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L'antifascisme est le nouveau totalitarisme
Aidan Rankin |
Impérialisme :: Varia
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Quand j’entends le mot « fasciste », je ne pense pas aux divers piliers de bistrots ou aux quelques bigots pur jus qui sont les activistes typiques de l’« extrême-droite ». Je ne pense pas non plus aux skinheads à moitié ivres, conduits par la testostérone, dans des jeans moulants ou des treillis militaires, braillant des slogans anti-immigrés richement épicés avec des obscénités. Je pense encore moins aux milliers de supporters travaillistes mécontents, des hommes et des femmes ordinaires dans des enclaves de la classe ouvrière, qui ont donné au British National Party [extrême-droite anglaise] son nouveau fonds électoral. Aucun de ces gens n’est un « fasciste », dans n’importe quel sens du mot. Ils sont des victimes plutôt que des agresseurs, des victimes des expériences sociales libérales ratées, des programmes économiques sans cœur et, par-dessus tout peut-être, de la trahison d’un mouvement travailliste qui avait été créé spécifiquement pour les défendre.
La gauche, et beaucoup de libéraux bien-pensants et de Tories [ = la droite] avec eux, voudrait que nous voyions les « fascistes » comme des Blancs de la classe ouvrière, blessés, faiblement instruits – des mâles blancs en particulier, puisqu’ils sont un double négatif du Politiquement Correct. Ces progressistes (comme ils se nomment eux-mêmes invariablement) utilisent les accusations de « racisme » et de « fascisme » comme des excuses pour tyranniser et opprimer les communautés blanches appauvries et les isoler dans des ghettos. Pour les libéraux blancs, l’antiracisme devient une forme d’auto-racisme, dirigé contre des membres de leur propre race qui sont jugés socialement inférieurs. Il s’agit, en d’autres mots, d’un nouveau type de snobisme et d’exclusion sociale. De même, les véritables héritiers du totalitarisme ne sont pas les skinheads, les bigots ou les anciens socialistes votant BNP. Ce sont les ennemis jurés du BNP, les troupes de choc « antifascistes » de la gauche, dont les slogans de rébellion artificielle, de politique aux gestes mélodramatiques et de chantage émotionnel vont bien au-delà des coteries marxistes dont ils sont originaires.
A Burnley, où le BNP a fait ses plus forts gains régionaux cette année, le paradoxe de l’antifascisme est apparu dans une manifestation de l’Anti-Nazi League, dont les images ont été largement publiées dans la presse. Pieusement antiracistes et inclusifs, les protestataires étaient dans une proportion écrasante des Blancs de la classe moyenne. Proclamant les vertus de la tolérance, leurs yeux brillaient de la pureté de la haine qui est la prérogative des extrémistes du monde entier. Dans cette manif de gauche presque archétypale, les chants et les poings serrés des jeunes hommes débraillés, les hurlements et les larmes des femmes encore plus débraillées, les banderoles appelant à supprimer des partis politiques (au nom de la tolérance, probablement) exprimaient quelque chose de plus qu’une bizarrerie lancastrienne. Car les antifascistes basent leurs campagnes sur un sens de l’indignation avec lequel personne, nulle part, n’oserait être en désaccord. Dans leur appel au sentiment au-dessus de la raison, de la force au-dessus de l’argument, ces activistes ressemblent fortement à ces totalitaires fantômes qu’ils prétendent « combattre ». C’est pourquoi, par une touche d’ironie postmoderne, l’antifascisme est le nouveau totalitarisme.
Il y a, dans la culture politique britannique – et spécialement anglaise –, une riche veine de radicalisme sentimental, à laquelle les slogans antifascistes font appel. C’est de cette section de la politique et de la société que les activistes antifascistes tirent leur soutien émotionnel (et surtout financier). A la différence des communautés de la classe ouvrière, ils ne voient pas la face violente et arrogante de l’antifascisme, pas plus que la plus grande partie de la classe moyenne allemande ne voyait directement la violence des chemises brunes. Cette frange de pensée radicale, ironiquement, a son origine dans l’époque impériale, parmi une classe moyenne bourgeonnante fortement influencée par le christianisme évangélique, qui croyait que son devoir était de « sauver » les indigènes arriérés. L’impulsion missionnaire plaçait habituellement le souci pour les peuples sujets de l’Empire, et leur bien-être matériel ou spirituel, bien au-dessus du souci pour la classe laborieuse britannique. Un de ces philanthropes typiques est Mme Jellyby dans « Bleak House » de Dickens, dont les yeux « avaient la curieuse habitude de sembler regarder au loin, comme s’ils ne pouvaient rien voir de plus proche que l’Afrique ». Libérale moderne comme beaucoup, Mme Jellyby négligeait les gens qui l’entouraient, y compris notoirement ses propres enfants. Ses pensées étaient au contraire dirigées vers la possession africaine (fictive) de Borrioboola Gha et vers ses plans idéalistes pour son « développement ».
