Europe Vs États-Unis : Kulturkampf ou possible Guerre d’attrition économique ?

Les aléas des présidentielles US ont beaucoup occupé nos media. Entre incompétence crasse & doxa munichoise, se sont-ils posés les bonnes questions quant à l’arrivée de la nouvelle administration US ? Pas sûr ! Alors faisons-le (un peu) à leur place…

« Ni oubli, ni pardon, ni reconnaissance diplomatique, ni négociations. Destruction du pseudo-État islamique. Totale. Partout. Maintenant ».
Une amie Internaute sur Facebook. Dorénavant, cette phrase sera notre Delenda Carthago est1.

Allons-y directement avec cette question abrupte : l’Europe de Bruxelles pourrait-elle devenir l’ennemie de l’Amérique de Trump ?

Jacques Borde. Quelque part, oui. Dans la mesure à ça n’est pas déjà le cas, au plan économique.

Et, là, à quoi pensez-vous ?

Jacques Borde. À, notamment, deux dossiers qui pourraient se révéler délicats. Voire explosifs :

1- le Brexit. Clairement, Donald J. Trump a choisi son camp : ce sera celui de Londres et du Premier ministre britannique, Theresa M. May2. Si la situation vire au vinaigre suite à l’arrogance de Bruxelles et de ses apparatchiks munichois, on peut s’attendre à une guerre d’attrition économique qui causera des pertes.

2- le Marché aéronautique, plus dégradé, peut-être, qu’il n’y paraît. Certaine sources pronostiquent un tassement du côté des pétromonarchies, qui, assurent, rappelons-le, la grosse part des succès commerciaux de l’industrie aéronautique européenne. Mais aussi celle de nos concurrents US : avionneurs, motoristes, équipementiers, etc. !

Certes, le marché indien s’est fait la spécialité de commandes massives. Mais tout aussi massivement reportées qu’annulées. Et la dernière en date, 100 exemplaires, a fait la fortune de Boeing pas d‘Airbus. Quant à l’Iran, il a fait le plein de ses commandes à moyen termes, en gros 200 appareils, en parfait équilibre entre les deux grands.

Globalement, qui mène le bal : Boeing ou Airbus ?

Jacques Borde. En fait, les deux à la fois. C’est aussi ça une partie du problème !

Vincent Lamigeon l’a souligné sur son blog, « D’un côté, l’avionneur américain, avec 748 livraisons contre 688 à Airbus, reste le leader mondial incontesté de l’aviation, titre récupéré en 2012. De l’autre, l’élan commercial est clairement en faveur d’Airbus. Le groupe européen a annoncé mercredi 11 janvier, lors de la présentation de ses résultats commerciaux 2016, avoir obtenu 731 commandes nettes (défalquées des annulations), contre 668 à son concurrent »3.

Et, pour l’avenir, les choses pourraient se tendre davantage, dans la mesure où, écrit Vincent Lamigeon : « …l’écart entre les carnets de commandes des deux groupes s’est encore accru. Airbus doit livrer 6.874 avions, contre 5.715 à Boeing. Tôt ou tard, cette différence de près de 1.200 avions, soit presque deux ans de production, se retrouvera dans les chiffres de livraisons, permettant à Airbus de récupérer le leadership mondial. Quand cette bascule va-t-elle s’effectuer ? Fabrice Brégier, président de la division commerciale d’Airbus, a maintenu sa prévision d’un croisement des courbes en 2019. “Notre carnet de commandes plus important devrait se traduire dans les livraisons”, indique le patron d’Airbus »4.

En fait, pour faire simple, le marché sera toujours en dents de scie entre les deux majors de l’aéronautique. Mais, il serait illusoire de croire que si les choses ne se passent pas assez bien du point de vue de Donald J. Trump, celui-ci restera les bras croisés sans tenter de faire pencher la balance en faveur de Boeing

Et la situation au Moyen-Orient est aussi dégradée que vous le dites ?

Jacques Borde. Probablement, pire encore.

C’est, en tout cas l’analyse de Guillaume Berlat, pour qui « Un Proche et Moyen-Orient à feu et à sang. En ce début d’année 2017, la région apparaît tel un champ de ruines après le passage d’Attila-Amérique ! Au terme de deux mandats présidentiels, les négociations entre Israéliens et Palestiniens n’ont pas avancé d’un pouce, pire la situation n’a cessé d’empirer5. L’Irak ne parvient toujours pas à se remettre de la guerre américaine de 2003. Il faut attendre sa dernière conférence de presse, le 16 décembre 2016 pour que Barack Obama déclare publiquement qu’il a sa part de responsabilité dans la situation en Syrie tout en égratignant au passage la Russie de Vladimir Poutine (celui qui impose une trêve avec la Turquie sans y impliquer Washington). Les relations avec l’Arabie saoudite et la Turquie se sont crispées. Benjamin Nétanyahu n’en fait qu’à sa tête, se moquant ouvertement des conseils qui lui sont prodigués au bord du Potomac. L’Égypte renoue avec une tradition autoritaire. Le Liban est en crise permanente. La Jordanie n’est pas à l’abri d’attentats terroristes. Cerise sur le gâteau, la Syrie marque le désarroi d’une diplomatie américaine supportant les humiliations russes6. Si Grand Moyen-Orient il y a, c’est celui de la désolation »7.

