Maintenant que l’on dispose d’un peu de recul vis-à-vis de l’agression sioniste contre le Liban, il est possible de tenter d’en analyser tant les causes que les effets.

Il serait aisé de développer ci-dessous comment celle-ci peut-être considérée comme l’équivalent d’une « grande manœuvre » avant une éventuelle attaque de l’Iran et comment elle fut, in fine, une défaite pour l’entité.

Pour notre part, ce qui nous semble le fait le plus marquant de ces longues semaines de combat, c’est que ce qui s’est passé au Liban prouve l’inadaptation au réel de la thèse du choc des civilisations.

Il n’y a pas eu en effet, le moins du monde, affrontement entre le monde chrétien et le fondamentalisme musulman, mais entre l’Occident – incarné par les USA et l’entité - et une nation arabe.

Chiites et maronites, unis contre l’ennemi commun

De nombreux analystes sérieux ont su expliquer, en effet, comment le Hezbollah était plus un parti nationaliste libanais qu’une organisation confessionnelle chiite.

Ainsi, pour Georges Corm, chrétien et ancien ministre de l’Economie du Liban : « C’est un mouvement qui a connu une mutation tout à fait positive. Il a commencé, dans les années quatre-vingt-dix, à se transformer en parti politique, avec une orientation sociale et une action caritative très forte, sans distinction communautaire. Au point que dans certains villages où cohabitent des communautés chrétiennes et chiites, on voit des chrétiens voter pour le Hezbollah. On peut dire aujourd’hui que le Hezbollah est devenu un parti politique libanais à part entière, notamment depuis que Nasrallah l’a rendu indépendant de la Syrie et de l’Iran. Il s’est de plus en plus intégré à la fabrique politique libanaise. D’ailleurs l’aspect islamique de son discours s’est marginalisé au profit d’un discours essentiellement patriotique, libanais d’abord, nationaliste arabe ensuite. Il parle beaucoup de la souveraineté du Liban, de l’honneur des Libanais et des Arabes face à Israël, de la fin de l’humiliation avec une forte dénonciation de la politique américaine. »

Il est d’ailleurs frappant qu’il ait pour alliés au Parlement libanais, non pas d’autres partis musulmans, mais les représentant des diverses confessions chrétiennes dont le Courant patriotique libre du très nationaliste général Aoun.

La presse internationale a relatée comment les réfugiés ont été accueillis par des associations caritatives et des communautés villageoises, indépendamment des appartenances religieuses des uns et des autres.

Tsahal ne s’y est d’ailleurs pas trompée qui n’a pas bombardé que les secteurs chiites, mais qui a aussi copieusement arrosé d’obus les zones à majorité chrétienne.

A pays du cèdre, les thèses d’Huntington se sont donc révélées inopérantes et se sont heurtées à la réalité nationale.

Rien n’est cependant perdu pour les néo-cons

Cependant, il serait vain de faire preuve d’optimisme.

Si le choc des civilisation voulu par les néo-cons de Washington ne s’est pas vérifié au Liban lors des semaines écoulées, rien ne nous assure que l’Empire du mal et les alliés de la force obscure ne réussiront pas à lui donner vie.

Ceci pour deux raisons.

Tout d’abord grâce au double standard dans la présentation de la situation par les médias occidentaux qui constitue en soi une agression morale. Par exemple, la capture d'un soldat par les Palestiniens devient la justification d'Israël pour un assaut destructeur et meurtrier sur Gaza, alors qu'Israël détient près de dix mille prisonniers palestiniens dans ses geôles en totale violation de la loi internationale.

Si cette hypocrisie peut passer inaperçue pour le public moyen des pays occidentaux, dans l'immense majorité des pays du tiers monde, et bien sûr, dans les pays musulmans, et encore plus, dans les pays arabes, le double standard est outrageusement évident. C'est pourquoi les citoyens de ces pays ne prêtent aucun crédit aux déclarations des dirigeants occidentaux sur la paix, la démocratie et autres mensonges. Au lieu de cela, ce qu’on peut voir en ce moment, c'est que la haine envers non seulement Israël, mais les Etats-Unis, et tous les autres pays occidentaux, soutenant Israël et s'alliant aux Etats-Unis, atteint des proportions qui sont bien au delà de ce qui existait avant le 11 septembre 2001. En d'autres termes, si rien n’est fait, les Etats-Unis et l’entité sioniste préparent pour le reste du monde, et y compris pour leurs propres populations, des événements cauchemardesques.

Il faut, en effet, prendre conscience du fait que les peuples arabes et musulmans perçoivent qu'ils sont considérés comme des sous-hommes et que leurs vies n'ont pas de valeur aux yeux d'Israël, des Etats-Unis et de leurs alliés. Donc, ils deviennent réceptifs au type de discours qui dit que si la vie de nos civils n'a pas de valeur pour eux, alors la vie de leur civils ne doit pas avoir de valeur pour nous. Donc nous risquons d’atteindre une situation complètement infernale où le choc des civilisations deviendrait réalité à cause des politiques criminelles de l'administration nord américaine et du gouvernement israélien.

La seconde raison d’inquiétude est le renforcement de la présence de la Finul au Sud-Liban. Le général Aoun – chrétien et ami de la France, rappelons-le – dans un entretien accordé au Figaro a fort bien résumé la situation : « Je suis totalement opposé au déploiement d'une force multinationale. Cette force ne stabilisera rien du tout, elle va au contraire déclencher une nouvelle guerre. Ce sera une force d'occupation pour faire la guerre au Hezbollah et pour assurer la sécurité d'Israël. Mais le Hezbollah ne se laissera pas faire. C'est pourquoi les Français ne veulent pas en faire partie. Ils se souviennent de l'attentat meurtrier contre leurs troupes en 1983 à Beyrouth. Je ne veux pas de forces étrangères au Liban. Des soldats français sont les bienvenus en tant qu'observateurs dans la Finul (la Force intérimaire des Nations unies au Liban). Ils font du tourisme, c'est bon pour l'économie. Mais nous n'en voulons pas en tant que force de dissuasion. Pourquoi voulez-vous remplacer Israël dans sa guerre contre le Hezbollah ? [La présence de cette force] accroîtrait les risques de guerre civile. Le Hezbollah va se défendre contre une telle force. Que feront alors les Libanais ? Les uns prendront position pour, les autres contre. »

Quand un contingent conséquent de troupes européennes sera présent sur le sol libanais, nous ne serons plus neutres mais partie prenante. Il suffira alors d’un attentat conséquent (que l’on attribuera aux islamistes même s’il est le fait de « services »), comme celui du Drakkar en 1983, pour que, la propaganda schtaffel des médias aux ordres aidant, le choc des civilisations deviennent une réalité pour nos concitoyens.

Une réalité à laquelle on ne doit pas croire, mais qu’on doit craindre qu’on nous impose par la force pour le malheur de l’Europe mais le plus grand bien de Washington et de Tel Aviv.