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Vendredi, 24 Juin 2005
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Double problème : capitalisme et communisme
Aidan Rankin
Impérialisme :: Varia
En Europe de l’Est, durant les années de la guerre froide, un graffiti populaire ornait les murs des capitales communistes. Il disait : « Le capitalisme, c’est l’exploitation de l’homme par l’homme. Le communisme, c’est le contraire ».

L’ironie fut une arme puissante pour les dissidents pendant les années difficiles entre le Printemps de Prague et la Glastnost. Elle était détestée par les autorités, car bien qu’elles manquaient d’humour, elles savaient que des vérités puissantes étaient exprimées qu’aucune censure du peuple ne pourrait jamais étouffer. Dans ce cas, la vérité était que les exploiteurs du monde entier se ressemblent tous. Les idéologies et les systèmes par lesquels ils justifient leur pouvoir ne sont pas des opposés, mais dominent parallèlement l’un à l’autre. Ils sont basés, comme Norman Mailer l’observa un jour, sur « quelqu’un opprimant beaucoup de gens, mais c’est celui qui est l’oppresseur qui est pour toujours en conflit ». Le capitalisme et le communisme diminuent le statut des gens.

La symbiose entre le « capitalisme du monopole » et le communisme d’Etat fut reconnue par George Orwell, qui, comme la plupart des hommes en avance sur leur temps, était très mal vu de l’élite libérale. Dans « La Ferme des Animaux », il note la ressemblance entre les cochons anciennement rebelles et les fermiers qu’ils ont renversés. L’histoire d’Orwell est généralement interprétée comme une parabole sur l’échec des révolutions, celles de gauche particulièrement. A l’ère du conformisme mondialisé et de la résistance contre lui, nous pouvons discerner un sens plus profond. Car il devient toujours plus évident que le communisme et le capitalisme ont les mêmes fondements idéologiques. Ils ne sont pas des rivaux, après tout, mais des compagnons de lit querelleurs.

LE MOUVEMENT POUR LE CHANGEMENT

Le communisme et le capitalisme affirment tous deux être des idéologies « modernes » au-dessus de tout le reste. Pourtant leurs racines se trouvent dans la même vision-du-monde « libérale » du 19ème siècle. Tous deux croient en l’inévitabilité – et en la désirabilité – du « progrès » continu et du changement permanent. Tous deux croient que l’humanité est sujette à des lois universelles, quelles que soient les variations culturelles et historiques, les distinctions d’écologie et de climat, ou les différences entre les individus eux-mêmes. Tous deux élèvent les droits abstraits au-dessus de la liberté et de la responsabilité pour les individus et les communautés. Tous deux favorisent le matériel au détriment du spirituel et tous deux croient en l’homo economicus : l’être humain asservi par les forces économiques, en-dehors de son contrôle. C’est pourquoi les cibles du mépris capitaliste et communiste sont si souvent les mêmes. Ils haïssent la tradition, ridiculisent les valeurs durables, méprisent la stabilité de la vie de famille, déprécient la richesse de l’amitié et tournent en dérision toutes les aspirations spirituelles. Ces domaines de l’activité humaine sont vus comme des forces de conservatisme, s’opposant au progrès matériel de l’humanité, nous « mystifiant » et nous rendant hostiles au changement. Et dans la moralité séculière du communisme/capitalisme, l’hostilité au changement est le pire des péchés capitaux.

J’écris cet article un jour de printemps dans le centre de Londres, mais je suis récemment revenu du Yorkshire rural gelé. Une « division Nord-Sud » historique gouvernait autrefois l’économie, la culture et les tendances électorales. Elle se reflète encore dans les blagues de mes amis londoniens sur les casquettes plates, les whippets [1], la bière Tetley et les clubs de travailleurs, ou les blagues de mes amis du Yorkshire sur les croissants et le café au lait à Islington, foyer du politiquement correct bien-pensant. Cependant la division Nord-Sud est en train de se transformer rapidement en un gouffre économique et culturel : la ville contre la campagne.

La plupart des lecteurs savent déjà que la campagne britannique est dans une crise croissante, se débattant dans une épidémie de maladie du bétail et une récession rurale menaçante. De nombreux sentiers sont fermés aux promeneurs, les hôtels et les auberges sont vides, les cafés désertés. La délicate économie à dimension humaine de l’agriculture, du tourisme et de l’artisanat local lutte pour sa survie.

