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Dimanche, 12 Mai 2013
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Pour une Ecole du Bien commun
Benoît Girard
Histoire :: Autres
Pour une Ecole du Bien commun
Structure composée d’enseignants et se présentant comme « associée au Rassemblement Bleu Marine », le « Collectif Racine » vient de publier dans Le Figaro une tribune qui plaide en faveur d’un « redressement de l’école républicaine ». Comment ne pas saluer un objectif de cette nature ? Comment ne pas rejoindre les auteurs de cette tribune quand ils évoquent l’urgence impérieuse de restaurer « mérite », « autorité » et « discipline » entre les murs de nos écoles, collèges et lycées ? Comment, surtout, ne pas saluer sa volonté de restaurer les prérogatives de l’État dans ces domaines ?

Rétablir l’école comme institution ordonnée au Bien commun, et non plus comme prestataire de services, chargée seulement d’assurer l’employabilité du citoyen-consommateur : un tel projet ne peut que rencontrer l’assentiment universel.


Pour autant, cette tribune pèche à mes yeux par la perspective trop partielle d’après laquelle sont envisagés les enjeux épistémologiques, socio-économiques et politiques qui surplombent toute réforme éducative. En manière de diagnostic, ses auteurs reprennent les traditionnelles lamentations de la droite sur le « collège unique », présenté comme cause des causes de tous nos maux éducatifs. Quant aux remèdes, le « Collectif Racines » propose de sanctuariser des pratiques sans aucun doute respectables – par exemple la notation, présentée comme modalité indépassable de l’évaluation scolaire – mais qui ne constituent pas, en elles-mêmes, la réponse globale qu’exige la crise que nous traversons.


Au lieu de démolir le « collège unique », terme générique qui regroupe sous une étiquette d’apparence volontariste une infinité de déclinaisons locales et de dispositifs dérogatoires (cf. l’éducation dite, par antiphrase, « prioritaire »), ne devrions-nous pas plutôt nous donner pour ambition de lui donner enfin une réalité en vue de former le « peuple d’élite » dont la nation aura besoin pour mener sa résistance économique et culturelle contre la mondialisation ? C’est en cela que l’État, seul capable d’imposer et de consentir les investissements nécessaires, aurait un rôle irremplaçable à jouer…


Par ailleurs, j’exprime les plus vives réserves sur les « spécificités » de l’école privée qu’il conviendrait de « respecter ». Dans un système éducatif cohérent, si l’école « privée » était privée de quelque chose, ce serait en tout premier lieu de sa raison d’être. Ceci constitue un enjeu politique crucial. La contribution qu’apporta le Front national, en pleine période reaganienne, aux défilés en faveur de l’école prétendue « libre » constitue l’un de ces accidents de l’histoire qui empêcha l’émergence d’un patriotisme authentiquement social et républicain – patriotisme amalgamé depuis lors aux marges les plus réactionnaires de la droite versaillaise. Certes, je n’ignore pas que l’époque est révolue où le "chèque éducation" tenait le haut du pavé dans le programme éducatif du Front. Rappelons tout de même que l’enseignement privé n’est que l’ultime résidu d’une guerre civile qui accoucha de la République au tournant du XIXème et du XXème siècle. Le Front se grandirait s’il se proposait, une fois l’école publique redressée, de mettre un terme symbolique à cet affrontement stérile qui ronge de l’intérieur le principe d’égalité républicaine.


Loin des déplorations convenues que l’on peut trouver dans n’importe quelle revue syndicale, le système scolaire dont nous avons besoin ne pourra donc être édifié que si nous avons à l’esprit le double impératif éthique et politique qui doit lui servir de colonne vertébrale : celui d’une élévation générale du niveau de culture et d’esprit critique de nos concitoyens. Ayons bien conscience que c’est un défi formidable auquel nous sommes confrontés puisque la résistance à la mondialisation libérale nous contraint à rehausser massivement le niveau au moment précisément où toutes les évolutions techniques et anthropologiques en cours se conjuguent pour le faire s’effondrer.


