presentation proposer convergences abonnmentsite abonnmentresistance soutien
 
actualite
blank
blank
Éditorial
Politique
Étranger
Tribune libre
theoriciens
Yockey
Thiriart
Douguine
Evola
Autres
histoire
France
Italie
Espagne
Amérique latine
Allemagne
Pays anglo-saxons
Europe de l'Est
Autres
imperialisme
Entretiens
Antiaméricanisme
Antisionisme
Varia
spiritualites
Alternatives religieuses
Tradition
Varia
liste
liste
detail
sites nc
snc
accueil
recherche
recherchez
avancee
Dimanche, 16 Février 2003
imprimer
mail
Dénoncer l'impérialisme
Robert Steuckers
Impérialisme :: Varia
Intervention de Robert Steuckers au colloque d'Espace Nouveau, Paris, 8
décembre 1990

Parler de l'impérialisme n'est pas une chose facile. Le sujet est très
vaste. Le mot recouvre plusieurs acceptions, son utilisation sert souvent
des objectifs très différents. De plus, il a été galvaudé, uti-lisé à trop
mauvais escient par l'idéologie soixante-huitarde, aujourd'hui en totale
déliquescence, considérée par ses secta-taires d'hier comme une sympathique
vieillerie.

Le Golfe: répétition
d'un vieux scénario

Pourtant, les événements actuels, en l'occurrence l'affaire du Golfe
Persique, le conflit irako-américain, remettent sur le tapis la question
irrésolue et refoulée de l'impérialisme. Le procédé utilisé par Bush contre
Saddam Hussein rappelle fu-rieusement, à ceux qui savent s'en souve-nir, la
question d'Orient qui a préoccupé l'Europe à la veille de la première guerre
mondiale. A cette époque, l'alliance entre l'Allemagne de Guillaume II et
l'Empire ottoman fondait une continuité territo-riale, géopolitique et
géostratégique d'Héligoland en Mer du Nord à l'embouchure de l'Euphrate sur
les rives du Golfe Per-sique. Cet état de choses était inaccep-table pour
les théoriciens de l'Empire bri-tannique, car pas une puis-sance, à leurs
yeux, ne pouvait occuper des points stra-tégiques importants dans l'Océan
Indien. La présence germano-turque dans le Golfe constituait une me-nace
pour les Indes, clef de voûte de l'Empire. Après avoir dépecé l'Empire
ot-toman vaincu en même temps que l'Allemagne et l'Autriche-Hon-grie, les
Bri-tanniques, animés par la mê-me logique, refusent l'unité arabe,
pour-tant promise à un Lawrence d'Arabie, favorisent l'implantation des
premières colonies sio-nistes en Palestine et créent en 1922 le Koweit à
l'embouchure de l'Eu-phrate, condamnant de la sorte le jeune Etat ira-kien à
dépendre de Londres pour le com-merce international. Dans l'optique
bri-tannique, aucun Etat ne pouvait pren-dre le relais de la Turquie
ottomane au fond du Golfe, fût-il une toute petite puis-sance comme l'Irak.

Cette vieille stratégie qui consiste à empê-cher un hinterland de bénéficier
des facili-tés de ses propres côtes avait déjà été ap-pliquée en Europe en
1648, lors des trai-tés de Westphalie: quand la Hollande est détachée du
Reich et contrôle les embou-chures du Rhin, de la Meuse et de l'Es-caut,
condamnant l'Allemagne à ne pas avoir de destin au-delà des mers. La Suède,
elle, occupe les embouchures de la Weser et de l'Elbe, et jugule ainsi toute
initiative qui prendrait le relais de la Han-se. Aujourd'hui, c'est
exactement, je le répète, la même logique qui est à l'|uvre: l'Irak, quasi
autonome sur le plan alimen-taire ‹ce qui est une grande victoire du régime
baathiste‹ disposant de res-sour-ces importantes en matières pre-mières,
essentiellement du pétrole, était obligé de passer sous toutes les formes de
fourches caudines que lui imposait le Ko-weit, cette création artificielle
des bu-reaux londoniens. Les 17 millions d'Irakiens étaient obligé de payer
un tri-but constant aux 100.000 Koweitiens, tous, en leur per-sonne, relais
des grands trusts britan-ni-ques exploitant le pétrole. Des relais qui, de
surcroît, investissaient toutes leurs plus-values à Londres ou à New York,
ôtant ainsi à leur propre peuple des ca-pitaux qui auraient pu servir à des
tra-vaux d'irrigation à grande échelle, à la création d'universités et
d'écoles techniques, à donner un travail valorisant au surplus démographique
arabe, ce qui au-rait permis d'ordonner et de normer les flux migratoires.

