« De Theben jusqu’à Tokyo », ils rêvent de la Grande Touranie
Organiser dans une capitale européenne, une journée d’amitié avec le peuple arabe un 11 … septembre, il fallait l’oser ! Tenir une conférence de presse pour déclarer soutenir l’occupation de Chypre par l’armée Turque, quand on est un parti chrétien et de droite, il fallait aussi le faire. Or, c’est sans provocation ni complexe, que le parti hongrois Jobbik – fort de ses 47 députés - a été à l’origine de ces deux événements, banaux à ses yeux et surprenants aux nôtres… Pire, ce parti politique membre fondateur de l’Alliance européenne des mouvements nationaux, avec le Front national français et le Parti national britannique, n’a pas hésité à prendre ses alliés à rebrousse poils en se déclarant en faveur de l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne. Une explication s’impose, voxnr.com vous la donne,elle repose toute entière sur une surprenante idéologie : le touranisme.
Le Jobbik Magyarországért Mozgalom, en français Mouvement pour une meilleure Hongrie, est un parti récent dans la vie politique hongroise. D’abord association d’étudiants nationalistes créée en 2002, il ne devint un parti qu’en 2003. Ses premiers succès furent modestes. Ainsi, en 2006 sous le nom de Troisième voie, il n’obtint que 2.2% aux élections législatives. Mais, la prévarication des partis du système se révéla bientôt telle à Budapest que le Jobbik apparut comme la seule organisation propre et non corrompue. De ce fait, en janvier 2009, il obtint 8.5% des voix lors d’une législative partielle et, en juin de la même année, 15% des Hongrois lui accordèrent leurs suffrages lors des élections européennes. Un an plus tard, lors des législatives, il entra au Parlement avec quarante-sept députés et le soutient de 17% des électeurs.
Voici pour les faits. Pour ce qui est des idées, le Jobbik se présente comme un parti national-radical. National, car, écrit-il, il tient pour prioritaire le point de vue national face à tout autre point de vue. Quant a son radicalisme, il a pour conséquence que le Jobbik réclame non pas des réformes mais un changement de paradigme dans tous les domaines. Y compris dans la manière de faire de la politique, non plus de façon bâclée, mais en allant au fond du problème. Ainsi, il n’existe pas de thème tabou pour ce parti, et il ne fait pas que les évoquer, il propose des solutions aux citoyens, non pas avec la langue de bois des politiciens professionnels, mais de façon directe et authentique.
Jusque là, il n’y a rien d’inhabituel pour un mouvement national-populiste de type moderne et le Jobbik ressemblerait même assez, par sa proximité voulue avec les citoyens, et par la mise en avant à sa direction de Krisztina Morvai, une avocate féministe de 48 ans, au Front national mariniste.
Là où tout change par contre et là où l’on bascule dans un tout autre monde, c’est quand les cadres du Jobbik commencent à parler de géopolitique.
Avec fougue, ils dénoncent unanimement l’asservissement de la Hongrie, à l’atlantisme, qui pour eux à la forme de « l’axe Bruxelles-Washington-Tel Aviv » et se déclarent favorables à une politique étrangère différente, privilégiant des partenariats avec des pays comme la Russie, la Chine, l’Iran, et la Turquie. Ils ne motivent pas cela uniquement par le fait que le monde est devenu multipolaire, avec des poids lourds à l’Est, mais surtout par la position géographique de la Hongrie, son histoire et sa culture. Car, pour la direction du Jobbik, le peuple hongrois est un peuple aux racines orientales, avec une forte identité orientale, qui se retrouve dans son histoire, sa culture et sa langue. Cela explique que nombre de militants nationaux hongrois se sentent plus proches des Turcs, qui les ont pourtant occupés de 1526 à 1686, que des Européens de l’Ouest. D’ailleurs, le renouveau identitaire national prend en Hongrie des aspects des plus surprenants, avec l’organisation chaque années du festival Kurultaj (« la réunion des tribus »…) où se pressent militants nationalistes et homme politique de la droite de conviction, avec des délégations turques, kazakhes, ouïgours ou bulgares, pour se souvenir autour de reconstitutions historiques qu’ils sont tous des descendants des tribus d’Attila !
