Depuis bientôt un an et demi, un écrivain d’origine russe mais de nationalité française, Edouard Limonov est emprisonné par le FSB à Moscou pour un simple délit d’opinion.
Il lui est reproché ses liens avec trois militants du Parti national bolchevick (parti qu’il a créé en 1993 et qu’il dirige depuis) arrêtés deux mois auparavant à l'occasion d'une provocation visant à leur faire acheter des armes pour lutter contre les indépendantistes tchétchènes.
En même temps que Limonov ont été arrêtés à Saratov et Riga huit autres de ses amis dont Serguïe Aksionov, éditeur du journal du parti Limonka (La Grenade).
Bien entendu, rien n'a été trouvé chez Limonov et ses amis, et leur incarcération purement arbitraire ne repose sur rien de concret. Il est clair que les jeunes gens regroupés autour de la personnalité de Limonov ne peuvent représenter une menace réelle pour la sécurité intérieure de l'Etat russe.
Plusieurs raisons, qui peuvent d'ailleurs se conjuguer, expliquent sans doute la mise en prison de l'écrivain :
1 - Les écrits iconoclastes de Limonov, ses vérités dérangeantes dévoilées sur la nouvelle nomenklatura russe assénées régulièrement dans Limonka ont sans doute fini par irriter prodigieusement l'oligarchie russe. Le dernier livre publié au moment de son arrestation, La chasse au Bikov, mettait directement en cause un oligarque proche du Kremlin, Oleg Deripaska, dont les accointances avec le FSB sont notoires.
2 - Par ailleurs, Limonov enquêtait sur les assassinats de deux de ses camarades et mettait en cause les services spéciaux russes. Ce fut d'abord le meurtre du responsable du mouvement civique La Société du bouclier (les admirateurs de Yukio Mishima apprécieront la référence...) Alexandre Bouliguine; puis celui de Victor Zolotariev à Barnaoul, dans l'Altaï le 17 novembre 2000. Or la ressemblance physique entre ce dernier et Limonov était frappante et donne à penser que c'est l'essayiste qui, déjà, était visé.
3 - Dans son journal bi-mensuel, Limonka, très lu par la jeunesse moscovite et l'intelligentsia d'opposition, Limonov, à côté d'articles littéraires, faisait part de ses réflexions sur la nécessité d'une nouvelle révolution en Russie et sur l'obligation de défendre les minorités russes dans tous les territoires anciennement soviétiques. Parallèlement, il y dénonçait sans relâche les atteintes croissantes aux libertés et le rôle néfaste des services de sécurité, critiquant parfois violemment l'actuel chef suprême de la Russie, Vladimir Poutine.
Limonov a d'abord été mis en détention sur la base de l'article 222 du code pénal (acquisition illégale d'armes). Devant l'absence de fondement de cette accusation, un adjoint au procureur général de Russie, Vassili Kholmogorov, avait décidé le 6 juillet 2001 de faire libérer l'écrivain le 11 septembre 2001. Son avocat, Serguïe Beliak, en a été averti le 6 septembre. Le 10, la presse annonçait sa libération. Mais dans la soirée du même jour, le FSB-KGB prévenait le parquet qu'une libération du «terroriste Limonov» était impossible, de nouvelles charges ayant été retenues contre lui, justifiant de l'application des articles 205 et 208 du code pénal (création d'une organisation terroriste armée!). Le premier adjoint du procureur, Youri Birukov, décidait le 11 septembre du maintien en détention de Limonov sur la base d'une décision datée du 10 septembre. Désormais, Edouard Limonov encourt donc une peine pouvant aller jusqu'à vingt ans de prison!
Il est cependant évident que l'accusation ne peut s'appuyer que sur les écrits d'Edouard LIMONOV, livres et articles de presse. Le délit d'opinion est ainsi constitué et la liberté d'opinion à nouveau bafouée comme à la pire époque du stalinisme. Vingt ans de goulag pour sanctionner des textes et des propos déplaisants vis à vis des puissants de la «nouvelle Russie»!
En près d’un an et demi, ni l'ambassade de France, ni les autorités consulaires françaises n'ont effectuées la moindre démarche conséquente en sa faveur : aucun soutien juridique, aucun soutien médical. C'est cela notre gouvernement !
Quoiqu’il en soit il nous faut agir.