Cette logique complexe, à vitesses mul-tiples, avec ses facettes
géostratégique, fi-nancière, militaire, cette logique que l'on a nommé
"impérialiste", est précisément cette logique qui favorise le parasitisme à
grande échelle, le parasitisme des petits rentiers oisifs qui vivaient des
dividendes de l'Empire hier, et qui vivent aujourd'hui des dividendes du
Tiers-Monde ou des ca-pitaux koweitiens ou saoudiens, investis dans les
banques occidentales.

Définir et dénoncer l'impérialisme

Car l'impérialisme n'est pas le colo-nia-lis-me qui, étymologiquement,
signifie défri-chage de terres vierges ou ren-tabilisation de terres arides.
Le colonia-lisme peut être intérieur, non agressif, comme pendant l'ère
agronomique en France au 19ième siècle, dans les zones sablonneuses et les
landes d'Allemagne du Nord, dans les polders hollandais gagnés sur la mer,
etc. Car l'impérialisme ne pro-cède pas d'une conscience identitaire
nationale; ses manifestations se qualifient par un mot que l'on a oublié
aujourd'hui mais que les polémistes du début de notre siècle n'hé-sitaient
jamais à employer: le jingoïsme. Un mélange de clinquant, de tintamare
triomphaliste et de sadisme. C'est la clo-chette folklorique pour justifier
le mas-sacre d'indigènes récalcitrants dans des colonies lointaines, des
indigènes qui par leur existence même pourraient faire diminuer les
dividendes. Pensez: ils doi-vent se nourir, les bougres... Ça coûte cher...
Ça fait chuter les cours en bourse... Qu'on se rapelle les Cipayes ou les
Mahdistes ou les Boers... Ou les Irakiens qui réclament une côte-part aux
sheiks du Koweit pour avoir payé le lourd impôt du sang pendant la guerre
qui les opposait à l'Iran.

Jingoïstes sont les déclamations ron-flan-tes de la propagande américaine.
Comme étaient jingoïstes les manchettes des feuil-les londoniennes quand les
sol-dats kakhis parquaient les femmes et les enfants boers dans des mouroirs
sinistres entou-rés de barbelés qu'on n'appelait pas en-core camps de
concentration... L'objet de ce crime: les mines d'or du Transvaal; l'objet
du blocus du Golfe: le pétrole de Mos-soul.

Le jingoïsme, ersatz impérialiste du réflexe identitaire

Le jingoïsme, écrivait un polémiste bri-tannique du nom de Hobson en 1902,
"c'est uniquement la convoitise non enno-blie par un effort, un risque ou un
sacrifice personnel quelconque, du spectateur qui se délecte des dangers,
des souffrances et de l'extermination de ses frères, qu'il ne connait pas,
mais dont il souhaite ardem-ment l'anéantissement, dans un accès de haine et
de vengeance aveugle et artificiel-lement provoqué. Le jingoïste est
entière-ment absorbé par le risque et la colère aveugle de la lutte. La
difficulté et la mo-notonie pesante d'une marche, les longues périodes
d'attente, les dures privations, l'accablement d'une longue campagne, ne
jouent aucun rôle dans son imagination; les moments qui ennoblissent la
guerre, le beau sentiment de la camaraderie que dé-veloppe le danger commun,
les fruits de la discipline et de l'abnégation, le respect de la personne de
l'ennemi dont on doit re-connaître le courage, et dans lequel on re-connaît
peu à peu un homme, son sem-blable, tous ces moments qui atténuent la
réalité de la guerre, sont des sentiments absolument inaccessibles au
jingoïste.... Il est tout à fait évident que la volonté du jingoïste
spectateur est un facteur très sé-rieux de l'impérialisme. La fausse
drama-tisation tant de la guerre que de toute la politique d'expansion
impérialiste en vue de développer cette passion dans les larges masses
occupe une place importante dans l'art des véritables organisateurs des
ex-ploits impérialistes: les petits groupes d'hommes d'affaire et d'hommes
politiques qui savent ce qu'ils veulent et comment l'obtenir. Aveuglé par
l'auréole vraie ou fausse de l'héroïsme militaire et les bril-lantes
prétentions à l'édification d'em-pires, le jingoïsme devient l'âme d'un
patriotisme particulier que l'on peut pous-ser à n'importe quelle folie ou à
n'importe quel crime". Voilà ce que nous disait Hob-son en 1902 et que
Lénine a consigné soi-gneusement dans ses cahiers sur l'im-périalisme
(Cahier "kappa").