Il convient donc de dénoncer l’imposture qui conduisit certains responsables politiques, sous prétexte d’instaurer un « collège unique », à confronter des masses d’enfants à une structure pré-universitaire – le lycée napoléonien – qui n’avait pas été conçu dans cet objectif. Un tel système d’enseignement, fondé sur la transmission magistrale des savoirs, ne peut donner d’effets positifs que dans un contexte d’hyper-sélection des individus à enseigner. Il s’adresse à des élèves autonomes, capables d’organiser leur propre cheminement au milieu d’une avalanche de matières déconnectées entre elles, dans un contexte où l’interaction avec le professeur, structurellement limitée par la relation frontale qu’induit la gestion d’un groupe-classe, suppose chez l’élève une capacité de formuler des questions, donc une faculté de recul par rapport à ses propres ignorances. Quand un enseignement de cette nature s’adresse à un public très hétérogène dont une partie – qui tend, sous l’effet déstructurant des nouvelles technologies, à devenir majoritaire - est inapte à se saisir d’un savoir extérieur pour le faire sien, il ne produit qu’anarchie et médiocrité. Cela ne signifie évidemment pas qu’il faille, comme le font ceux qui s’acharnent à mettre sur le dos de l’« État socialiste » les ravages d’un néolibéralisme dont ils veulent masquer la fuite en avant, prendre au sérieux le prétexte d’égalité qui a présidé à sa mise en œuvre. Ce n’est pas l’idéal qu’il faut combattre, mais la trahison qui consiste à en faire le masque de pratiques réellement inégalitaires.


Peut-on parler d’égalité réelle quand certains collégiens ont droit aux lambris d’Henri IV tandis que d’autres, au fin fond de zones rurales délaissées ou de banlieues dégradées, sont relégués dans des bâtiments « Pailleron » qui menacent ruine et suintent l’amiante ? Peut-on parler d’égalité réelle quand le système de mutation des enseignants, cogéré selon des règles d’une complexité inouïe par des syndicats gauchistes tels que le SNES, révèle, année après année, l’exode massif qui affecte des portions entières du territoire, tandis que les établissement « huppés » de centre-ville font l’objet d’une concurrence féroce ? Peut-on parler d’égalité réelle quand l’excellence n’a pour refuge qu’un tout petit nombre de lieux – typiquement, les classes préparatoires – dans lesquels le système déroge à ses propres principes de fonctionnement pour pouvoir former ses futurs cadres dans des conditions à peu près convenables ?


Soyons en persuadés : c’est le rapport profondément faussé que nous entretenons collectivement avec l’idéal de vérité et de justice qui est en cause. Tous les autres phénomènes habituellement mis en avant par nos médias et nos politiciens comme autant de facteurs explicatifs (violence, diversité ethnoreligieuse, « discriminations », communautarisme…) entretiennent avec ce problème fondamental un rapport de corrélation et non de causalité.


C’est dans cette perspective que doit être envisagée la restauration de pratiques pédagogiques telles que la fameuse, mais tant décriée, « analyse grammaticale ». Certes, l’effort que doit fournir l’élève pour conformer son raisonnement à des catégories imposées ne lui permet pas d’atteindre la vérité de la langue. Mais il lui donne l’occasion d’acquérir les connexions logiques dont il pourra user ensuite librement en vue de construire sa propre pensée. Ce que les « pédagogistes » ont eu raison de répudier comme fins doit être réhabilité comme moyens. La volonté de court-circuiter la phase mécanique de tout apprentissage se traduit par cette situation paradoxale de collégiens qui, au terme de leur scolarité, ont abordé les principes de la sémiotique mais demeurent incapables de déchiffrer un texte de Molière ou de Corneille.


Je ne mentionne pas le collège par hasard : pour y enseigner moi-même, je suis convaincu qu’il constitue, à tous égards, le cœur du problème. A l’âge décisif où la totalité d’une classe d’âge fréquente cette structure, quelque chose d’essentiel est manqué dans la formation des personnes, qui se répercute dramatiquement jusqu’à l’université.


Sur la base de ce diagnostic, j’imagine une trilogie éducative qui correspondrait, dans l’organisation de ses structures, au cheminement naturel de l’intelligence :


1) Un enseignement primaire (jusqu’à 10 ans), qu’il suffit de conserver en l’état actuel de ses structures. La sacrosainte question des méthodes pourraient être résolue par la réaffirmation solennelle du principe de liberté pédagogique des enseignants.


