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Mercredi, 10 Avril 2013
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Dissidence : l'autre pays de l'inquisition
Raoul Weiss
Histoire :: Autres
Dissidence : l'autre pays de l'inquisition
Au risque de faire plaisir à Caroline Fourrest, je suis dans l’obligation de le reconnaître : oui, c’est vrai, les conspirationnistes existent. Pour ma part, au risque de surenchérir, j’aurais même tendance à les appeler super-conspirationnistes.

Dans 90% des cas, néanmoins, ce ne sont pas les bêtes noires dénoncées jusqu’à la nausée par les chiens de garde de la pensée unique : Meysan, Collon, Soral, Alain de Benoit, les partisans européens du bolivarisme, du panarabisme et du projet multipolaire de Poutine et Douguine.

Ce sont, bien au contraire, des intellectuels qui, sous couvert d’un catastrophalisme apocalyptique devenu monnaie courante (comme si la modernité n’était pas apocalyptique par essence, et ce, depuis des siècles), d’une dénonciation en vrac des élites planétaires, de Cameron à Ahmadinejad, et d’un antijudaïsme qui leur permet de montrer patte blanche dans les milieux dissidents, consacrent en réalité une part considérable de leur temps de veille à décrire comme « crypto-mondialistes » ces mêmes têtes de turc que BHL, Fourrest & Co. mettent quotidiennement au pilori : Chávez et ses homologues bolivariens, Assad et le panarabisme, Poutine, Douguine, la théorie eurasienne etc.. Comme chez frère Ramadan comparé à frère Lévy, l’instrumentation, bien sûr, est un peu différente : Pierre Hillard – car c’est avant tout de lui et de ses groupies qu’il est ici question – ne reproche pas à Chávez et Poutine, comme la presse mainstream, d’être des « dictateurs » (la dictature, en soi, c’est bien – surtout quand elle se dit aussi catholique : Franco, Pinochet…), mais de se réclamer de penseurs (comme Bolivar et Douguine) « maçons, lucifériens et mondialistes » – catégories que ce discours super-conspirationniste considère apparemment comme superposables, voire identiques.

Véritables wahhabites du monde chrétien, les super-conspirationnistes ne connaissent de salut que dans et par leur secte vaticane. Qu’elle ait changé de doctrine une dizaine de fois depuis sa création – la dernière fois, à l’occasion de Vatican II, pour s’aligner brutalement sur ce mondialisme qu’ils combattent avec tant de fougue – semble avoir échappé à leur attention. Qu’elle soit aujourd’hui largement dominée par l’Opus Dei, qui est un courant paramaçonnique au même titre que les Frères Musulmans, les perturbe tout aussi peu. Guénon ? maçon, occultiste, apostat : au feu ! Douguine ? schismatique, occultiste, luciférien, sioniste (on l’aurait aperçu partageant un blini avec le cousin d’un rabin) : au bûcher !

Comme les chameliers gardiens de la Mecque, les wahhabites ultramontains politisent la théologie – une certaine théologie –, contournant ainsi la réalité du Gestell capitalisme-modernité ; ils peuvent ainsi se mouvoir librement dans leur propre univers néo-platonicien d'essences pures en suspension, désert d’Arabie où la simple possibilité d’une pensée géopolitique relève de l’aporie. Comme l’économie n’existe pas, comme la réalité sociale n’est que le voile illusoire de processus eschatologiques bien connus, comment faire, par exemple, la différence entre mondialisation et mondialisme ? Tout projet d’organisation internationale – c’est-à-dire de restauration d’une emprise politique sur des flux transfrontaliers qui de toute façon existent déjà depuis longtemps, en-dehors de ma volonté et de celle des super-conspirationnistes – tombe ipso facto sous le soupçon de mondialisme. Qu’on trouve, de plus, un juif ou un maçon à moins de 6,66 km de celui qui élabore un tel projet, ou dans sa famille par alliance, ou parmi les clients du même restaurant, et la preuve est faite : Attali, Douguine, Alain de Benoit, Kissinger, même combat !

