Les Palestiniens, le Monde arabe & la Crise syrienne [1]
Un aspect de ce qu’on appelle de manière générique, la cause palestinienne est systématiquement ignorée par les media mainstream : leur implication, participation, voire leur intérêt pour des causes autres que la leur. D’où cette question qu’en est-il des Palestiniens & de la crise syrienne ? 1ère Partie.
Tout ne commence-t-il avec les printemps arabes ?
Jacques Borde. Ah, les printemps arabes ! Principalement, deux choses sont à noter à leur sujet :
1- il n’y a pas eu de printemps arabes dans les zones administrées politiquement par les Palestiniens. Est-ce un bien, est-ce un mal ? Ça serait aux principaux intéressés de se prononcer.
2- La population palestinienne étant notablement représentée par son importante diaspora, elle a, de ce fait, été affectée au même titre et de la même manière que les autres populations arabes par les printemps arabes (sic) puis, surtout, par la terreur takfirî qui s’est propagée par leur biais. Et cela hors de ce fut, historiquement la Palestine mandataire.
A-t-elle eu à souffrir des événements ?
Jacques Borde. Oui, beaucoup. Notamment en Syrie et au Liban. Les camp palestiniens de ces deux pays ont été visés par :
1- soit pas des attaques terroristes ;
2- soit ont vu des groupes proches d’Al-Dawla al Islāmiyya fi al-Irāq wa al-Chām (DA’ECH)1 et Jabhat an-Nusrah li-Ahl ach-Chām2 s’emparer ou tenter de s’emparer de ces camps. Y commettant, évidemment, les mêmes horreurs que partout où ils passaient.
Et de la part du camp présidentiel ?
Jacques Borde. Il existe des chiffres assez alarmants et pratiquement aussi peu vérifiables que toutes les autres accusation proférées contre le régime de Damas, comme l’appellent les porteurs de valises médiatiques de la terreur takfirî.
Il y a une histoire voulant que les autorités syriennes auraient retenus les corps de plus de 456 Palestiniens, prétendument morts sous la torture en prison.
Ce qui est certain, c’est que l’année 2016 aura été une année difficile pour les Palestiniens. Pas seulement pour les Palestiniens qui vivent cahin-caha sous la tutelle d’As-Solta al-Wataniya al-Filastiniya (ANP)3, ou à Gaza sous celle, tout aussi corrompue, du Hamas. Mais pour les Palestiniens de Syrie aussi.
Dispose-t-on de chiffres ?
Jacques Borde. Oui, mais les sources restent peu fiables et toujours pro-occidentales. Un rapport affirme ainsi que 3.420 Palestiniens de Syrie (dont 455 femmes) ont été tués depuis le début de la guerre. Toujours selon cette même source, près de 80.000 Palestiniens auraient fui vers l’Europe, près de 31.000 au Liban, 17.000 en Jordanie, 6.000 en Égypte, 8.000 en Turquie et 1.000 dans la Bande de Gaza.
Mais je vous le répète ces rapports sont biaisés et peu fiables en fait, étant systématiquement hostiles à Damas, présenté comme le seul vecteur de souffrance des Palestiniens en Syrie.
Et, c’est faux ?
Jacques Borde. C’est surtout une vaste fumisterie ! À peu près la même que celle qui, s’appuyant sur les Je Suis Partout et Gringoire4 de la presse munichoise perfusée à l’or golfique, nous a trompé des mois durant à propos d’Alep.
Que voulez-vous dire ? Que les Palestiniens sont passés au travers…
Jacques Borde. Non pas du tout. Les Palestiniens ont souffert au même titre que le reste de la population civile en Syrie et au Liban.
À cela s’ajoute un phénomène important que, bien sûr, nos media munichois passent sous silence : la participation de nombreux Palestiniens à la défense de la République arabe syrienne (RAS) face au terrorisme takfirî…
Le phénomène a été important ?