Des lettres à votre député, au Ministère des affaires étrangères, à l’Ambassade de Russie en France et à la presse, accompagnées le cas échéant d’une copie du texte que nous a fait parvenir Edouard Limonov (reproduit ci-dessous) auront sans doute - si elles sont assez nombreuses - un impact.
e-mail de votre député à www.assemblee-nationale.fr
e-mail du Ministère des affaires étrangères
[email protected]
Ambassade de Russie, 40-50 boulevard Lannes, 75116 Paris. Tel 01.45.04.05.50. fax 01.45.04.17.65.
Par ailleurs pour aider Edouard LIMONOV, un comité a été créé
[email protected]
Eléments biographiques :
Edouard Limonov est né en 1943 dans la ville de Dzerjinsk où son père, officier du NKVD, faisait son service militaire. Après la libération de l’Ukraine, la famille s’installe dans la banlieue industrielle de Kharkov, où Limonov, de son vrai nom Savenko, a passé sa jeunesse. Il a commencé à écrire des poèmes, s’est lié avec la bohème littéraire de Kharkov, puis en 1967, est parti pour Moscou où il fera partie du groupe informel Konkret. En 1974, il émigre aux Etats-Unis avant de venir vivre à Paris en 1980 et d’être naturalisé français en 1987. Journaliste il collabore à L’Humanité Dimanche, à L’Idiot international et au Choc du Mois. Il est aussi l’auteur de plus d’une trentaine de livres dont certains ont été traduits en dix langues et dont certains ont fait scandale : Le poète russe préfère les grands nègres (1979), Journal d’un raté (1982), Autoportrait d’un bandit dans son adolescence (1983), Le Bourreau (1984), Le Petit Salaud (1986) etc… Publié par les plus grandes maisons d’édition françaises, quatorze de ses livres figurent au catalogue de la FNAC.
En 1992, de retour à Moscou, Limonov se livre à des activités politiques, forme, avec le géopoliticien Alexandre Douguine, le Parti national-bolchevik, publie un journal, Limonka, part en reportage pour les guerres qui se déroulent en Abkhasie, en Serbie, en Bosnie, en Tchétchénie.
Appel d’Edouard Limonov aux écrivains français
Moscou, le 28 novembre 2001
Prison du FSB « Lefortovo », cellule 32
A mes chers amis et collègues « de plume », à mes chers amis écrivains et aux auteurs, comme moi, des éditions Ramsay, Albin Michel, Flammarion, Le Dilettante, L’Age d’Homme, Le Rocher, aux amis de L’Idiot International , à tous les écrivains libres et non-conformistes de France.
Comme vous vous en souvenez peut-être, en 1993 je me suis réinstallé en Russie pour aider ma Patrie qui traversait des moments difficiles. En octobre 1993, en pleine connaissance de cause, j’ai été parmi les défenseurs du Soviet Suprême à la « Maison Blanche » ; sans armes, j’ai essuyé la fusillade tragique de la nuit du 3 au 4 octobre devant la télévision à Ostankino. Après m’être caché dans la région de Tver, j’ai été candidat sans succès à la Douma d’Etat. En novembre 1994, j’ai créé un journal, Limonka et depuis cinq ans je n’ai cessé, comme rédacteur en chef, de développer son audience auprès de la jeunesse russe. La même année, avec le philosophe Alexandre Douguine, j’ai fondé le Parti national bolchevik. Actuellement, celui-ci compte dans ses rangs 8000 membres, souvent très jeunes, et il est présent dans cinquante régions de la Russie. Durant ces années, le PNB, dans le cadre de ses idéaux socialistes et de justice nationale, a développé son action strictement dans le cadre des lois en vigueur en Russie.
Le mouvement a pris de l’ampleur et, en 1998, nous avons tenu son premier congrès. En respectant les conditions très dures imposées en Russie, nous avons plusieurs fois essayé d’enregistrer notre parti auprès du ministère de la Justice, sans succès. Nous avons alors compris que le Pouvoir ne nous permettrait pas de nous présenter devant les électeurs.