Le monde des Organisations Non Gouvernementales est rempli de Mmes ou de MM. Jellybys. Mais dans une époque postcoloniale, le phénomène de l’immigration a rapproché leurs soucis de la maison. Le Mr. Jellyby d’aujourd’hui peut aussi bien travailler pour un organisme de relations raciales dans une commune que pour une ONG du Tiers-Monde. Car les « communautés des minorités ethniques » sont devenues les nouvelles Borrioboola Gha. Elles doivent être aidées et prises en pitié avec condescendance, et même recevoir des droits spéciaux, mais leurs membres ne doivent pas être traités comme des individus et la réalité de leurs cultures doit être ignorée ou méprisée. En tant que fardeau du libéral blanc, le citoyen à peau noire ou brune est soutenu aussi longtemps qu’il lit un texte politiquement correct et qu’il montre de la gratitude et de l’obéissance envers ces groupes de pression qui « prennent soin » de lui. C’est sur ce Syndrome de Jellyby, un héritage de l’époque missionnaire, que les groupes antifascistes se branchent. Les libéraux culpabilisés confondent le jargon violent de l’antifascisme avec le souci humanitaire, tout comme le jargon violent du fascisme était autrefois confondu avec des appels à la tradition et à l’ordre.
Mais l’impulsion missionnaire ne finit pas avec les minorités ethniques. Dans les campagnes antifascistes, il y a des vestiges des missions évangéliques antérieures, visant la population indigène [européenne], avec le but de la contrôler et de la pacifier. Les communautés de la classe ouvrière sont traitées par les antifascistes, et par leurs apologistes libéraux, comme des tribus blanches arriérées à civiliser et à subjuguer. La ferveur évangélique présente dans l’antifascisme se mesure à la qualité lacrymale de ses activistes, dont les appels larmoyants sont souvent le prélude à des actes de violence ou à des demandes de censure. C’est une caractéristique qu’ils partagent avec les autoritaires, qui étaient les plus émotionnels et les moins raisonnables des activistes politiques. Comme les militants évangéliques anti-alcooliques d’une époque révolue, les antifascistes semblent tenter de sauver les travailleurs d’eux-mêmes. Leur particularisme, exprimé par leur opposition à l’immigration débridée, est qualifié de « racisme » et traité comme une nouvelle forme de vice. Leurs instincts patriotiques viscéraux et leur désir de préserver le caractère traditionnel de leur voisinage sont rejetés comme des préjugés ignorants, dont les hommes et les femmes de la classe ouvrière blanche doivent être émancipés tout comme leurs aïeux étaient émancipés de la boisson.
Comme les Evangéliques, les antifascistes cherchent à libérer par une combinaison de pression morale et de force légale. L’antifascisme est pourtant une idéologie séculière radicale qui ne permet aucune possibilité de repentance ou d’absolution. Les protestants évangéliques qui rejoignaient les campagnes anti-alcooliques ou moralistes étaient souvent oppressifs et insensibles, mais leur zèle était fréquemment tenu en échec par un souci pour les âmes individuelles. Les antifascistes, au contraire, n’ont pas de tels soucis. Ils cherchent à sauver des communautés, en changeant leur conscience collective ou en les forçant à se conformer. Leur idéologie ne permet aucun souci pour les individus, sauf pour l’agression ou la dénonciation. Ce mépris de l’individu, du travailleur blanc mâle en particulier, permet à l’antifasciste de réconcilier deux demandes contradictoires : celle de la désobéissance civile (incluant la violence) et celle de l’extension massive du pouvoir de l’Etat.
La propagande antifasciste fait de fréquents appels à l’histoire et à la mythologie de la gauche, dont se réclame bruyamment le mouvement. « Searchlight », le journal de l’antifascisme, fait de fréquentes références à la guerre civile espagnole, montrant des photographies d’héroïques combattants et publiant des interviews de fidèles des Brigades Internationales, à présent âgés et impressionnants. Ils évoquent le souvenir de la « bataille de Cable Street » et d’événements similaires des années 30 où des communautés ouvrières juives résistèrent aux Chemises Noires de la British Union of Fascists d’Oswald Mosley. Il y a dans ces images une supposition explicite et fausse de continuité. Elle est fausse parce que dans la guerre civile espagnole tout comme à Cable Street, un haut degré d’organisation de la classe ouvrière était impliqué, et avec lui une aspiration authentique à une société juste.