Dans la Grande-Bretagne des hautes terres, nous pourrions assister à la disparition d’un mode de vie historique, profondément traditionnel. Car le fermier des collines est, semble-t-il, l’Homme Rouge de la société postmoderne. Il est résistant, indépendant de l’Etat et du Grand Business, et conscient de la nature, à la fois comme alliée et comme ennemie. Il a sa propre mythologie et son propre code éthique. Ils sont basés sur la loyauté envers les amis, la méfiance envers l’autorité, une histoire qui est largement non-écrite et un sens rigoureux du fair-play. Comme l’Homme Rouge, il est la cible des préjugés urbains, de la part des planificateurs commerciaux qui le considèrent comme un inconvénient temporaire et des colons qui souhaitent implanter une monoculture « civilisée ». L’abattage du bétail sain, sous prétexte de maîtriser la maladie, s’apparente sinistrement au massacre des troupeaux de bisons.

L’ORGANISATION DE L’ECONOMIE

La maladie du bétail n’est pas exclusivement la faute du gouvernement Blair. Elle soulève cependant des questions plus larges sur la manière dont notre économie est organisée. Le capitalisme global n’a pas intérêt à la production locale pour des besoins locaux. Ses champions, qu’ils soient à Londres, Bruxelles ou Pékin, ne pensent pas à transporter du bétail et des denrées alimentaires sur des centaines ou même des milliers de kilomètres, au nom du « choix du consommateur » pour un nombre de gens relativement petit. L’autosuffisance, pour eux, est gaspilleuse, insulaire et démodée. La dépossession de nos communautés rurales fait partie du processus de mondialisation économique. Elle est accompagnée par une délégation du pouvoir vers le haut : du gouvernement local au central, de l’économie régionale à l’Organisation Mondiale du Commerce. L’agriculture intensive destinée à l’exportation et les profits rapides apportent à la vie agraire les valeurs des ateliers urbains. Les cochons qui dorment sur du béton ou du métal, sans jamais voir la lumière du jour, sont des pions économiques, comme les femmes et les enfants trimant dans les usines du Tiers Monde pour fabriquer des produits griffés de mauvaise qualité pour l’Occident. « Napoléon et Boule de Neige [2], où êtes-vous maintenant que votre espèce a besoin de vous ? », pourraient s’interroger les plus éloquents de nos cousins porcins, ces jours-ci. Mais de la Cumbria au Ladakh, les fermiers traditionnels ont sûrement les mêmes bonnes raisons de se rebeller. Le « libre-échange » mondial signifie la sécurité sociale pour eux s’ils ont de la chance, l’esclavage des salaires précaires s’ils n’en ont pas.

L’agroalimentaire est une invention urbaine, perturbant les rythmes de la vie campagnarde et imposant des « objectifs », des « stratégies » et le jargon urbain du management. Il souffrira moins que les petits fermiers indépendants, concernant les conséquences de la fièvre aphteuse du bétail. Cela, à cause de sa richesse et aussi à cause de sa vision utilitaire de l’agriculture. Les bestiaux sont des produits servant à faire d’autres produits. Comme les ouvriers des ateliers, ils sont sacrifiables parce qu’ils peuvent toujours être remplacés. La terre ne porte plus d’associations culturelles ou de souvenirs personnels. Elle est aussi une ressource à exploiter, que ce soit pour faire pousser des organismes génétiquement modifiés destinés à l’exportation ou pour être défoncée et laisser la place à des étendues de maisons identiques, desservies par des galeries marchandes uniformes avec des installations sportives intégrées.

RUINE RURALE

Pour les communautés rurales de Grande-Bretagne, cependant, la maladie du bétail est la dernière d’une série de tragédies, présidée avec incompétence par des politiciens et des bureaucrates lointains. Le gouvernement du Labour est blâmé, parce qu’il est perçu comme anti-rural. Il est plus intéressé à interdire les sports campagnards qu’à aider les entreprises rurales à survivre, plus intéressé par les séparatistes des Balkans que par ses propres minorités rurales. Le multiculturalisme, semble-t-il, s’arrête aux limites de la ville. Le gouvernement ne représente pas la campagne, comme le devrait une administration démocratique. Au lieu de cela, il exerce simplement le pouvoir et émet des décrets. Les communautés rurales, à leur tour, ne reflètent pas la vision bien rangée du futur du New Labour. Car elles sont formées d’hommes et de femmes indépendants habitués à prendre des décisions par eux-mêmes. Ils ne souhaitent pas voir leurs pensées et leurs paroles contrôlées par des décrets politiquement corrects ou leurs droits de propriété grignotés par l’Etat.