A partir de 1999, nous avons pris une part active dans les manifestations de protestation contre le sort réservé aux fortes minorités russes dans les territoires ex-soviétiques. Ainsi lors de la journée de l’indépendance en Ukraine, le 24 août 1999, des membres du PNB ont occupé pacifiquement la Tour du Club des Marins de Sébastopol afin de marquer notre désaccord avec l’occupation de la Crimée. Malgré le caractère pacifique et symbolique de cette action, nos militants ont passé six mois dans les geôles ukrainiennes. En novembre 2000, nos militants ont de la même façon occupé la Tour de la cathédrale Saint-Pierre de Riga. Ces militants accusés de « terrorisme » ont écopé, deux de 15 ans de prison et un troisième de 5 ans. L’accusation grotesque a été révisée depuis pour se solder finalement par 6, 5 et une année de prison ! Toutes les manifestations du PNB sont spectaculaires, mais toujours pacifiques. Comme, par exemple, la dernière action de notre militante Alina Lebedeva qui, à Riga, a souffleté le prince Charles avec un bouquet d’œillets afin de protester contre les bombardements en Afghanistan.
J’ai été arrêté le 7 avril 2001 dans les montagnes de l’Altaï, dans une isba au milieu de la Taïga. Aucune arme n’a été trouvée lors de la perquisition. Depuis plusieurs années j’étais l’objet d’une surveillance étroite du FSB, écoutes et filatures. Ces derniers temps, deux voitures du FSB me suivaient en permanence dans tous mes déplacements. Je connais l’un des agents du FSB qui m’a arrêté depuis 1997 ! En prenant prétexte de l’arrestation de membres du PNB à Saratov en mars 2001, à la suite d’une provocation du FSB, on m’a donc arrêté. En se fondant sur mes articles dans plusieurs journaux, dont Limonka, on m’accuse d’avoir eu « l’intention » de créer un groupe armé en vue de me livrer à des actes terroristes sur le territoire du Kazakhstan. On m’accuse aussi d’appeler à un changement de régime en Russie par la violence !
Depuis longtemps, le FSB fourbissait ses armes contre le mouvement, essentiellement de jeunes, que je dirige. Mais c’est seulement lorsque l’un de leurs collègues a accédé au trône de Russie que le FSB a pu agir en toute impunité.
Je suis mis en cause par le FSB à partir de l’interprétation d’articles que j’ai écrits en tant que journaliste et d’autres dont on voudrait me faire endosser la paternité. Le FSB y discerne des « intentions » susceptibles d’entraîner l’application de quatre articles du code pénal : 205,208, 222 et 280 qui me feraient risquer un total de vingt années de prison ! Ces quatre articles réunis rappellent le sinistre article 58 du code soviétique à partir duquel des milliers de mes concitoyens furent jetés dans des camps et y moururent. Le FSB veut punir l’intellectuel, l’écrivain, l’idéologue parce qu’il est un intellectuel, un écrivain, un idéologue et le responsable libre d’un mouvement qui dérange.
Citoyen russe, la France est ma seconde patrie dont j’ai acquis la nationalité en 1987. Pour la loi française, je suis, aussi, l’un de ses ressortissants, et je ne peux que déplorer le silence inexplicable des représentants de la France à Moscou. Le député à la Douma Victor Alksnis a averti l’ambassadeur de France. Mon avocat Sergueï Beliak a rencontré le consul pour lui faire part, en particulier, de mon besoin en médicaments contre l’asthme. Ce simple geste humanitaire a semblé hors de portée des diplomates français dont je n’ai vu aucun représentant en huit mois de détention !
Mes chers amis écrivains français, le système totalitaire contre lequel s’élevaient les dissidents soviétiques dans les années soixante-dix a pris sa revanche. Les méthodes du KGB, la prison dans laquelle je suis enfermé, les droits élémentaires de la personne bafoués, tout est de nouveau en place. Le système est restauré. Le même cauchemar recommence pour les esprits libres. Je vous demande de bien comprendre ma situation et de m’aider comme vous l’avez fait autrefois à l’égard d’Anatoli Chtaranski, Vladimir Boukovski, Iouli Daniel, Andreï Siniavski et Alexandre Soljenitsyne. « L’affaire Limonov» est politique, fabriquée par les organes de la sécurité d’Etat pour me faire taire définitivement.
Je n’ai jamais menti dans les dix-sept livres que j’ai publiés en France. Croyez-moi aujourd’hui si je vous dis que le KGB d’antan est de retour, que le délit d’opinion est rétabli, qu’une chape de plomb retombe sur les libertés et les étouffe sous la menace d’années de prison.
Je vous demande, je vous prie de faire entendre votre voix pour affermir ma défense.