« Searchlight », au contraire, base la plupart de ses activités sur l’accusation, la diffamation et l’incitation à la haine, souvent la haine de classe dirigée contre les « racistes » de la classe ouvrière. Il n’en fut pas toujours ainsi. Son fondateur, Maurice Ludmer, était un ancien membre du parti communiste, un homme réfléchi pour lequel l’éducation des communautés ouvrières était importante, et qui croyait en la liberté et la dignité pour les individus de toutes origines. Les activistes antifascistes d’aujourd’hui, incluant « Searchlight », refusent de concéder à leurs adversaires – spécialement leurs adversaires de la classe ouvrière – tout sens de la dignité humaine. Les « racistes » de la classe ouvrière sont habituellement décrits comme de la racaille ou des produits des égouts, dans un curieux écho des dénonciations tordues des Juifs et autres « ennemis » du Volk par les nazis. « Searchlight » publie encore, à l’occasion, des commentaires intelligents et réfléchis, spécialement sur les événements à l’étranger, mais dans son refus de tout compromis ou sa tentative de vaincre ses adversaires, il perpétue des conflits de caractère social et racial.
Il partage ce dernier attribut avec l’Anti-Nazi League, qui est bien plus explicite dans sa défense de la violence et sa haine de la classe ouvrière blanche. A un niveau, l’ANL se présente comme une organisation missionnaire séculière pour l’antifascisme. A un autre niveau, ses activistes presque tous bourgeois ou petit-bourgeois entreprennent de créer une atmosphère d’intimidation et de violence lorsqu’ils descendent dans des régions comme Burnley. Comme un mouvement totalitaire, l’ANL est explicitement engagée dans l’abolition de la liberté d’expression. Ses activités en font l’héritière moins des combattants de Cable Street que des intrus de la BUF. Comme les Chemises Noires, les protestataires de l’ANL se donnent le « droit » de descendre dans les zones ouvrières, de menacer et de harceler leurs habitants, d’inciter et de s’adonner à la violence.
L’Anti-Nazi League est intimement liée au Socialist Workers Party (SWP), la faction d’extrême-gauche la mieux connue et la plus agressive de la politique britannique depuis la disparition du communisme orthodoxe. A la différence du parti communiste, le SWP est opposé à la voie parlementaire vers le socialisme et recommande une révolution violente. La vision-du-monde du SWP considère toutes les institutions politiques existantes comme des surgeons du « capitalisme ». Ni le capitalisme lui-même ni ses institutions ne peuvent être « replâtrés » ou « réformés ». Le combat du parti, par conséquent, est autant contre « les idées et les leaders réformistes » que contre l’économie capitaliste :
« La machine étatique est une arme de la domination de classe capitaliste et doit donc être brisée. Les actuels parlement, armée, police et juges ne peuvent pas simplement être repris et utilisés par la classe ouvrière. Il n’y a donc pas de voie parlementaire vers le socialisme. »
Cette rhétorique de lutte de classe dissimule une critique du gouvernement parlementaire identique à celle des squadristes italiens, les miliciens de Mussolini qui fermèrent le parlement italien et installèrent un Etat fasciste. Pour Mussolini, le gouvernement parlementaire était si corrompu – et, en fait, si « bourgeois » –, qu’il ne pouvait pas être replâtré. L’idéal fasciste de l’Etat Corporatif était basé sur la représentation par métiers. Cette politique trouve de forts échos dans le SWP, qui cherche à remplacer le Parlement par une série de « conseils de travailleurs ». Cela ressemble aussi à l’obsession antifasciste moderne pour les droits des groupes, par laquelle les minorités raciales (et toutes les « communautés opprimées ») sont représentées collectivement par des groupes de pression activistes qui affirment parler pour elles. Tout en ressemblant à la politique fasciste, la position du SWP diffère spectaculairement de celle de Marx, qui, particulièrement dans ses dernières années, favorisait fortement la voie parlementaire. Même Lénine, qui fut toujours un pragmatique, croyait en l’usage de toutes les institutions opportunes, y compris les parlements. Dans les groupuscules d’ultra-gauche, il ne voyait qu’un « désordre infantile ».
