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Edition ou police de la pensée ?
Christian Bouchet |
Éditorial
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Journaliste, spécialiste du monde arabo-musulman, Ian Hamel est l’auteur du livre « La vérité sur Tariq Ramadan : Sa famille, ses réseaux, sa stratégie » aux éditions Favre. Cet ouvrage, préfacé par Vincent Geisser, est si peu favorable au petit-fils d’Hassan Al-Banna que celui-ci s’en est plaint sur son blog, faisant ressortir les nombreuses erreurs factuelles et les ambiguïtés orientées.
Cette biographie était à l’origine destinée aux Editions Flammarion avec qui Ian Hamel avait passé un contrat. Pourquoi est-elle alors parue chez Favre, c’est ce que l’écrivain nous révèle sur le site oumma.com. Ce qu’il décrit est particulièrement éclairant du fonctionnement des grandes maisons d’édition française et de la police de la pensée.
Ian Hamel remarque d’abord que son livre est « première biographie de Tariq Ramadan et de sa famille. C’est un travail d’investigation qui m’a demandé deux années. (…) Les autres ouvrages consacrés à Tariq Ramadan ne sont malheureusement que des pamphlets, et pour la plupart, des compilations de sites islamophobes sur Internet, sans enquête sur le terrain. »
Or, ce n’est pas du tout cela que souhaite Flammarion qui voulaient « un livre à charge contre Tariq Ramadan ». Ian Hamel explique la démarche ainsi : « On sait que la presse est aux ordres, à l’exception de quelques journaux. En revanche [jusqu’à une date récente], l’édition était libre en raison de la faiblesse des tirages. (…) Nicolas Sarkozy et les cinquante personnes qui font l’opinion en France veulent dorénavant tout contrôler. » Pour ceux-ci, pour le « petit milieu de journalistes parisiens et d’“intellectuels“ qui écrivent sur la banlieue en se gardant bien d’y mettre les pieds » il fallait qu’Hamel accuse Tariq Ramadan d’être un terroriste… (1)
Cette aventure, arrivée à un écrivain qui est une plume libre mais non particulièrement anti-conformiste, est particulièrement signifiante.
D’ailleurs, il est marquant qu’Hamel, tout à ses mésaventures, s’illusionne. Pour lui l’édition aurait été libre jusqu’à une date récente… On voit bien qu’il n’avait encore jamais écrit sur un sujet sensible, sinon il saurait qu’on ne peut rédiger certains livres qu’« à charge ».
Je donnerai bien un conseil au naïf Ian : rédiger une bio de Jean-Marie Le Pen, une analyse de la situation réelle du mouvement national français ou un essai sur le révisionnisme. Il comprendra alors qu’au terrorisme intellectuel à succédé le totalitarisme intellectuel.
D’ailleurs qu’Hamel se rende compte d’une chose, dans les écrivains à la plume serve les plus virulents contre l’islam et Tariq Ramadan, on retrouve bien des auteurs qui donnaient hier dans l’antilepenisme (2).
Ecrivain est une vocation, policier aussi… Notre merveilleuse société permet à certains de satisfaire les deux à la fois avec la bénédiction des éditeurs… (3)
1 – Hamel précise : « Thierry Billard, le directeur littéraire de Flammarion, était si embarrassé de refuser mon livre qu’il ne m’a pas réclamé les sommes engagées pour mener mes enquêtes en Egypte, en France, en Allemagne, en Belgique, en Turquie. »
2 – Par exemple Fourest, Redeker, Venner…
3 – L’entretien qu’Hamel à accordé à oumma.com est aussi intéressant parce qu’il remarque sur le niveau d’information des faiseurs d’opinion (ce qui est dit sur l’islam et Ramadan étant tout à fait transposable au mouvement national) : « En deux ans d’enquête, je me suis entretenu avec plus d’une dizaine de personnes qui me parlaient de son double langage. Curieusement, elles ne s’étaient jamais rendues elles-mêmes à une conférence de Tariq Ramadan, elles ne possédaient aucun enregistrement prouvant ce double discours. Cette situation me rappelle la fable de l’homme qui a vu l’ours. Concernant Tariq Ramadan, c’était plutôt l’homme qui a vu l’homme, qui a vu l’homme, qui a vu l’homme qui, lui, a entendu le double discours. D’ailleurs, les pamphlets de 400 pages sur Tariq Ramadan ne décrivent jamais une situation précise : lieu, date, heure, contexte, dans lesquels Tariq Ramadan aurait appelé à la lapidation des femmes adultères ou à la guerre contre l’Occident. » (…) « Beaucoup d’hommes politiques et de journalistes français n’ont jamais lu un « Que sais-je ? » sur l’islam. Les premiers veulent montrer à leurs électeurs qu’ils ont bien pris la mesure de la menace terroriste, les seconds pensent que plus effrayants seront leurs écrits, plus nombreux seront leurs lecteurs. Il leur faut donc un bouc émissaire. Tariq Ramadan est la cible idéale. Il est connu. Son nom est facile à retenir, il s’appelle Ramadan comme le ramadan. Il ne dit pas « Oui missié » en baissant la tête lorsqu’il parle aux autres intellectuels français, et surtout il est le petit-fils d’Hassan Al-Banna. Ce n’est plus « tel père tel fils » mais « tel grand-père, tel petit-fils ». » |
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