Fi du Hearts & Minds : Trump rafle la mise & rentre les poches pleines (400 Md$US) ! [2]

À quoi servent bassesses & courbettes ? Accompagné d’une Melania Trump resplendissante &, ostensiblement, non voilée, Donald J. Trump, a décollé du pays avec 400 milliards de dollars de contrats en poche. Alors que, précédemment, le même Trump avait dit pis que pendre de cet islamisme takfirî pourtant si en cour à Riyad ? Comme quoi, brandir le bâton (surtout lorsqu’il est de la taille de celui à portée de main du locataire de la Maison-Blanche) est plus efficace que d’agiter, façon petits marquis du Quai d’Orsay, quelques carottes bio sous le nez de nos amis (sic) wahhabî ! À nul doute une leçon de realpolitik à méditer pour les Vieux Européens que nous sommes. D’autant plus que la France voit s’éloigner du tiroir-caisse de Bercy plusieurs contrats d’armements présentés, en rampant plus bas que terre, au ministre séoudien de la Défense, SAR Mohamed Ibn-Salmān Āl-Séʻūd… 2ème Partie.

« Que le voyage de Trump soit le plus gros coup économique d’un chef d’État n’enlève rien au fait que ce pourrait être le plus gros coup géopolitique également. Il faut l’appréhender globalement avec la visite en Israël. La présence de Bannon au premier plan chez les Séoud n’est pas anodine. C’est le grand projet de la réalisation de la paix et d’une alliance avec Israël dont il est question. Dernier point concomitant, la politique étasunienne est toujours dans l’équilibre. Le principe du Grand échiquier a toujours cours ».
Gilles Falavigna, auteur de DA’ECH & Hamas, les Deux visages du Califat1, co-écrit avec Marc Brzustowski.

Q. Mais alors, dans cet ordre-là, en quoi l’administration Trump est-elle meilleure que les précédentes ?

Jacques Borde. En ce sens que Donald J. Trump (et une partie de son équipe) :

1- semblent vouloir se contenter de la rente actuelle ;
2- ne tiendraient pas, contrairement aux fauteurs de guerre clintoniens, à augmenter le chaos dans le reste du monde (qu’ils y parviennent étant une toute autre question, évidemment) ;
3- ne considèrent pas la Russie comme un facteur de nature à remettre en cause le statu quo actuel.
4- savent parfaitement négocier avec des parties peu commodes. Comme le montre le succès rencontre par Trump et Tillerson dans leurs rencontres avec le roi d’Arabie Séoudite, Salmān Ibn-ʻAbd al-ʻAzīz Āl-Séʻūd et son ministre de la Défense, Mohamed Ibn-Salmān Āl-Séʻūd.

Maintenant, attendre de l’administration Trump qu’elle aille répandre le bien sur la terre, ou laisser les Russes leur piquer des parts de marché, n’exagérons rien. Il faut quand même que le complexe militaro-industriel continue à s’en mettre plein les poches. Sans parler des autres.

Et, là, avec 400 Md$US, c’est peu de dire que Trump a rempli sa part du contrat. Ses bourdes, ses foucades, au fond quelle importance ? D’autant, qu’en un seul volet Trump a mieux fait que l’administration Obama, rattrapant toutes les boulettes des US Secretaries of State, John F. Kerry et Hillary R. Clinton.

Q. Que voulez-vous dire ?

Jacques Borde. Que si memoranda sur la Défense il y a eu, cela veut évidemment dire que Trump et Tillerson ont réussi à rassurer Salmān et son équipe quant à leur place dans la région.

Q. Et c’était si difficile que ça à réaliser  ?

Jacques Borde. En tout cas, en huit ans passés à la Maison-Blanche, Barack H. Obama, n’avait fait qu’empirer les choses avec la Maison Séoud. Idem, en passant, pour les relations avec le Premier ministre israélien, Binyamin Nétanyahu.

Évidemment, je ne sais pas ce qu’ont pu se dire, entre quatre yeux, le président américain  et le roi d’Arabie Séoudite. Mais de prime abord, le résultat est là.

Q. Au point pour la diplomatie US de renforcer un pouvoir autoritaire ?

Jacques Borde. Et d’où sortez-vous qu’il était dans l’intention de Trump et Tillerson d’aller à Riyad pour y renverser la table ?