2) Un enseignement primaire supérieur (entre 10 et 15 ans) qui refonderait le collège actuel en l’inscrivant résolument dans la continuité de l’école primaire. Cet enseignement correspondrait à la dernière partie de la scolarité obligatoire et se conclurait par un palier d’orientation. Jusqu’à 15 ans, les enfants bénéficieraient ainsi d’un type d’apprentissage qui a fait ses preuves en primaire et et qui repose principalement (comme pour l’apprentissage de la lecture et de l’écriture) sur l’acquisition de savoir-faire par imitation.

Alors que, dans le primaire, les élèves sont regroupés à raison de 25 par maître, dans l’enseignement primaire supérieur les élèves seraient regroupés en classes de 35 ou 40, encadrées par deux professeurs, l’un spécialisé dans les matières littéraires (français, histoire-géographie, latin), l’autre dans les matières scientifiques (mathématiques, physique-chimie, biologie). Contrairement à ce que proposent les membres du « collectif Racine », les enfants pourraient profiter d’un enseignement réellement interdisciplinaire, seul capable de faire sens et de structurer, aussi bien d’un point de vue scientifique qu’esthétique, leur rapport au monde. Chaque classe constituerait une micro-entité dotée d’une très grande marge d’autonomie. Les programmes seraient réduits à l’essentiel, à savoir quelques lignes directrices déterminant les principaux thèmes à aborder. L’enseignement des langues, ramené à de justes proportions (une langue vivante me paraît bien suffisante), pourrait être confié à des intervenants spécialisés qui se répartiraient plusieurs classes. Enfin, les autres pratiques constitutives d’une éducation complète (sport, musique) feraient l’objet d’un partenariat, au cas par cas, entre les écoles et les structures publiques ou associatives spécialisées (clubs sportifs, conservatoires de musique etc.).

Ce n’est qu’une fois atteint le stade où l’élève sera capable de se nourrir intellectuellement seul, qu’il lui deviendra possible, pour son plus grand profit et celui de la société, de choisir entre la poursuite d’études intellectuelles longues et l’apprentissage d’un métier manuel épanouissant – ce qui suppose, en amont, la remise en question d’un système socio-économique qui ne garantit de manière satisfaisante que la « fabrication » et l’insertion d’exécutants du secteur tertiaire.


3) Un enseignement secondaire (15-20 ans) qui correspondrait au lycée actuel mais qui absorberait les actuelles classes préparatoires et qui déboucherait sur un diplôme du baccalauréat restauré dans sa signification originelle d’accès à l’enseignement supérieur. Comme pour l’enseignement primaire, nul besoin de réformes radicales. Il suffirait de laisser les lycées retrouver naturellement les méthodes de fonctionnement pour lesquels ils ont été conçus (cours magistral, autonomie des élèves).


Cette nouvelle tripartition du système scolaire français présente l’avantage de ré-articuler et de clarifier les périmètres d’application du principe d’égalité et du principe de sélection :


1) L’organisation de chaque cycle est pragmatiquement pensée en vue d’élever réellement le niveau de tous les élèves. Elle ne repose pas sur une conception abstraite ou idéologique de l’égalité. Elle tente simplement d’instiller, au cœur même du processus de compétition sociale, des principes éthiques qui l’humanisent et le « domestiquent » en vue du bien commun.


2) L’orientation et/ou le diplôme sanctionnant la fin de cycle ne constitueraient plus, comme aujourd’hui, une fin en soi, déterminant la réussite ou l’échec de toute une vie, mais le moyen de déterminer, selon des procédures équitables et transparentes, quelle sera pour chacun l’étape suivante.


Cette approche systémique du problème éducatif suppose, à rebours de l’évolution actuelle, l’instauration d’un système qui soit à la fois nationalisé dans ses structures d’administration, de financement et de recrutement, et décentralisé dans ses modalités de fonctionnement.


1) Concernant le recrutement, trois statuts devraient être clairement définis. Les actuels professeurs des écoles continueraient à assurer l’enseignement primaire. L’agrégation deviendrait la voie normale d’accès à l’enseignement secondaire. Enfin, un concours et un cursus de formation spécifique seraient créés pour le niveau intermédiaire.


