contact presentation soutien proposer article contact
transp
 
actualite
blank
blank
Éditorial
Politique
Étranger
Tribune libre
theoriciens
Yockey
Thiriart
Douguine
Evola
Autres
histoire
France
Italie
Espagne
Amérique latine
Allemagne
Pays anglo-saxons
Europe de l'Est
Autres
imperialisme
Entretiens
Antiaméricanisme
Antisionisme
Varia
spiritualites
Alternatives religieuses
Tradition
Varia
liste
liste
detail
sites nc
snc
accueil
recherche
recherchez
avancee
Jeudi, 12 Avril 2012
imprimer
mail
La révolution possible
Claude Bourrinet
Théoriciens :: Autres
La révolution possible
La fin de tout être est la prise de son destin et son accomplissement. Le premier acte libre est de se défaire d’une quincaillerie discursive qui voile la crudité du monde. Il faut, ensuite, hiérarchiser les valeurs, et s’arrimer à celles qui sont supérieures, comme à des vaisseaux de haute mer.

Plusieurs dangers d’égarement guettent les individus ou les communautés en quête de liberté. Pour parvenir au plein exercice de sa puissance d’exister, en quoi consiste la finalité de toute présence au monde, il est nécessaire de discerner quels sont les poisons qui affaiblissent la volonté et l’action.

Le premier est une fausse opinion de soi-même. On s’aperçoit alors que cette perception erronée est entretenue par une analyse superficielle de ce qu’est l’homme, et de ce qu’il doit être. La règle qui prévaut, en effet, et à juste raison, dans la société, est que l’on doit produire des bienfaits, et entretenir des relations avec autrui sur la base d’un plaisir mutuel. Et comme il est rare de se reconnaître véritablement méchant, asocial et nuisible, communément se perçoit-on comme bon, juste et globalement positif. Quitte à rejeter sur les autres, individus, sociétés ou nations, la cause des dysfonctionnements. La mauvaise foi conduit donc au mensonge et à une incapacité à agir concrètement. On s’intoxique avec des vocables empreints d’affectivité, de pathos et de sentimentalité, quitte à les prendre pour la réalité. Si bien qu’on répand non seulement le ressentiment et la culpabilité, mais aussi on manque la cible. Croire que l’homme est bon par nature, que ses droits sont l’alpha et l’oméga de toute organisation de son espace relationnel, que l’univers politique est mû par la bonne volonté est se condamner à être soit une dupe, soit un escroc. Car qui se frotte à la nue vérité du monde sait, sous peine d’en être exclu rapidement, à quoi s’en tenir. La première règle, donc, qui doit nous attacher à un vaisseau de haute mer, est de prendre la mesure des choses, de leur aspérité, de leur opacité, de leur cruauté. La loi dominante de la terre est la pesanteur, la chute sur le sol rude, puis le combat, le rapport de force, enfin la victoire ou la mort, victoire sur autrui, ou sur soi-même. Depuis l’aube des temps, la guerre est la maîtresse de tout ce qui existe, et il vaut mieux s’aguerrir, blinder sa volonté et sa résistance, se mouvoir dans la vie avec la claire conscience qu’on aura à se battre, sous peine d’esclavage.