Vous savez, je me mâche pas mes mots quant aux travers de la Maison Séoud. Mais je l’ai dit et répété : qui aurait à gagner à l’affaiblissement de Salmān Ibn-ʻAbd al-ʻAzīz Āl-Séʻūd2 et de son administration ? On a vu les tragédies charriées par les prétendus printemps et révolutions arabes.

Je pense qu’il est temps, avec et grâce à l’administration Trump, de cesser de voir dans le Grand jeu en l’Orient compliqué dont nous parlait le général qu’une succession de bains de sang initiés et entretenus sous les faux prétextes qui enchantent tant certains : les prétendues droits de l’Homme et démocraties que l’on promet toujours et que l’on n’instaure jamais.

Q. Et ne croyez-vous pas que cette nouvelle lune de miel entre Américains et Séoudiens pousse Riyad au pire au Yémen ?

Jacques Borde. D’abord, je me garderai bien de parler de lune de miel. Oubliez les seuls annonces chiffrées :

1- la trésorerie de la Maison Séoud lui permet tout à fait ces investissements à trois chiffres ;
2- des investissements ne sont pas de l’argent jeté par la fenêtre – comme, souvent, les pétrodollars lancés aux Kamiz brunes du Takfir – mais des placements qui devraient rapporter.

Je vois dans ces 400 milliards de dollars, et tout ce qui avec, un accord gagnant-gagnant

Q. Gagnant-gagnant ? Et lequel ?

Jacques Borde. Oh, ça me semble assez simple :

1- l’administration Trump avait besoin d’argent pour remettre (le slogan America First) la machine sur les rails. N’oubliez pas qu’Obama a beaucoup promis et quasiment rien tenu, l’Amérique est exsangue ;
2- l’administration Salmān, rejetée sur le bas-côté de l’accord sur le nucléaire iranien, elle, avait besoin d’assurances géostratégiques.
3- qu’aurait gagné Trump à se brouiller avec l’administration  Salmān ?

Q. Vous ne m’avez pas répondu sur le Yémen ?

Jacques Borde. Effectivement. Il y a bien un risque que l’administration Salmān voit dans son retour en grâce auprès de Washington un blanc-seing à sa via factis au Yémen.

Mais n’oublions pas que son aventure yéménite était, aussi, ces deux choses à la fois :

1- une manière de contenir les ambitions iraniennes, telles que perçues à Riyad évidemment ;
2- un geste, par linkage sur le dossier yéménite, en direction de Washington. Un appel à l’aide, en quelque sorte.

Cet appel à l’aide ayant été entendu, les Séoudiens ont aussi la possibilité de tenter une sortie honorable du bourbier yéménite. Ça, l’avenir nous le dira.

Q. Et cela conviendrait à Washington ?

Jacques Borde. Oui. Donald J. Trump n’est pas un fauteur de guerre avéré comme son prédécesseur, Barack H. Obama. Là, il gère les conflits que Obama lui a laissé en héritage.

Q. Si je vous suis bien, nos media voient un peu Trump par le petit bout de leur lorgnette, c’est ça ?

Jacques Borde. Pire que ça. Nos media occidentaux, à 99,99% anti-Trump, ont perdu toute déontologie et se vautrent dans le médiamensonge sans rien vérifier, sans rien étayer. Tant que ce c’est hostile à Donald J. Trump, c’est bon et ça passe.

Fort heureusement, cela n’a aucune influence au plan des relations internationales.

Q. Vous trouvez ?

Jacques Borde. Mais, ça n’est pas moi qui le dit ! Écoutez donc ce qu’en pense le ministre séoudien de l’Énergie, Khaled al-Faleh. Pour lui, les déboires de l’administration Trump n’ont « absolument » aucune incidence sur les relations américano-séoudiennes. « Notre relation est avec les États-Unis d’Amérique, et ils ont un grand leadership aujourd’hui ».

Q. Donc, tout est reparti comme avant et Washington passera tout à ses amis séoudiens ?

Jacques Borde. Votre question soulève deux points essentiels :

Primo. Oui, alors qu’Obama avait tout laisser filer en quenouilles, Trump revient aux fondamentaux. Back to basics ! Et, plus clairement la remise sur les rails du Quincy Pact. La vieille entente qui lie Washington à Riyad.

