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Crois, camarade, le vieux monde est derrière toi.
Guillaume Lenormand |
Histoire :: Autres
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Ils me font bien marrer les athées pratiquants. Sur Rue89, un homme raconte comment il ne peut s'empêcher de faire un signe de croix avant d'aller chez le docteur ou dans un entretien d'embauche. Cela lui attire une foule de railleries. ""Soignes-toi, c'est un toc", "encore une superstition de greffés du cerveau", "Depuis l'âge des cavernes, l'homme conjure le sort, bien la preuve que les croyants n'ont jamais évolués".
Suit une foule de commentaires du même acabit, ou chacun se congratule lui-même d'être plus athée que son voisin, de ne croire en rien, et de cracher le plus possible sur ces "bondieuseries". On sent une rage à peine contenue, un haine brûlante à peine masquée par l'ironie acide.
J'ai envie de leur dire: "Quand bien-même, qu'est ce que ça peut vous foutre?" dans un premier temps. Leur rage à débusquer et à combattre le moindre résidu de piété rivalise avec l'acharnement des inquisiteurs d'antan. Pourquoi cette haine déguisé en mépris fanatique envers quelque chose d'aussi banal et simple qu'un signe de croix ? Après tout, c'est un geste très répandu et vieux comme le monde. Les Italiens conjurent le mauvais sort avec le signe des cornes, les indiens ont leur propre code, etc. C'est rassurant.
C'est rassurant pour nous, croyants, militants et idéalistes. C'est rassurant parce que cela prouve que ce monde moderne, que les progressistes veulent si rationnel, si matérialiste et si "éclairé", est encore soumis aux vieilles lois de l'irrationnel et de l'abstrait. Se signer pour conjurer le sort, c'est s'avouer qu'il est des peurs que les logos infantilisant et la modernité ne peuvent dissiper. C'est aussi reconnaître l'existence ou même la possibilité de l'inexplicable. Hérésie!
En réalité, les réactions épidermiques des athées fanatiques ne trahissent qu'une chose: leur propre hypocrisie. Ce sont des croyants refoulés. Ils plus fanatiques que n'importe quel flagellant. Que nous puissions croire en quelque chose d'autre que leur cartésianisme moderniste leur fout une trouille insondable. Cela ne leur est pas du tout incompréhensible, au contraire: ils meurent d'envie de faire comme nous, d'accepter la puissance de l'inexplicable, de se débarrasser de ce poids en avouant qu'il est des choses qui, malgré la puissance de nos ordinateurs et de nos I-phone 5, qu'on ne pigera jamais et qui nous échappent. Ils meurent d'envie de reconnaître l'idée d'un modèle supérieur de Bien qui leur montrerait le chemin et pourrait même les protéger, qui sait? Mais voilà, ce sont des fanatiques et des cons. Et comme tous les cons, ils préfèrent compisser ce qu'ils ne peuvent obtenir.
Ils disent craindre de "tomber dans le prêt-à-penser". Argument ridicule, quand on voit la vitesse avec laquelle ils arrivent au point Goodwin lors de discussions sur l'homosexualité ou le racisme. "Fasciste! Nazi!"". Ils disent vouloir refuser le préjugé, et deux secondes plus tard, disent que les prêtres sont tous des pédophiles en puissance. Ils disent être ouverts d'esprit : mais les mêmes, dés que vous leur parlez par exemple de propagande médiatique sur la guerre en Syrie, se découvrent une foi sans borne pour l'évangile de TFI/M6 et vous traitent de fou et de malade mental. Ils disent avoir l'esprit libre: mais leur religion, c'est le progressisme et les droits de l'homme. Ou encore le relativisme. Ils se disent tolérant: mais il n'y a qu'à voir les réactions que provoquent un petit signe de croix pour imaginer qu'à une autre époque et dans un autre contexte, ces gens vous auraient lynchés à mort en place publique et dansé sur votre cadavre.
Il y a aussi dans cette pathologie de l'athéisme militant, une haine de l'ordre naturel, du beau instinctif, de l'harmonieux. Prenez un Mexicain et un Papou, tous deux auront en commun un certain sens naturel du bien et du Beau. Mais pas le moderniste, pas le progressiste : il est capable lui, de trouver naturel que des tarlouzes se trémoussent à la GayPride ou encore de chialer à la mort de Mickaël Jackson; par contre une cathédrale gothique le laisse de marbre. C'est le même esprit urbain, orphelin et aliéné qui trouve la campagne "arriérée", les paysans français "consanguins" mais qui de l'autre côté, loue la culture écolo-bobo du tout bio...
Il y a cependant un point positif: tous ces athées acharnés sont des vieux cons. Trentenaires castrés des centre-ville pour les plus jeunes. Sexagénaires gauchisants aux cancers avides pour les autres. Dans quelques années, ils seront tous crevés et ne nous emmerderons plus avec leur rationalisme à la con. Ils ne sont que les relents méphitiques d'un siècle en décadence; les peaux mortes du malade en phase terminale qu'est la société occidentale. Et même si un grand nombre de nos jeunes contemporains restent à l'état végétatif, le mouvement éternel du balancier de l'histoire a déjà entamé sa course dans l'autre sens: aujourd'hui, les vingtenaires qui représentent le futur de la France, se redécouvrent le besoin de croire. En une idéologie (révolutionnaire?), en un système de valeurs (Straight Edge?), en des sous-cultures tribales (Metal, etc). Mais parfois et de plus en plus, ils vont plus loin.
La génération future est celle qui, à la lueur des feux de bois, redécouvre en pleine forêt son héritage millénaire et païen. Celle qui s'extasie en pénétrant dans une cathédrale. Celle qui embrasse de tout son être l'irrationnel et le supérieur. Celle qui accepte et revendique finalement, l'existence d'un ordre moral et inexplicable qui nous guiderait lors de notre passage sur terre. Enfin, c'est cette génération qui comprend de plus en plus comment en tirer parti. Face à la puissance muette et millénaire dégagée par une cérémonie odinique, ou encore par une messe orthodoxe, ou même (même) par un chant soufi, ou est la force des athées fanatiques? Nulle part. Ce n'est qu'un vide béant.
(Je dédie ce texte aux lecteurs des Inrocks, à Mélenchon et à Christine Tasin).
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