2) Concernant les modalités de fonctionnement, il faut rompre avec cet équilibre des pouvoirs qui rend l’État incapable d’assurer convenablement la protection de ses agents mais l’autorise à gérer, à l’heure près, l’emploi du temps des écoliers. Il serait nécessaire de restaurer le primat du pédagogique sur l’administratif au niveau des établissements et d'envisager les conditions de leur démocratisation (suppression des corps de direction, remplacés, comme à l’Université, par des équipes de professeurs élus).


Sur le plan des principes, un tel renversement copernicien des structures passe par le refus obstiné d’opposer entre eux des concepts qui devraient être complémentaires.

Non, l’autonomie de l’élève ne s’oppose pas à la transmission magistrale des savoirs. L’autonomie en dehors de la transmission n’est que divagation. A l’inverse, la transmission qui n’aurait pas pour objet l’autonomie de la personne est une oppression. Et comme on ne saurait exercer d’oppression que sur des individus individuellement et collectivement désorganisés, la divagation constitue la condition actuelle de l’oppression.
Non, la « mise en activité des élèves », qui constitue l’un des dogmes principaux du credo « pédagogiste », ne s’oppose en aucun cas à la mise en valeur de la parole magistrale. La capacité de recevoir, pour se l’approprier, une parole extérieure à la sienne, constitue le dernier terme d’un processus de maturation intellectuelle réussie.
Non, la figure de l’élève – prétendument placée « au centre du système » au moment même où l’école se muait en structure de contrôle social et d’inféodation aux impératifs économiques – ne s’oppose ni à celle du savoir, ni à celle du maître. L’élève, le maître et le savoir constituent une « trinité éducative » dont la communion harmonieuse conditionne la construction des personnes et le surgissement d’une liberté authentique.
Non, l’exercice assumé de l’autorité ne s’oppose pas à l’exigence éducative et pédagogique. C’est par la sanction, quand elle est nécessaire, que le petit d’homme fait l’expérience métaphysique de ses limites avant de pouvoir se les fixer lui-même – ce qui définit, au sens propre, l’autonomie.
Non, l’éducation ne s’oppose pas à l’instruction. Dans tous les cas, c’est la personne qui est au centre et c’est son accession à la liberté qui est en jeu. Tout contenu scientifique ou artistique qui n’aurait pas la liberté de la personne en ligne de mire serait vain ou mensonger.
Enfin, comme il a été dit, il faut cesser d’opposer égalité et sélection. En la matière, il convient de déterminer par une délibération politique l’effort que la société est capable de consentir, selon les circonstances et les nécessités du moment, en vue d’assurer à tous un niveau d’instruction et d’éducation le plus élevé possible. Au delà de ce seuil, il revient à l’État de réguler la compétition sociale selon des principes d’équité qui garantissent qu’à toute situation de supériorité dans la hiérarchie sociale corresponde, dans la mesure du possible, la contrepartie d’un service ou d’une protection apportés aux échelons inférieurs.

On comprend mieux, au terme de cette analyse, comment un projet éducatif cohérent recoupe nécessairement des enjeux sociaux et politiques. Plus que jamais, la crise actuelle nous impose de dépasser les antagonismes idéologiques stériles, de remiser au placard les « bons sentiments qui masquent de grands intérêts » (Nicolas Dupont-Aignan) et de penser une école capable de répondre aux défis de notre temps. Il serait contre-productif, autant qu’illusoire, de limiter notre ambition à ressusciter l’école des Trente Glorieuses, cette époque durant laquelle tant de fausses croyances, fracassées depuis sur les récifs du réel – notamment la croyance en un « progrès » économique éternellement cumulatif qui subsumait les frustrations sociales dans l’assurance d’une élévation généralisée des conditions individuelles, « pour peu qu’on s’en donne la peine » – rongeaient déjà le fruit du Bien commun.


En rupture avec le paradigme libéral, privilégions, avec Jean-Claude Michéa, l’institution d’« une société égalitaire, solidaire et amicale, qui inviterait les hommes à donner le meilleur d’eux-mêmes ». Que notre école républicaine en constitue la semence autant que le fruit !


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