Secundo, je ne suis pas, pour autant, certains que l’administration Trump soit disposée à tout laisser passer. Que ce soit aux Séoudiens ou à d’autres.

À qui s’adresse-t-il lorsqu’il lance que « Les leaders religieux doivent le dire avec une très grande clarté (…). Si vous choisissez la voie du terrorisme, votre vie sera vide, votre vie sera brève » ? Aux seuls Iraniens et pro-Iraniens ?

Certes, sous le nez des Russes et leur fantaisiste bulle de protection au-dessus de la Syrie, les appareils de la coalition US ont encore tapé des éléments pro-Damas. Mais, les Américains ont, aussi, cartonné des colonnes de Al-Dawla al Islāmiyya fi al-Irāq wa al-Chām (DA’ECH)3. Alors…

Q. Alors ?

Jacques Borde. Je crois simplement trois choses :

1- que le Grand jeu étasunien au Levant repart sur ses bases traditionnelles : le Pacte du Quincy noué avec le primus inter pares des puissances arabo-golfiques : l’Arabie Séoudite. Agaçant pour beaucoup mais pas une franche nouveauté ;
2- que l’isolement, ou plutôt le containment, de l’Iran en tant que puissance régionale fait assurément partie d’une donne qui n’est pas si nouvelle que ça ;
3- qu’après l’Iran, le grand perdant de cette nouvelle donne est la Russie, qui, une fois encore, a laissé passer son tour…

Q. Pourquoi dire que la Russie a laissé passer son tour ? En Syrie, vous voulez dire ?

Jacques Borde. Oui. Parce ce que, comme toujours, le joueur d’échec russe a trop réfléchi au coup d’après après le coup d’après. Résultat, malgré les rodomontades de ses généraux, Moscou – qui, à entendre ses diplomates et généraux, est bien le chef de file la coalition comptant Damas et Téhérans – a été incapable (ce qu’ont demandé des mois durant les Iraniens qui sont les seuls vrais alliés de Damas) de reprendre Deir Ez-Zor4, ouvrant ainsi la route de Raqqa. Ce qui aurait fait d’eux des alliés crédibles pour l’administration Trump dans sa croisade contre le terrorisme.

Q. Mais, vous ne croyez pas que Trump a, quelque part, roulé les Russes dans la farine en leur laissant croire qu’ils seraient des alliés de poids dans la lutte contre le terrorisme ?

Jacques Borde. Non, pas vraiment. Trump est un pragmatique. Je crois qu’il s’attendait à pouvoir faire une partie du chemin avec les Russes. Mais, honnêtement, à quoi lui servent des Russes qui :

1- ne mettent (contrairement aux Français au Sahel) pour ainsi dire pas de troupes au sol ;
2- ont encore réduit leur composante aérienne en Syrie ;
3- n’avancent pas ;
4- laissent les coudées franches aux pro-iraniens de tous poils (que Washington veut éjecter de la boucle) ?

Si ce sont les proxies de Washington qui, coup sur coup, finissent par faire tomber Raqqa et Mossoul, franchement, à quoi servent des Russes (et des proxies qui ne sont pas les leurs à 100%, mais, tout autant, ceux de l’Iran) qui tournent comme des derviches autour de Damas et de Palmyre ?

À faire le boulot tout seul, ce qui est clairement la vision qu’ont les militaires étasuniens de cette guerre, pourquoi voulez-vous que les Américains s’encombrent des Russes dans un Levant où les places sont si chères et où, d’un point de vue qui exaspère Washington, ce sont les Iraniens et leurs proxies qui marquent des points ?

Notes

1 Considéré comme une référence à l’Université hébraïque de Jérusalem.
2 Le roi d’Arabie Séoudite.
3 Khādim al-Ḥaramayn al-Sharifayn ou gardien des deux Saintes mosquées, La Mecque et Médine.
4 Où des Chrétiens, parce que Chrétiens, ont été, encore récemment, brûlés vifs par des miliciens takfirî pro-Occidentaux.

 

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