Une autre faction d’extrême-gauche qui a eu une influence séminale sur l’antifascisme est l’International Marxist Group (IMG), dont les célébrités incluaient Tarik Ali. Disparu depuis longtemps à présent, l’IMG joua un rôle important dans l’agitation étudiante et les manifestations violentes de la fin des années 60, dont beaucoup rappelaient le comportement des jeunes militants nazis dans les universités de l’Allemagne de Weimar. En particulier, l’IMG rejetait la classe ouvrière blanche comme désespérément réactionnaire et voyait la nouvelle élite révolutionnaire dans les étudiants, les minorités ethniques et les mouvements féministes. L’idéologie et la tactique de l’antifascisme d’aujourd’hui doivent beaucoup aux préjugés profondément anti-ouvriers et anti-blancs de l’IMG.
Ces groupes d’extrême-gauche ont basé leur politique sur des interprétations de la « révolution permanente » de Trotski, une doctrine puriste de changement continuel apparentée à celle de la Révolution Culturelle de Mao, et du Troisième Reich de Hitler. Pour le Führer, la « volonté créative révolutionnaire » n’a « pas de but fixé, pas de permanence, seulement le changement éternel ». Sur la gauche, l’antifascisme s’est élevé à la proéminence au moment précis où le socialisme manque de permanence et de continuité, que ce soit en tant qu’idéal ou en tant que programme pratique. Dans leur stridente dénonciation émotionnelle et ritualiste des adversaires, les activistes antifascistes agissent comme un substitut d’idéologie de gauche cohérente. La même chose était vraie d’autres mouvements totalitaires, qui visaient à remplacer la gauche en faisant appel à des impulsions psychologiques plus fondamentales de peur, d’envie et de haine.
L’antifascisme partage avec son opposé présumé une croyance dans le nettoyage ou dans le pouvoir rédempteur de la violence. Ils partagent aussi une préoccupation obsessionnelle pour la race. De fait, on pourrait dire que des organisations comme « Searchlight » et l’Anti-Nazi League font même plus que le BNP pour garder vivante la conscience raciale. Le fascisme et l’antifascisme sont tous deux des mouvements absolument modernistes, intéressés par une étroite catégorisation et donc inadaptés à une époque postmoderne de complexité et de permutation. « Searchlight », par exemple, fut horrifié quand certains travailleurs des communautés hindoue et sikh refusèrent d’être classés comme « Asiatiques » aux cotés des musulmans. Voilà des minorités ethniques qui osaient défier les définitions du groupe de pression. En réalité, la violence et le nihilisme des activistes antifascistes sont éloignés à un point presque comique du conservatisme de la plupart des populations des minorités ethniques.
Il est facile et tentant, par moments, de rejeter l’antifascisme comme un intérêt marginal accessoire, sans importance pour nos vies et nos pensées. Cependant ses appels avec des larmes de crocodile sont d’une certaine manière plus efficaces que ceux de l’extrême-gauche plus traditionnelle. Les antifascistes affirment s’opposer à un mal politique. En faisant cela, ils évoquent les souvenirs de ce mal et les torts faits à des millions de nos compagnons humains. Beaucoup de gens de bonne volonté, par conséquent, ne parviennent pas à voir qu’ils sont manipulés. C’est pourquoi leurs dénonciations rituelles menacent d’envahir la vie publique. La définition subjectiviste d’un incident raciste dans le Rapport MacPherson – n’importe quel incident que la victime ou quelqu’un d’autre « perçoit » comme raciste – a toutes les caractéristiques totalitaires de l’antifascisme, et pourtant peu de gens osent le décrire comme totalitaire par peur d’être dénoncés comme « racistes ». De même, les tentatives des apparatchiks du New Labour pour dénicher des « informations » politiques sur les survivants de l’accident de chemin de fer de Paddington avaient tous les instincts sournois et pervers d’une campagne de « Searchlight ».
L’antifascisme, comme son précurseur totalitaire, est essentiellement anti-humain et misanthrope. Il méprise ses électeurs supposés tout autant que ses ennemis jurés, et a un intérêt direct à promouvoir le conflit racial. Quand nous reconnaîtrons que le totalitarisme et les antifascistes ne font qu’un, leur rhétorique de haine perdra son pouvoir.
Article publié dans « The Ecologist », juin 2001.
Aidan Rankin est rédacteur-adjoint du magazine « New European ». Il est l’auteur du livre : The Politics of the Forked Tongue: Authoritarian Liberalism [La politique de la langue fourchue : le libéralisme autoritaire], publié en 2002, qui montre comment le Politiquement Correct est utilisé pour imposer un pseudo-libéralisme autoritaire.
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Niveau 2 :: La Lettre « Les Nôtres »
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Niveau 3 :: Résistance Hors Serie
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