La conjonction de la pratique impérialiste et de l'hystérie jingoïste
prépare l'ère du parasitisme généralisé. Citons une nou-velle fois Hobson
via Lénine: "Une grande partie de l'Europe occidentale pourrait alors
prendre l'apparence et le caractère qu'ont maintenant certaines parties des
pays qui la composent: le Sud de l'An-gleterre, la Riviera, les régions
d'Italie et de Suisse les plus fréquentées des tou-ristes et peuplées de
gens riches: à savoir une poignée de riches aristocrates recevant des
dividendes et des pensions du lointain Orient, à laquelle viennent s'ajouter
un groupe de plus en plus nombreux d'em-ployés professionnels et de
commer-çants et un nombre plus importants de domesti-ques et d'ouvriers
occupés dans les transports et dans l'industrie travaillant à la finition
des produits manufacturés. Quant aux principales branches de l'in-dustrie,
elles disparaîtraient et la grande masse des produits alimentaires et
semi-ouvrés affluerait d'Asie et d'Afrique com-me un tribut". Paroles
prophétiques... à l'heure où l'Europe ne jouit pas d'une pleine indépendance
alimentaire et où un grand nombre d'objet de consommation nous viennent de
Taïwan, de Singapour ou de Chine.

Nous retrouvons une analyse similaire dans une étude récente, sur
l'impérialisme français cette fois, due à la plume de J. Marseille. Ce
professeur contemporain, à la suite d'une étude minutieuse des chif-fres,
démontre que l'aventure impéria-liste française a été un frein à l'essor, au
dé-veloppement et à la modernisation du ca-pitalisme français métropolitain.
En d'au-tres termes, si la France a aujourd'hui plus de problèmes que
l'Allemagne dans le jeu de la concurrence internationale, c'est parce
qu'elle a trop investi dans son em-pire jadis et n'a pas misé, à l'instar de
sa voisine germanique, sur les énergies na-tionales autochtones. Pour J.
Marseille, au contraire, la décolonisation, dans les années soixante,
favorise l'éclosion d'une industrie française parfaitement apte à la
concurrence. L'historien conservateur bri-tannique Paul Johnson parle, pour
sa part, d'hybris et de nemesis quand il évo-que le lent déclin de l'empire
britannique, tout en citant Bismarck qui a eu cette parole tranchée: "Les
colonies n'ont pas plus d'utilité pour nous qu'une four-rure pour un comte
polonais qui n'a pas de chemise". Johnson rappelle également les ravages de
la révolution industrielle en Grande-Bretagne: les masses paysannes
écossaises et irlandaises ont été con-train-tes de travailler dans les
indus-tries ou d'émigrer en Amérique ou en Aus-tralie. La Grande-Bretagne
perdait de la sorte son paysannat, socle de la nation. A la même époque, les
castes dirigeantes al-lemandes imposent des tarifs douaniers pour protéger
le paysannat afin qu'il ne soit pas contraint de partir en Amérique:
"l'agriculture doit nous fournir des soldats et l'industrie doit payer pour
qu'il en soit ainsi". Cet axiome de la politique alle-mande, partagé par les
autres grandes puissances européennes, demeure la base de la politique
agricole de la CEE: préser-ver une paysannerie européenne par de lourds
prélèvements dans les secteurs industriel et des services. Le regard que
nous venons de jeter sur l'histoire permet de comprendre la logique des
négociations scabreuses du GATT qui viennent de se dérouler à Bruxelles,
dont l'enjeu n'est rien moins que la subsistance économique de 50% du
paysannat européen, soit 2,5 millions de familles.