Votre E. Savenko (Limonov)
Signez la pétition en soutien à Edouard Limonov
Liberté pour Edouard Limonov !
Edward Limonov a été expulsé d'URSS en 1974 pour « dissidence poétique ». Il est aujourd'hui reconnu comme écrivain dans le monde entier, mais d'abord en Russie et en France (dont il possède les deux nationalités). Il est rentré à Moscou en 1993, pour aider à la reconstruction de son pays natal. Il y a créé le Parti national bolchevik et un périodique Limonka. Le 7 avril 2001, l'écrivain franco-russe est arrête par le FSB, organe du ministère de l'Intérieur. De jeunes militants de son parti sont tombés dans une provocation. Edouard Limonov est enfermé dans la prison moscovite de Lefortovo. Il allait être libéré le 11 septembre. Mais le FSB le maintient en détention. Il risque 20 ans de prison.
La place d'un écrivain qui n'a ni tué, ni violé, ni volé n'est pas en prison. Sans adhèrer aux idées politiques d'Edouard Limonov, ses amis, ses éditeurs, ses confrères ne peuvent accepter son sort. Les soussignés demandent au président Vladimir Poutine de faire libérer Edward Limonov.
Premiers signataires (au 20-01-2002)
ADG (romancier, journaliste), Christian Authier (écrivain), Patrick Beaune (DG des Editions Champ Vallon), Jérôme Béglé (journaliste), Gaston Bellemare (président Écrits des Forges / Festival International de la Poésie – Québec), Jean-Paul Bertrand (PDG des éditions du Rocher), Patrick Besson (écrivain), Henry Bonnier (écrivain), François Bousquet (directeur des éditions l'Age d'Homme France), Christian Bouchet (journaliste, écrivain), Jean-Christophe Buisson (journaliste, écrivain), Vladimir Bukovsky (auteur), Jean des Cars (historien), Anne Coldefy-Faucard (traductrice du russe, Pr. à la Sorbonne), Philippe Conrad (historien), Gérard Courant (cinéaste), Bruno Deniel-Laurent (rédacteur en chef de la revue Cancer), Stéphane Denis (Prix Interallié 2001), Françoise Dépée (chef du restaurant russe Dominique), Slobodan Despot (éditeur), Vladimir Dimitrijevic (fondateur-directeur des éditions l'Age d'Homme), François Dominique (écrivain, dr de collection), Benoît Duteurtre (Prix Médicis 2001), Frédéric Dutourd (écrivain), Francis Esménard (PDG des éditions Albin Michel), Nicolas d'Estienne d'Orves (journaliste, écrivain), Yvonne Feleppa (éditions Pétrelle), Olivier Frébourg (écrivain, éditeur), Christiane Freustié (fondatrice du Prix Jean Freustié), Dominique Gaultier (fondateur-directeur des éditions du Dilettante), François Gibault (avocat, écrivain), Alexander Ginzburg (journaliste), Christian Giudicelli (écrivain, juré du Prix Renaudot), Jean-Cyrille Godefroy (éditeur), Patrick Gofman (journaliste, auteur), Laurent Hallier (éditeur), Luce Jame (DG des éditions de Janus), Anton Koslov (anthropologue), Kosta Kristitch (journaliste, écrivain), Dominique Leconte (Editions du Scorff), Victor Loupan (journaliste, écrivain, directeur des éditions des Syrtes), Alain Martin (directeur des éditions Climats), Gabriel Matzneff (écivain), Noëlle Mouska (directrice éditoriale d'Atout éditions), Pierre Moustiers (écrivain), Arkady Nedel (Pr. de philosophie à l'EHESS), Eric Neuhoff (Prix du Roman de l'Académie française 2001), Milena Nokovitch (écrivain), Anthony Palou (écrivain), Alain Paucard (écrivain), Rémi Perrin (éditeur), Jean Picollec (éditeur), Daniel Picouly (Prix Populiste 2001), Philippe Randa (éditeur), Maria V. Rosanova (veuve d'André Siniavski, éditrice), Maxime Schmitt (producteur), Olga Schmitt (vice-présidente de Citizen K), Thierry Séchan (parolier, écrivain), François Sorlot (éditeur), Denis Tillinac (écrivain, éditeur), Guy Trédaniel (éditeur), Dominique Venner (historien).
contact : tél/rép/fax 01 45 87 37 51
[email protected]