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Mardi, 30 Août 2005
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Le « développement » est-il bon pour le Tiers Monde ?
Vandana Shiva
Impérialisme :: Varia
Au long des années, des magazines comme The Economist ont promu l’idée que la croissance financière est le « développement » et que ce « développement » est bon pour le Tiers Monde. Cependant, cette sorte de croissance n’est pas du « développement », c’est bien plus souvent la destruction de l’environnement, des moyens de subsistance et de la culture des communautés du Tiers Monde.

Ce qui est qualifié aujourd’hui de « développement » est en réalité un « mal-développement ». Il est conçu et conduit par des forces externes pour le profit et la domination d’agents et d’acteurs externes. La Banque Mondiale génère trois dollars de profit pour les sociétés occidentales pour chaque dollar qu’elle prête au Tiers Monde pour le « développement ». Le « développement » permet à 500 milliards de dollars de sortir du Tiers Monde et d’aller dans le riche Occident sous forme d’intérêts et de paiements de dettes et de bas prix pour les produits du Tiers Monde, pendant que 50 milliards vont dans le sens opposé en tant qu’aide au développement.

Le « développement » est une supercherie à destination des peuples du Tiers Monde, en particulier les communautés rurales, pour leur dérober leurs ressources et leur richesse, et les laisser dépossédés et endettés. Alors que les gens du Tiers Monde sont supposés être « développés » par ce processus, ils sont au contraire déracinés et déplacés. Leurs ressources leur sont arrachées, les transformant en réfugiés du « développement ». Deux cent millions de gens ont été déplacés de force de leurs foyers, écosystèmes et cultures au nom du développement. Les tribus de la vallée de la Narmada en Inde, les peuples indigènes de l’Amazone et de Papouasie-Nouvelle-Guinée et les communautés côtières le long des 7.000 km de cotes de l’Inde ne voient pas les barrages géants, les super-autoroutes, les mines, les ports et l’aquaculture industrielle qui les déracinent comme du « développement ». Pour eux, ces activités ont un goût de désastre, et c’est pourquoi ils résistent.

L’un des plus sinistres développements commerciaux de la décennie passée a été la fusion de sociétés chimiques, pharmaceutiques, biotechnologiques et de semences pour créer ce qu’on appelle les corporations des « sciences de la vie ». Un nom plus exact aurait été « sciences de la mort », parce que ce sont les organisations qui produisent des semences génétiquement modifiées, tolérantes aux herbicides, qui rendent les fermiers dépendants des produits chimiques, qui détruisent la biodiversité et rendent l’agriculture plus vulnérable. Pour les fermiers, le passage des variétés de plantes nées de la pollinisation à des cultures hybrides et génétiquement modifiées et à des semences « terminator » stériles n’est pas un symbole de « développement » mais de dette, de dépendance et de dépossession. Pour les corporations des semences, obliger les fermiers à acheter des semences chaque année génère de plus grands marchés et une croissance plus rapide. Mais cet accroissement des profits commerciaux est basé sur la destruction de la nature et de son processus de renouveau et d’abondance, ainsi que sur une destruction des économies locales.

Cette destruction de l’économie de la nature et des économies des peuples n’est jamais prise en compte par les économistes modernes, et c’est pourquoi les processus qui mènent à la destruction écologique et à la pauvreté et à la dépossession pour des millions de gens sont présentés comme de la « croissance » dans les comptes nationaux et pour l’économie mondiale. Cependant, ce n’est pas de la croissance lorsqu’ils sont évalués du point de vue de la santé des écosystèmes et des sociétés. Cette pseudo-croissance artificielle camoufle la destruction qu’elle déchaîne sur la vie des communautés du Tiers Monde.

Un bon exemple d’une telle pseudo-croissance est l’agriculture du Tiers Monde. Le passage d’une politique agricole de « nourriture d’abord » à une politique agricole d’« exportation d’abord » en Inde est justifié pour des raisons de sécurité de l’alimentation, parce que les bénéfices des exportations sont supposés payer pour les importations de nourriture. En fait, l’agriculture orientée vers l’exportation a réduit la sécurité de l’alimentation en encourageant un passage de la production locale viable à petite échelle à la production industrielle non-viable. Elle apporte aussi des changements dans la possession des ressources naturelles et des moyens de production, qui passent des petits propriétaires/producteurs autonomes à des grands intérêts commerciaux. Les paysans sont déplacés de leurs fermes, pendant que les intérêts commerciaux s’emparent de la terre pour la production de produits d’exportation. Ces entreprises ont souvent un impact environnemental négatif, créant d’autres difficultés pour les communautés locales.

Les exportations de viande, de légumes, de crevettes et de fleurs, par exemple, ont des coûts qui excèdent souvent les bénéfices générés. Les exportations de viande à grande échelle ont un coût « masqué » qui est dix fois plus élevé que les bénéfices de l’exportation. Cela est dû à l’ancienne contribution écologique du bétail dans l’agriculture à petite échelle, aujourd’hui en déclin.

Particulièrement dans les pays en développement, le bétail n’est pas seulement de la viande sur pattes. Le bétail en Inde contribue à produire 17 millions de dollars de lait et 1,5 milliard de dollars de grain alimentaire ; il fournit aussi 17 millions de dollars d’énergie. Si les animaux sont tués, tous ces bénéfices sont perdus. Dans le cas d’un seul abattoir orienté vers l’exportation, les exportations de viande rapportaient 45 millions de dollars, alors que la contribution estimée des animaux tués à l’économie si on les avait laissés vivre aurait été de 230 millions.

Les économies multidimensionnelles et multifonctionnelles basées sur la mutualité sont systématiquement détruites par un modèle de développement qui est incapable de prendre en compte la diversité, la réciprocité, la complexité et la viabilité. Il est temps de poser les questions de base : la croissance de quoi ? Le développement pour qui ? Il est temps de dépasser les fictions et les illusions de la croissance économique qui détourne la richesse des pauvres vers les riches, et de prendre en compte la réalité des catastrophes écologiques et de la désintégration sociale qui ont été déchaînées par les processus de « développement » et qui rendent les pauvres plus pauvres.

En espérant que le nouveau millénaire apportera une nouvelle pensée économique basée sur les principes de l’inclusion plutôt que sur ceux de l’exclusion.

Article publié dans « The Ecologist », avril, 2000.

Vandana Shiva est née en Inde en 1952 ; c’est une des principales figures du mouvement anti-mondialiste. Physicienne, philosophe, écoféministe, elle a participé à de nombreuses luttes pour la préservation de l’environnement et a reçu plusieurs distinctions de l’UNESCO. En Inde, elle a créé le mouvement « Navdanya » pour la défense de la biodiversité et de l’agriculture traditionnelle.


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