Leur méthode fonctionne si bien qu’elle nous laisse même souvent un peu sur notre faim. Pour ma part, je trouve que Pierre Hillard ne va pas assez loin : pourquoi continuer à épargner le Saint-Empire Romain Germanique, dont la structure, destructrice de l'Etat-nation catholique autrichien (avant qu'il n'existe, certes – dans la mesure où il a fini par exister – mais ils étaient prévoyants, les bougres!) porte clairement la marque du mondialisme... comme les manigances d’Alexandre le Grand, et de son fils naturel, Ghaddafi le panafricain...

Et pour nous autres, mécréants à qui l’argument d’autorité ne suffit pas, la Providence a bien fait les choses : via la plume laborieuse du récemment très télévisé Hillard, elle fournit des notes de bas de page à l'argument ultramontain d'autorité. Comme me l’écrivait récemment un de ses zélotes sur un forum, il « a tout parfaitement sourcé » ! Des documents de l’Union Européenne ! de la Trilatérale ! de la fondation Bertelsmann ! Sarkozy, Ghaddafi, ils veulent tous, ces salauds, unifier – en plus de la région Alsace – des continents qui n’ont rien fait à personne ! Le fait que les uns fassent sodomiser les autres au poignard est une bagatelle, qui relève de ce que leur antimarxisme les empêche hélas d’appeler « superstructure » – mais ce n’est pas l’envie qui manque. Le fait que l’un soit un agent de la CIA, l’autre l’un des leaders arabes qui remettaient en cause le système du pétrodollar ? Broutilles ! Pourquoi s’intéresser à l’économie des échanges mondiaux, quand on peut, à la lumière des Pères et du catéchisme, analyser des professions de foi disponibles sur Internet ?

Derniers – et fort paradoxaux – défenseurs de l’utopie (fondamentalement moderne) du jacobinisme en bout de course, les super-conspirationnistes, qui ne sont pas à une contradiction près, n’hésitent pas, entre deux citations de dom Guéranger, à réhabiliter de facto l'historiographie positiviste : les « faits » (qui sont, en l’occurrence, des déclarations d’intention et des textes juridiques) parlent d’eux-mêmes, leur accumulation pléthorique supplée avantageusement à l’absence de toute démarche herméneutique ; à quoi bon l’interprétation, quand on a sous les yeux la Vérité ? C’est ainsi qu’à la faveur de l’ensauvagement de la pensée dissidente ostracisée par le mainstream, sous les yeux émerveillés de milliers de naïfs cyberdissidents, Pierre Hillard écrit à la Michelet l’histoire du temps présent, intitulée Epopée du mondialisme. La question de l'interprétation des faits (réputés autosuffisants) n'est même pas posée; et d'ailleurs, pourquoi la poser? Tout ce qui nous éloigne du paradis sur terre de la France de 1788 porte par définition le sceau de Satan. L’Ecole des Annales, en 1788, elle était où ? Vade Retro, judéo-maçon !

Aveuglé par l’impitoyable lumière de la vérité romaine et apostolique, je préfère donc, pour le salut de mon âme (si tant est que les judéo-protestants contaminés par l’occultisme eurasien en aient une), faire d’ores et déjà amende honorable : c’est vrai, confiteor, Douguine établit une distinction entre mondialisation et mondialisme, et pousse l’audace jusqu’à en déduire des conséquences politiques pragmatiques. Oui, les inquisiteurs ont raison : l'eurasianisme est un alter-mondialisme, une pensée politique réaliste, qui affronte le problème de l'existence de facto d'un système-monde, pendant qu'Hillard, brodant sur l'ambiance survivaliste, attend l'apocalypse et incite ses ouailles – outre l’achat de filtres à eau et de canifs multifonctions – au repentir et à la prière – conseil fort vertueux au demeurant, mais le chrétien Hillard n'est-il pas censé laisser à César ce qui lui revient ?

Oui, j’avoue avant même la torture : Bolivar était maçon. Et puis ? Ceux qui, au milieu d'effets de manche des plus pathétiques, aiment à le faire remarquer ont généralement une tendresse plus ou moins cachée pour le boucher Franco, qui l'était aussi, comme Guénon, et comme Casanova, qui souffrait aussi de chtouille, comme plus tard un certain Nietzsche : probablement un indice pour le professeur Hillard. A creuser !
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