L'impérialisme: une logique de fuite et une logique parasitaire

L'impérialisme est une logique qui privi-légie les profits immédiats au
détriment des investissements à long terme. Il est une logique de l'argent
facile, de la jouis-sance hédoniste non une logique de travail et de
discipline intérieure. L'Empire bri-tannique s'est effondré, nous explique
John-son, et l'Angleterre est devenue un pays pauvre parce que ses élites
ont été ob-nubilées par la vie facile du rentier, de celui qui manipule
habilement les tech-niques boursières, obnubilés par le clin-quant des
aventures militaires impériales, par le jingoïsme, par les discussions sans
objet des parlements de Westminster au lieu de s'investir dans les sciences
et les techniques, la chimie ou la construction de machines, à la mode
allemande, et de ra-tionaliser ainsi les processus de produc-tion.
Conclusion: la logique de l'impéria-lisme est une logique de fuite de-vant
les réalités.

Logique de fuite qu'un des plus grand livre de la décennie 80 a bien mis en
exergue. Je veux parler de l'ouvrage du professeur Paul Kennedy, The Rise
and Fall of the Great Powers, digne héritier du célèbre Déclin de l'Occident
d'Oswald Spengler. Kennedy souligne le danger de l'"imperial overstretch",
de la surtension impériale, qui fait que la dispersion ubi-quitaire de la
puissance d'une nation sur l'ensemble de la planète, provoque à mo-yen ou
long terme des déséquilibres bud-gétaires terriblement fragilisants, si bien
que l'empire d'hier n'est plus qu'un grin-galet aujourd'hui. Analyse qui
s'applique tant à l'Empire britannique qu'au réseau impérialiste américain
de notre après-guerre.

Or, Roosevelt avait annoncé avec fracas que le XXième siècle serait le
"siècle amé-ricain", en fait un siècle dominé par une idéologie où se mêlent
impérialisme éco-nomique, messianisme laïque, universa-lisme (one-worldisme)
et jingoïsme. La justification morale de cet impérialisme offensif, de type
nouveau, réside dans l'ab-solue certitude que l'Amérique, et l'Amé-rique
seule, est l'incarnation du bien en ce monde. Pour l'Administration
Roosevelt, les institutions américaines doi-vent être exportées partout dans
le monde, afin de l'éclairer, sans, bien sûr, que l'on prenne la peine de
voir si cette transposition peut ou non fonctionner dans n'importe quel
contexte. Avec l'instrument du dollar, l'Amérique doit unifier le monde,
s'atta-cher le monde comme un appendice: tel était l'objectif du Plan
Marshall. Quant aux récalcitrants, qui refuseraient cette béatitude, le feu
de l'enfer doit les frapper: sous l'aspect des bombes au phosphore de
Hambourg ou de Dresde, du feu atomique d'Hiroshima ou de Nagasaki, du napalm
et des défoliants du Vietnam, des tapis de bombe de Pa-nama, et des foudres
dont on menace actuellement Saddam Hussein.

Selon l'un des pères fondateurs de la so-ciologie moderne, le
Leutnant-Feldmar-schall autrichien Gustav Ratzenhofer, la barbarie se
distingue par une consomma-tion effrenée qui engloutit plus qu'elle ne
produit; la civilisation, elle, se mesure au fait que la production dépasse
toujours la consommation, par respect pour la Terre-mère et par souci de
construire quelque chose de durable pour les générations fu-tures. La
société américaine présente tous les symptômes de la barbarie selon
Rat-zenhofer. La folie du crédit, la spirale des intérêts qui en découle, le
gaspillage éhon-té des ressources et des énergies, mon-trent bien qu'il y a
hypertrophie de la con-sommation dans la société américaine, donc
déséquilibre permanent donc barba-rie.

