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Le cheval de Troie expliqué aux derniers latinistes

Cela me conduisit à croire que les nations chrétiennes finiraient peut-être par subir quelque oppression pareille à celle qui pesa jadis sur plusieurs des peuples de l’Antiquité.
Tocqueville

« Infandum, regina, iubes renouare dolorem…

La leçon du cheval de Troie, c’est que la mise à mort d’une civilisation est toujours volontaire : l’ennemi trouve des collaborateurs et des anges exterminateurs à l’intérieur de nos propres murs ; et parfois tout le monde. Il y a quelques veilleurs que l’on bat de nuit (caeduntur vigiles, écrit Virgile, le bien-nommé en l’occurrence), quelques hommes de main décidés et l’affaire est faite. L’affaire est faite parce qu’elle a déjà été gagnée la veille, parce que Troie, décidément, a eu envie, a eu besoin de mourir. Elle s’est trop longtemps battue. Elle s’offre à une idole mortuaire.

Le cheval est une offrande aux dieux ; et toujours il y a un sacrifice humain qui précipite la chute des murs. La foule prend peur et se dit que Laocoon, avalé par le serpent avec ses enfants, a bien mérité son sort : n’a-t-il pas défié les puissances ? J’aime cette idée que la peur s’insinue (Enéide, chant II, vers 228-245) comme une sueur par les poitrines ; et que le châtiment, le châtiment du seul esprit lucide donc, fut mérité.

Per pectora cunctis insinuat pavor et scelus expendisse merentem Laocoonta ferunt.

* * *

En Espagne en 2004 l’attentat a précipité la victoire de Zapatero et la chute des défenses psychiques du peuple espagnol ; ainsi que l’invasion migratoire. Mais finalement les attentats du 11-Septembre ont accéléré l’entropie américaine et européenne, au lieu d’y mettre un terme. C’était une invitation à aller plus vite au désastre. On élut Obama et on ouvrit les portes toutes grandes.

On rappellera que c’est l’empereur Valentinien qui en 378 fait entrer les Ostrogoths qui détruisent tout sur leur passage. Et depuis les années 90, alors même qu’il n’y a plus d’ennemis tangibles, on observe la volonté de nos élites de nous faire disparaître, en Europe comme en Amérique, dans le cadre de la mondialisation nihiliste. Etre c’est ne pas être.

Tout est rapide et progressif chez Virgile.

Les défenses psychiques sont abattues par un réfugié du nom de Sinon (Heu, quae nunc tellus, inquit, quae me aequora possunt). Priam pratique la pleurnicherie humanitaire de Philippe Muray : His lacrimis uitam damus, et miserescimus ultro. Et de gober le story-telling, pardon le récit de Sinon.

Les Troyens détruisent leurs murs :

Diuidimus muros et moenia pandimus urbis

Etait-ce bien prudent vraiment de détruire ces murailles ?

Lisez Guénon…

La destruction de murailles se fait dans la joie et la bonne humeur ; on est déjà dans la civilisation de l’homo festivus. Vive les privatisations des biens publics et des patrimoines des nations régalés aux copains pour une poignée de figues, vive la libération des marchés, vive l’euro, Goldman et les délocalisations. Vive aussi la réunification allemande et la chute du mur facturée à tout le monde.

On fait des rondes, on chante des chants sacrés, on touche la corde qui tire le monstre, de manière érotique. Le suicide civilisé est un aphrodisiaque. C’est une révolution sexuelle !

Pueri circum innuptaeque puellae, sacra canunt, funemque manu contingere gaudent

C’est la corde du funambule…

Virgile décrit la folie qui s’empare de la cité : on est « sans mémoire et aveuglés par la fureur ». On fait rentrer le « monstre de malheur » dans l’arche sacrée de la cité.

instamus tamen inmemores caecique furore  et monstrum infelix sacrata sistimus arce.

Car ce monstre de malheur est un monstre malheureux, tout comme restent malheureux ceux qui dans nos cités ont imposé le monstre.

* * *

Après la fête, la fatigue. On voit de nos jours l’inertie du peuple untel privé de ses biens et de ses libertés, condamné à s’incliner devant la volonté des lobbies et deux partis. Le peuple a envie de dormir, il est condamné à l’involution soporifique qui paralyse ses membres. Les Français ne sont-ils pas les plus gros consommateurs mondiaux d’anxiolytiques ? Je me demande si la législation anti-tabac n’a pas un but similaire : la cigarette n’était-elle pas depuis toujours le moyen de ne pas dormir ?

sopor fessos complectitur artus

L’ingénierie alimentaire, planifiée et planétarisée, a elle aussi eu pour mission de créer des populations stérilisées, ennuyées, hébétées, disait Baudrillard, obèses, soumises, habituées à dépenser trente dollars d’essence pour aller bouffer du hamburger (découvrez Fast-food nation de Linklater). Une fois que l’on est dans cet état-là, on n’a plus qu’à faire pénétrer les monstres dans la ville enterrée par le vin et le sommeil. Les troyens ne sont-ils pas déjà morts ?

Inuadunt urbem somno uinoque sepultam

La ville est déjà sous sépulture ? Et c’était avant la télé.

On comprend pourquoi cet épisode du cheval a traumatisé toutes les sociétés. Il synthétise moins la ruse de l’ennemi que la volonté de mourir par bêtise et faiblesse.

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