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Samedi, 9 Mai 2009
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Hitler... connais bien !
Raymond Cartier
Histoire :: Allemagne
Hitler... connais bien !
Je n’ai approché Hitler qu’une fois. Il était de mauvaise humeur. Une pluie froide faisait luire les toits médiévaux de Nuremberg. Le Hitlerswetter manquait au rendez-vous, dans un moment où les présages prenaient toute leur importance. Le Congrès national-socialiste de 1938 – le dernier – se déroulait au milieu de la crise tchécoslovaque, dans le bruit d’une Europe prenant les armes. Les foules étaient épaisses, disciplinées et magnifiquement vocales, mais il était impossible de ne pas percevoir de l’angoisse dans les intervalles des enthousiasmes cadencés. Hitler en avait conscience. Son propre parti commençait à ressentir un vertige devant demain.

Il refusa de parler des événements internationaux et nous entretint uniquement de la reconstruction de Berlin. Les démolitions ouvrant le passage à l’Axe Est-Ouest étaient d’une telle ampleur qu’elles fournissaient une plaisanterie : les pilotes des bombardiers tchécoslovaques avaient fait demi-tour au-dessus de la capitale du Reich en disant : « Le travail est déjà fait ! »

J’ai repris contact avec Adolf Hitler sept ans plus tard, dans cette même Nuremberg réduite, non pas en ruines, mais en poussière. Le grand procès lui-même ne m’intéressa pas : des vainqueurs jugeant des vaincus en-dehors de toute règle de droit, le totalitarisme hitlérien mis en accusation par le totalitarisme stalinien sous l’hypocrisie juridique anglo-saxonne, c’était là sans doute une nécessité du moment, mais ce n’était pas le cours de la Justice. Par bonheur, j’avais accès aux documents de l’instruction, et spécialement aux premiers interrogatoires que subirent, en-dehors de toute formalité, les principaux survivants du IIIe Reich, accusés ou non. Il en sortait, en quelque sorte toute chaude, une statue d’Adolf Hitler.

Dès ce moment, il était aisé de prévoir que l’homme accablé de malédictions fort légitimes resurgirait un jour dans la curiosité de l’Allemagne et du monde. Un quart de siècle est un délai normal pour ce genre de résurrection. Napoléon est tombé en 1815 dans l’exécration de la grande majorité des Français – ce n’est pas par hasard que la Grande Armée s’est débandée à Waterloo, au soir d’une bataille qui n’était qu’une demi-défaite – et les Cendres sont revenues en 1840 au milieu d’une France agenouillée. L’Allemagne n’en est pas là ; mais le Hitler oublié, ignoré d’il y a quelques années, le Hitler dont on faisait dire aux adolescents « Connais pas ! », est devenu une figure nationale fascinante et le sujet le plus fructueux pour la presse, la librairie et le cinéma.

L’ALEXANDRE D’UNE FLAMBEE DE GLOIRE

Que ce soit sans danger, il serait téméraire de s’en porter garant. Le sens profond du phénomène hitlérien est l’exaspération monstrueuse du nationalisme qui a obsédé et dévasté l’Europe depuis la Révolution française et l’accession de Demos au pouvoir politique. Il est en régression, mais des retours de flamme sont inévitables. Un peuple oublie les désastres et magnifie les victoires. Que les Français se mettent à la place des Allemands : est-ce qu’ils n’auraient pas un frémissement d’orgueil en se remémorant que leurs soldats sont allés jusqu’aux portes de Moscou, jusqu’à la Volga, jusqu’au Caucase, jusqu’à proximité du canal de Suez, jusqu’aux Pyrénées, après avoir écrabouillé en six semaines la France de Verdun ? L’Alexandre de cette flambée de gloire était Hitler…

Les pages suivantes se dégagent de tout conformisme. Elles s’abstiennent d’anathèmes comme elles s’abstiennent d’apologies. Elles ne peuvent pas refléter l’évidence disant qu’un homme partant d’où Hitler est parti, montant jusqu’où il est monté, tombant comme il est tombé, est l’un des douze ou quinze géants de l’histoire universelle. L’explication marxiste qui veut en faire un instrument inventé, financé, imposé par les puissances capitalistes, seules maîtresses du monde, ne résiste pas à la connaissance des faits. Si Hitler fut un instrument – tout personnage historique en est un dans une certaine mesure –, ce fut celui des masses allemandes. Loin d’avoir été élevé au pouvoir par des flots d’argent, il fut nommé chancelier du Reich alors que son parti se trouvait dans une détresse financière totale et venait de subir un échec électoral cuisant. Chance sans doute. Est-elle absente des autres grandes destinées ?