Le Regnum
grand-européen à bâtir

Cette absence d'éthique de la responsabi-lité, de souci du salut public,
montre que l'impérialisme, sous toutes ses formes, est radicalement
antinomique par rapport à notre idée impériale. Pour nous, quand nous
utilisons le terme "empire" dans un sens positif, nous nous référons au
Reich médiéval, au Regnum |kuménique euro-péen ou, plutôt, aux théories
modernes qui en récapitulent l'esprit, comme celles d'un Constantin Frantz
au XIXième siècle ou celles, audacieuses et contemporaines d'un Reinhold
Oberlercher.

Notre notion d'empire n'est pas inspiré de la Rome impériale déjà décadente,
où les provinces étaient livrées à des proconsuls pillards, alors que la
Rome républicaine reste une source vive d'inspiration pour toute la pensée
politique européenne. No-tre notion d'empire ne s'inspire pas de l'aventure
napoléonienne, car, dans le sil-lage de la Grande Armée, s'instaure en
Europe un droit révolutionnaire bourgeois et individualiste, hostile aux
corporations et à toutes les formes d'associations pro-fessionnelles,
d'enracinement local et éco-nomique. Notre notion d'empire ne s'ins-pire pas
non plus du modèle britan-nique, car celui-ci est économiquement
exploi-tateur et favorise le parasitisme de petits rentiers improductifs. Et
quand nous par-lons d'empire, nous n'évoquons pas, bien sûr, j'ai été assez
explicite à ce sujet, le modèle politique américain que Raymond Aron
appelait la "république impériale".

L'Europe, si elle veut survivre, est appelée à devenir un bloc soudé par le
destin, comme Carl Schmitt et Karl Haushofer l'avaient prédit: un grand
espace soustrait à toutes les ingérences extérieures et, en même temps, un
grand espace qui s'abs-tient, dans la mesure du possible, de s'im-miscer
dans les affaires des autres grands espaces de la planète. Exactement dans
le sens de la véritable Doctrine de Monroe, élaborée pour un espace donné,
rigoureusement circonscrit par la géogra-phie. Effectivement, la Doctrine de
Monroe n'a pas été conçue pour être étendue au monde entier, comme l'ont
fait, par étapes successives, les présidents améri-cains Théodore Roosevelt,
Wilson et Franklin Delano Roosevelt. En se reven-diquant de la Doctrine de
Monroe, nous explique Carl Schmitt, ces trois présidents se récla-maient
d'une thèse précise, énon-cée au départ pour un espace donné, mais
l'ap-pliquaient tous azimuts, sans aucune restriction d'ordre géographique,
ce qui est une contradiction majeure et une in-conséquence. Contradiction et
inconsé-quen-ce sur lesquelles reposent la puis-sance américaine dans le
monde depuis 1917. En pratique, ce monopole de pro-clamer des doctrines de
non-ingérence doit être réservé aux Etats-Unis; personne ne peut intervenir
en Amérique mais l'Amérique peut intervenir partout. Tel est le sens de la
fameuse Doctrine de Stimson, proclamée en 1932, qui affirme que les
Etats-Unis seuls sont en droit de reconnaître ou de ne pas reconnaître telle
ou telle modification de frontière dans le monde. Et nous voilà revenu à
l'affaire irako-koweitienne... Et aux pourparlers du GATT à Bruxelles, où
les Etats-Unis tentent par forcing d'imposer leur vision de l'organisation
agricole du globe.

Le Grand Espace doit relayer l'Etat-Nation

Le danger que recèle l'interventionnisme tous azimuts des Etats-Unis et leur
vo-lonté de dicter les conditions économiques de toutes les régions du
globe, rend impé-rieuse, aujourd'hui, une réflexion sur les notions
schmittiennes et haushofériennes du Grand Espace, du Regnum européen,
préfiguration d'une alternative planétaire au one-worldisme en vogue depuis
Roose-velt. Le Grand Espace est l'instance qui doit englober et dépasser
l'Etat-Nation issu de la Révolution Française. Son avè-nement, en Europe et
en Extrême-Orient, a été retardé par la victoire américaine de 1945. Mais
malgré ce retard, sa pertinence n'en est pas pour autant caduque.