Les communautés rurales se méfient des influences extérieures mais font bon accueil aux étrangers. Ce dont ils manquent en « internationalisme », ils le compensent par l’économie à dimension humaine. Les fermiers et les marchands se connaissent et dépendent les uns des autres, les compétences sont transmises de père en fils, ou, très souvent, de mère en fille. Les femmes sont indépendantes et ingénieuses, ce qui signifie que les véritables féministes devraient aussi être des ruralistes. Les hommes sont plus directs, moins névrotiques, que leurs homologues urbains. Si l’étroitesse d’esprit existe, il y a une grande tolérance pratique, particulièrement pour les excentriques et les « personnages ». Les bestiaux sont des individus avec des pedigrees bien connus, pas de simples statistiques. Par-dessus tout, la vie campagnarde est encore basée sur la continuité. Dans la ville du Yorkshire où je vis, il y a un homme qui peut raconter l’arbre généalogique de chaque local à quiconque veut l’entendre. Ce sens de l’histoire fait horreur aux idéologues du New Labour. Il est tout aussi étranger aux autres partis, car la droite rurale est presque morte, les Verts sont le mouvement le plus urbain de tous et les Libéraux Démocrates croient avec ferveur en un Etat paneuropéen, qui foulerait aux pieds la culture et les coutumes locales. La fonction du gouvernement moderne, semble-t-il, est de forger un peuple sans mémoire. Bertolt Brecht, le dramaturge communiste, proclama dans un moment de rare lucidité que « le gouvernement a dissout le peuple et en a élu un autre ».

Nous parlons donc de quelque chose de bien plus grand qu’une division ville/campagne. La division est mieux comprise en termes de deux manières de regarder le monde. L’une est à dimension humaine, basée sur la continuité et l’effort communautaire et le respect du passé aussi bien que du présent. L’autre est basée sur la production et la consommation de masse, le changement comme indicateur de « progrès » et des chartes de droits abstraits. En termes de partis, cela signifie une division entre « conservateurs » et « progressistes », en termes économiques, entre le global et le local.

Le capitalisme et le communisme sont tous deux des idéologies « progressistes » sans équivoque. Marx comprit cela dans le Manifeste du Parti Communiste. Il admirait le capitalisme pour sa vitalité, sa polarisation sur les classes et son assaut contre « l’idiotie de la vie rurale ». Cela explique peut-être pourquoi la Chine, maoïste encore récemment, a embrassé le capitalisme avec une telle ferveur tout en préservant son Etat communiste.

Plus près de chez nous, les apparatchiks du New Labour, produits de notre propre « Révolution Culturelle » des années 60, s’appelaient eux-mêmes des socialistes jusqu’à ce que le mot les embarrasse. Aujourd’hui, ils récitent les mantras de la mondialisation avec le même zèle irrationnel qu’ils mettaient à crier des slogans de gauche lorsqu’ils étaient étudiants. Car ils voient dans le fondamentalisme du libre-échange la même antipathie envers la tradition, le même mépris pour les sentiments « démodés » comme le patriotisme ou l’esprit communautaire, qu’ils trouvaient dans la gauche des années 60. L’économie néo-libérale et la politique de la « Nouvelle Gauche » sont toutes deux collectivistes en esprit et en pratique. Pour l’une, les « masses » ne sont que des consommateurs passifs, pour l’autre ce sont des zombies « libérés » qui vivent et respirent pour l’Etat. Par le politiquement correct, les deux écoles du dogme se rejoignent. Elles trouvent des ennemis communs et donc un terrain commun.

Dans les utopies du capitalisme global et du communisme mondial, il n’y a pas de place pour le fermier indépendant, le commerçant ou l’artisan. Ils sont des rappels malvenus d’un passé où les individus comptaient pour quelque chose.

C’est pourquoi les gens des comtés sont presque devenus les koulaks de la Brave New Britain [3]. Par leur existence même, ils défient les lois de fer du « progrès ».

NOTES

[1] Whippet : race de chien. (NDT)

[2] Napoléon et Boule de Neige : les deux chefs des cochons, dans la Ferme des Animaux. (NDT)

[3] Allusion au célèbre livre d’Aldous Huxley, « Brave New World » (trad. française : Le meilleur des mondes), décrivant une société totalitaire du futur. (NDT)

Article publié dans « The Ecologist », juin 2001.

Aidan Rankin est rédacteur-adjoint du magazine « New European ». Il est l’auteur du livre : The Politics of the Forked Tongue: Authoritarian Liberalism [La politique de la langue fourchue : le libéralisme autoritaire], publié en 2002, qui montre comment le Politiquement Correct est utilisé pour imposer un pseudo-libéralisme autoritaire.
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