Les propulseurs d’Hitler ne furent pas les barons de l’industrie allemande, ce furent les auteurs des traités de 1919. On est confondu lorsqu’on relit, dans la sérénité de l’Histoire, le monument d’absurdité de Versailles. La coalition avait gagné une victoire imparfaite, en tous cas non signée, puisque l’armistice avait été conclu alors que les armées allemandes étaient partout en territoire ennemi. On en tira une paix monstrueuse – au lieu de faire l’inverse, de battre rondement l’Allemagne pour pratiquer ensuite une politique de réconciliation. L’armistice lui-même avait un caractère contractuel, l’Allemagne ayant déposé les armes sur les quatorze points du président Wilson, lesquels furent ensuite outrageusement violés. Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes était impératif et sacré en faveur des Tchèques ou des Polonais, mais il était intolérable qu’il fût invoqué par les Autrichiens ou les Sudètes demandant leur rattachement à l’Allemagne. L’histoire des réparations est un autre chapitre qui touche au burlesque et l’occupation de la Ruhr, en 1923, fut une folie insigne. Le premier parrain d’Hitler est l’un des Français les plus intègres et les mieux intentionnés de son époque, l’huissier national Raymond Poincaré. [1]

UNE VERITABLE PASSION POUR LES ARMES

L’iniquité des traités de paix n’aurait pas suffi à porter Hitler au pouvoir sans la crise économique dévastatrice de l’entre-deux-guerres, sans les six millions de chômeurs allemands de 1933. Une fois qu’il y fut, l’illusion fut permise un certain temps devant ses protestations pacifiques et une œuvre intérieure rendant à l’espoir une nation désespérée. Hitler faisant disparaître le chômage, éveillant un sens nouveau de la solidarité sociale, construisant les autoroutes, dessinant lui-même la Volkswagen, fut un modèle vers lequel accoururent les plus fortes personnalités mondiales. Jusqu’au vieux non-conformiste David Lloyd George, qui descendit la colline de Berchtesgaden dans un transport d’enthousiasme. En réalité, la chaîne fatale était forgée dès le premier jour. Hitler ne pouvait pas ne pas faire la guerre, parce que la guerre correspondait à sa nature profonde, constituait l’épanouissement suprême de sa personnalité.

Il avait toujours été un passionné des questions militaires. Il connaissait les armes et les armées, les navires et les marines mieux que les généraux et les amiraux. Il s’était pénétré des principes éternels de la stratégie. Gouverner, même avec des pouvoirs dictatoriaux, est fade à coté de l’ivresse de commander. Le conflit du corridor polonais aurait pu se régler d’une manière pacifique, comme s’était réglé le conflit tchécoslovaque de l’année précédente. Il y aurait quand même eu la guerre. Pour la raison unique et péremptoire qu’Adolf Hitler l’avait dans le sang.

Hitler chef de guerre est l’un des sujets traités dans les pages qui suivent. Ma conclusion personnelle, fondée, je crois pouvoir le dire, sur une étude très attentive, est qu’il fut un grand capitaine et que les immenses victoires allemandes de la première partie de la guerre, y compris la manœuvre de Sedan, doivent être inscrites sans réserve à son crédit.

Puis les forces qu’il avait déchaînées et coalisées contre lui l’accablèrent. Il ne montra pas dans l’adversité, à beaucoup près, le génie fait d’intuition qu’il avait déployé dans ses campagnes de Pologne, de Norvège, de France, des Balkans, de Russie blanche, d’Ukraine. Il ne reste rien à partir de 1942 du stratège inspiré de 1940. Il avait cru à la manœuvre ; il ne crut plus qu’à la défensive, les pieds enfoncés dans le sol et la puissance de sa volonté compensant l’infériorité croissante de ses moyens matériels.

Mais il avait déclenché une avalanche. Elle l’écrasa. Sans toutefois réussir à tuer le levain de légende que l’aventure hitlérienne renfermait en elle.

(Préface au numéro spécial de la revue Le Crapouillot, « Le petit Hitler illustré », n° 31, juillet 1974)

[1] Note du compilateur :

Dans son livre de souvenirs Hitler que j’ai vu naître, publié en 1945, Robert Bouchez (ancien attaché de la légation de France à Berlin) note :

« Pour en revenir à Poincaré, il frayait sans le vouloir la route à Hitler. Quand Léo Schlageter… fit dérailler un train dans la Ruhr occupée, Poincaré envoya immédiatement un télégramme signé de sa main, donnant l’ordre d’exécuter sans jugement l’Allemand trop patriote. Il faisait un martyr aux yeux de tout un peuple. »

Ce diplomate français tenta d’alerter son ministère sur le danger hitlérien, puis s’exprima (grâce à Henry de Jouvenel) dans un article publié par le journal Excelsior, le 30 janvier 1923. Bouchez disait, entre autres : « Hitler, qui semble être l’homme de paille de Ludendorff, est l’animateur du mouvement nationaliste qui s’appuie sur la Reichswehr et n’est pas combattu par le gouvernement [de Weimar] ». Bouchez fut immédiatement convoqué à Paris, subit une sévère « engueulade » de la part de son chef de service, puis de Poincaré lui-même, et fut mis en disponibilité. Poincaré pensait que le diplomate voulait simplement « faire parler de lui », et n’attachait aucune importance à « ce vulgaire aventurier que vous prenez pour un homme d’Etat »…
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