Jacques Borde. Oui. Vous savez, beaucoup de Palestiniens – qu’ils soient de Syrie, d’Irak, du Liban ou d’ailleurs en diaspora – sont ce que nous appellerions en Europe des laïques. Les Palestiniens ont été un des principaux vecteurs de propagation de ce qu’on a appelé le nationalisme arabe. Rappelez-vous que lors de la 1ère Guerre du Golfe, l’OLP d’Arafat choisira – et le paiera très cher, géopolitiquement – le camp de l’Irak de Saddam Hussein.
Et, en Syrie?
Jacques Borde. Même cause, mêmes effets ! Les principales centrales palestiniennes ont choisi de se battre contre la terreur takfirî et non à ses côtés comme tentent de nous le faire croire certains. Et quand je dis se battre, c’est bien sûr les armes à la main.
On sait qui a ainsi rejoint le camp de Damas ?
Jacques Borde. Oui, et j’en oublie très certainement, vous avez (dans le désordre) :
1- Al-Jabhah al-Sha`biyyah li-Taḥrīr Filasṭīn (FPLP)5.
2- Al-Jabhah al-Dimuqratiya li-Taḥrīr Filasṭīn (FDLP)6,
3- Front Populaire pour la Libération de la Palestine-Commandement Général (FPLP-CG). Le mouvement, qui est totalement engagé auprès d’Al-Jayš al-’Arabī as-Sūrī (AAS)7, compte aujourd’hui de 1.000 à 1.500 combattants.
4- As-Sa’iqa, d’obédience ba’asiste. En fait, clairement une émanation du pouvoir syrien ; fondée, à l’origine, pour contrer l’OLP arafatiste.
5- Saraya al-Quds (Brigades al-Qods) qui est la branche armée du Harakat al-Jihâd al-islami fi Filastin ou Djihâd Islamique palestinien), qui a clairement choisi le camp de Damas.
Pas mal ! Et, c’est tout ?
Jacques Borde. Non, vous avez aussi des Palestiniens de Syrie, qui, par affinité politique ou capillarité géographique ont rejoint des milices locales. En l’Orient compliqué, les choses peuvent parfois être simples : comme de se battre aux côtés de ses voisins et amis…
Des milices ? Lesquelles ?
Jacques Borde. Vous avez le choix : Katā’ib al-Baʿth8, Liwāʾ Suqūr aṣ-Saḥrāʾ9, les Noussour al-Zaoubaale, les Aigles de la tempête qui est la milice du Hizb as-Sūrī al-Qawmī al-Ijtimā`ī (PSNS)10, la Liwāʾ al-Quds11 ou encore la Garde Nationaliste Arabe (GNA).
Comme je vous l’ai dit : on rejoint souvent ceux qui sont le plus proches…
Notes
1 Ou ÉIIL pour Émirat islamique en Irak & au Levant.
2 Ou Front pour la victoire du peuple du Levant, ou de manière abrégée Front al-Nosra.
3 Autorité nationale palestinienne, et non seulement Autorité palestinienne (AP) comme l’écrivent de manière systématiquement erronée la plupart des media.
4 Titres phares de la kollaboration pro-hitlérienne sous l’Occupation.
5 Front populaire de libération de la Palestine, fondé 1967 par, entre autres, le Dr. Georges Habache et Ahmed Jibril qui scissionnera pour fonder le Front Populaire pour la Libération de la Palestine-Commandement Général (FPLP-CG).
6 Ou Front démocratique pour la libération de la Palestine, souvent désignée sous le nom de Front démocratique, al-Jabha al-Dimuqratiyah, fondé par Nayef Hawatmeh.
7 Armée arabe syrienne.
8 Brigades du Ba’as.
9 Ou Brigade des Faucons du désert en français, forme de réserve territoriale en quelque sorte ou pour faire simple, une sorte de Bassidj syrien, mais relevant de l’AAS, l’armée régulière syrienne.
10 Parti social national syrien, connu aussi sous le nom donné par la France de Parti populaire syrien, PPS, ou de Parti saadiste ou encore au Liban de Parti nationaliste.
11 Brigade de Jérusalem.