Au sein du Regnum, les nations, les na-tionalités, les ethnies, les
identités, les pa-tries charnelles sont à la fois préservées, dépassées et
englobées. Le Regnum grand-européen ne pourra pas imiter le Regnum
soviétique aujourd'hui en pleine liquéfaction: ce Regnum soviétique ‹mê-me
si, sur le papier, il prévoyait le res-pect de toutes les différences‹ est
resté un cocktail explosif de peuples unis de force, par une idéologie
communiste peu séduisante. Le Regnum doit rassembler des na-tions ou des
nationalités, soit des sujets réels et non formels du droit des gens, dans
un projet commun, appuyé par un modèle constitutionnel précis, conju-gant
l'idée gaullienne d'un parlementa-risme à vitesses multiples, avec les
partis, les pro-fessions et les régions, à l'idée fédé-rale suis-se et
allemande, laissant aux Länder ou aux cantons une large autono-mie en
diverses matières. Sans oublier une charte sociale prévoyant la
participa-tion et l'intéressement. L'Europe avance certes vers une
"dévolution" générale: en Es-pagne, en Tchécoslovaquie, en Bel-gique, en
Allemagne, en Grande-Bre-tagne, les instances de l'Etat central délè-guent
aux régions une partie de leurs an-ciens pou-voirs, selon le principe dit de
subsidiarité, c'est-à-dire tout ce qui peut être dévolu, doit être dévolu.
Mais est-ce suffisant? Quel rôle devons-nous jouer, nous les inclassables,
dans la foulée de cette ten-dance? Notre rôle est de ne pas laisser cette
dévolution s'opérer sans ré-forme de la représentation et sans volet social
d'ins-piration participationniste. Notre rôle est de traquer sans relâche
l'influence néfaste des vieilles idées ver-moulues qu'ont in-jectées les
partis idéolo-gico-centrés dans le tissu social.

Asseoir cette notion saine, populiste, an-crée, enracinée, du Regnum, c'est
favori-ser le retour du réel, de la concrétude, du charnel dans l'arène
politique, dans les res publicae, et barrer plus sûrement la route aux
ingérences de toutes natures portées par des projets irréels et
irréalisables, qui, comme par hasard, sont tous d'inspiration
universalistes, comme l'impérialisme amé-ri-cain, qui sont tous sans
ancrage, comme les bénéficiaires de dividendes de la vieille Angleterre
impériale.

En conclusion, je vous invite à lutter con-tre les discours médiatiques qui
em-bra-yent systématiquement sur la propa-gande jingoïste venue de
Washington, ca-pitale d'un pays en faillite et qui n'a, par consé-quence,
plus aucune leçon à nous donner. Je vous invite à compléter les in-évitables
dévolutions européennes par des program-mes sociaux participationnistes, en
re-ven-diquant sans cesse une réforme des par-lements dans le sens gaullien,
en enga-geant un Kulturkampf sans com-promis contre les reliquats des
vieilles pensées et des vieilles pratiques parti-sanes. Ce qui trébuche, il
faut l'abattre, disait Nietzsche en évoquant les vieux édi-fices
philoso-phiques qui ne pouvaient plus prendre le réel à bras le corps. A
l'aube du XXIième siècle, c'est, je crois, une citation qu'il convient de
méditer.
Je vous remercie.

Robert STEUCKERS,
Forest, 6 et 7 décembre 1990.
0
depeches
Tuer Ahmadinejad 24/11/08
Vendeurs de mort 23/11/08
Parti "national" 13/11/08
abonnes
v07 | n51
Naissance d’un nouveau cycle géopolitique. La planète se libère de l’Oncle Sam
septembre-octobre 2008
Niveau 2 :: La Lettre « Les Nôtres »
Niveau 3 :: Résistance Hors Serie
blank
faire un don
rss flux rss
blank
 
 
© 2002–07 :: v2.0
derniers documents
L'Europe et le nomos :: 11/11/08
Le nouvel idéologue en chef de Moscou : Ivan Demidov :: 6/11/08
Les vainqueurs :: 12/10/08
Anatomie de la décadence :: 12/10/08
La crise financière de l'automne 2008 :: 12/10/08