Et, cette désolation c’est aussi celle de son économie. Moins de moyens=moins de commandes, c’est aussi simple que ça !

Or, estimait un cadre d’Air France, cité par Challenges, « Les compagnies du Golfe ont mangé leur pain blanc. La baisse des prix du pétrole leur a ôté un avantage compétitif, elles cherchent aujourd’hui à s’allier avec de majors européennes, mais elles n’ont rien à donner en échange »8.

Q. Mais si nous parlons de Boeing, ses avions embarquent du composant européen. Rassurant, non ?

Jacques Borde. Oui, tout à fait. Dans un appareil qui sort des chaînes de montage US, il y a peu près de 30% d’européen (sic). Mais, avec des relations houleuses avec l’America First de Trump, la tentation pourrait être grande de revoir cette part à la baisse. Même si il est à noter que les appareils d’Airbus embarquent aussi leur lots d’équipements made in USA.

Mais si vous avez noté les propos de Trump à propos des Chevrolet pas assez nombreuses dans les rues de Berlin par rapport aux Mercedes, BMW et Audi dans celles de New York, le risque est aussi celui de baisses de nos ventes auprès des compagnies US…

Qu’y pouvons-nous ?

Jacques Borde. Trump reste avant tout un pragmatique. Il n’est pas à la recherche d’une confrontation avec les Européens. Ni avec que ce soit d’autre, je pense. Alors, cessons de lui chercher des poux dans la tête et discutons.

Si vous voulez, la guerre entre Airbus et Boeing n’en est plus vraiment une. Plus à couteaux tirés, en tout cas. Alors, évitons de donner des arguments à ceux qui voudraient à nouveau sortir les épées des fourreaux.

Mais, tout est lié, les questions économiques et géostratégiques ?

Jacques Borde. Oui, évidemment. Mais, là, comment noter que nous sommes, comment dire, complètement largués, par les Américains.

Ce que nous prenons pour des succès ne sont que des illusions. Comme notre ubuesque Conférence de Paris sur la question israélo-palestinienne.

Or, comme l’a fort bien noté, Eber Addad, « On se félicite que la Conférence de Paris de dimanche dernier ait été un soufflé qui est retombé, un flop et qu’en réalité rien ne se soit passé. Certains exultent en insistant sur le fait qu’il n’y avait pas lieu de s’inquiéter et que cette conférence n’était pas mal intentionnée. Ce n’est pas du tout le cas. La véritable raison de l’échec de cette conférence et du sinistre plan qu’Hollande avait élaboré sous la férule d’Obama, est le fait que le Royaume-Uni s’en est distancé et qu’il a, en plus, informé qu’en cas de suite à l’ONU il opposerait son veto. Le Royaume-Uni a été suivi par certains pays des Balkans pour empêcher l’Union Européenne d’adopter cette déclaration au grand dam de Mogherini. L’Australie, également, s’est désolidarisée de Hollande et la France n’a pas voulu mécontenter ce pays qui est sur le point de signer un énorme contrat de vente de sous–marins pour un montant de près de 35 Md€. Business is business ! Cela dit, Teresa May, la première ministre britannique, a agi de concert avec Donald Trump avec qui elle préfère avoir de bonnes relations qu’avec les deux losers, Obama à qui il ne reste que 3 jours maintenant et Hollande 3 mois… Avant même d’être président Trump a accompli énormément de choses aussi bien sur le plan économique que politique mais ne comptez pas sur la presse française atteinte de troubles obsessionnels graves et de partialité pathologique pour vous en parler ».

Quand allons-nous enfin ouvrir les yeux ? Les États-Unis ont, par leur poids, plus d’entregent que Bruxelles ou Paris. Et, d’ores et déjà, Londres a déjà changé de camp. Ou plutôt est resté dans celui qui a toujours été le sien depuis 1945 : celui de Washington quel que soit le président aux commandes…

Notes

1 En français : Il faut détruire Carthage, ou plus littéralement : Carthage est à détruire). Selon la tradition, Caton l’Ancien prononçait cette formule à chaque fois qu’il commençait ou terminait un discours devant le Sénat romain, quel qu’en fût le sujet.
2 Qui fut une aussi redoutable que discrète Secretary of State for the Home Department.
3 Vincent Lamigeon.
4 Vincent Lamigeon.
5 Alain Frachon, Obama & le désastre israélo-palestinien, Le Monde (15 avril 2016).
6 Laure Mandeville, Syrie : la politique conciliante d’Obama contestée par les siens, Le Figaro (21 juin 2016).
7 Guillaume Berlat.
8 Challenges n°504 (15 janvier 2016).

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