Tout s’explique quand on sait que l’appareil idéologique du Jobbik se revendique d’une doctrine connue sous le nom de touranisme. Sous ce terme se cache une théorie de l’ascendance commune des peuples touranide, c’est à dire de toutes les populations d’origine non-indo-européennes et non-sémitiques peuplant l’Ancien Monde, à savoir les Turcs de l’ex-empire ottoman et les peuples turcs d’Asie centrale, les Hongrois, les Estoniens, les Finnois, les Japonais, les Chinois, les Coréens et les Tibétains.
Cette idée n’est pas récente en Hongrie puisqu’on en retrouve la trace dès le Moyen Âge, mais ce n’est qu’au XIXème que l’historien Istvàn Horvàt la popularisa en mettant en avant dans ses écrits la fraternité des peuples asiatique parmi lesquels il rangeait les Hongrois du fait de leur ascendance hunnique.
Dans l’entre-deux guerre, ce courant, fondamentalement hostile aux Allemands, connut un important essor. Le Comte Pàl Teleki qui fut deux fois ministre des affaires étrangères et, en 1920-21 puis entre 1939 jusqu’à son suicide en 1941, premier ministre de Hongrie, fut un des fondateurs d’une active Société touranienne et, après l’entrée des troupes du Reich en Hongrie, des groupes de résistance touranien anti-allemands se créèrent avant d’être anéanti par les communistes.
Comme actuellement, les touraniens visaient alors à détacher la Hongrie de l’Europe et à l’amener dans l’orbite asiatique. Après l’ère prospère des Germains et des Slaves, viendrait, disaient-ils, l’heure des Touraniens – dont le territoire s’étendrait de la Hongrie au Japon, ou, selon leurs propres mots, « de Theben (1) jusqu’à Tokyo ».
Près de soixante-dix ans plus tard, c’est le même combat que mène le Mouvement pour une meilleure Hongrie.
Christian Bouchet
Note :
1 – Theben est une des villes les plus à l’Ouest de la Hongrie historique.
L’héritage des Huns
Nous voyons dans les Turcs et dans les habitants d’autres pays cousins (Kazakhstan, Azerbaïdjan, Ouzbékistan, Kirghizstan, Turkménistan), non pas des peuples d’une autre croyance, mais des cousin, des représentants d’une ancienne civilisation issue du même arbre, partageant avec nous l’héritage des Huns.
Nous comprenons les problèmes de l’Europe de l’Ouest liés aux immigrés, et je comprends la réaction des mouvement nationaux européens, mais pour nous le danger est autre.
Le renforcement des relations avec la Turquie ne signifie pas pour nous un danger, mais de nouvelles possibilités. C’est la raison pour laquelle le Jobbik ne prend pas part à la propagande antimusulmane et antiturque que mènent les partis de droite radicale en Europe de l’Ouest.
Márton Gyöngyösi,
député Jobbik au Parlement hongrois,
vice-président de la section des affaires étrangères du parti, en janvier 2011.
Si la Hongrie veut, de nouveau, jouer un rôle important au niveau international, elle ne doit pas aller dans la direction qu’indiquent les parties du système, Fidesz et MSZP, à savoir l’intégration totale dans l’Union européenne, mais bien au contraire devenir membre d’une Union touranienne, ou si besoin, être à l’initiative de celle-ci et y jouer un rôle dirigeant.
En tant que président du parti Jobbik, je fais ce jour le premier pas en déclarant devant le monde entier : “Je suis un Hongrois, petit-fils d’Attila !”.
Gabor Vona
President du parti Jobbik, mai 2011.