECH ? [1]

Aquarius ou Cheval de Troie ? Deux thèses, désormais, s’affrontent quant à la nature de cet …