Le deuxième poison est la facilité. L’époque contemporaine, qui a mis à la portée de tous l’utopie matérielle, a laissé croire qu’il suffit de tendre la main, de s’endetter, d’acheter, de voler même, pour être heureux. Jadis, le paradis devait se gagner, et le croyant le méritait par des pénitences, des chemins de croix et des confessions douloureuses. Le catholicisme était comme un navire à haute proue qui fendait une mer ténébreuse en quête d’un port espéré mais dont l’accès n’était pas aisé. La conséquence d’une vision hédoniste de la vie a été l’abandon de l’effort existentiel pour parvenir à sauver quelque chose de la mort. On s’est résigné modestement à la finitude humaine, le marchand offre avec humilité de quoi satisfaire les besoins animaux, et l’on n’a guère d’autre ambition, généralement, de gérer de façon optimale la promiscuité générée par l’inévitable vie grégaire. La grasse prairie verdoyante où paissent les troupeaux s’est substituée dans l’imaginaire des peuples aux âpres pics quasi inaccessibles des rêves héroïques et brutaux. Une atmosphère sirupeuse, sucrée, new age, a enveloppé les aspirations à la vie libre, et l’horizon s’est rayé des barreaux multicolores d’un vaste zoo assumé, désiré et chéri. Or, il existe un empâtement de l’âme comme il est une obésité du corps. La pâture est un stupéfiant, même quand l’herbe est jaune ou peu abondante. L’esprit est gonflé d’un songe pesant, indigeste, qui rend malade, sournois, mélancolique. A brouter, on a la tête dirigée perpétuellement vers le bas, on circule à petits pas, et l’on dispute avec d’autres bovidés le petit pré carré dont on se croit propriétaire. Or, le ciel est notre patrie, parce qu’il est en haut, au-dessus, et que la verticalité est le signe de la dignité. Il est aussi le symbole de l’impossible, et c’est ce que l’homme doit chérir, comme les immensités, celle de la mer, celle de son âme, celle de sa liberté. A choisir entre le plus facile et le plus difficile, choisis le second, car cette voie élève, fortifie, enseigne et vaut mieux que l’abject et immoral abandon à la récréantise, au vil plaisir d’épandre ses chairs sur le lit moelleux du vide. Opter pour la difficulté, c’est chercher le vent portant.

Le troisième poison est de croire s’appartenir. Non qu’on ne soit responsable de ce que le sort, Dieu ou la nature ont mis à jour, c’est-à-dire notre corps, notre esprit et notre âme, mais qu’est-on ? Le paradoxe le plus étrange de toute existence, c’est l’engagement absolu de tout être dans chaque atome de sa présence au monde, et, simultanément, son caractère dérisoire par rapport à l’éternité et à l’infini de l’univers. Qu’une fourmi périsse, emportée par le siphon de l’eau dans un évier, et rien ne se trouve dérangé à la surface du vaste et impassible fleuve du temps. Ainsi sommes-nous des fourmis, et nos traces seront oubliées demain. Le système esclavagiste a tout intérêt à ce que l’esclave éprouve pour sa vie caduque un amour immodéré, et considère ses chaînes comme des garants de sa préservation. Or, que sommes-nous vraiment, sinon ce qui nous dépasse et nous rend plus grands, plus intéressants, plus libres ? Notre être est né quelque part, parmi d’autres êtres eux-mêmes issus de lieux frappés d’originalité et de caractères. Nos parents étaient là, lestés de toute l’histoire qui en avait fait des individus singuliers, parlant une langue qui nous a formé la bouche avec l’esprit, le goût et l’intelligence, et qui nous traverse comme une lumière donnant couleurs à un vitrail, et nous avons frotté notre personnalité contre les parois d’un labyrinthe, qu’on appelle existence, dont on perçoit peu à peu la logique, la configuration, et qui, quand on est assez mûr pour s’en apercevoir, est devenu une bâtisse, une demeure, une collectivité, une nation, une civilisation. Que sommes-nous ? Qui sommes-nous ? La vraie liberté est la conscience de ce qui nous a fait. La quête de l’origine, l’interrogation sans préjugés, une fois que l’enfant s’est mué en adulte, l’impérieuse honnêteté dans la recherche de l’archê, du fondement, doivent nous hanter, nous orienter toute notre vie. L’homme est fait pour une grande aventure, et nos racines se trouvent enfouies dans la profondeur des siècles. Le grand vent impétueux, intrépide, doit fouetter la voile, et nous guider vers la découverte de ce que l’on est de toute éternité, ce qui est la définition du destin.

Enfin, le dernier poison est l’absence de cohérence. Le scepticisme, le pyrrhonisme, qui sont, il est vrai, des vertus, quand il s’agit de s’extraire de l’erreur, paralysent néanmoins, et vident les cœurs de toute volonté, pour en faire des girouettes velléitaires, ou d’amers comptables des imperfections humaines. Une fois que l’on a saisi en soi des nécessités, l’expression de la liberté est de s’y plier. On ne peut pas être à moitié. Chaque geste nous engage. Il n’est pas anodin de manger tel mets, de regarder tel spectacle, de fréquenter telles personnes, d’écouter telle musique, de consommer telles marchandises. Dès lors que le devoir est fixé et clair, il faut avoir l’âme assez haute pour s’y plier sans regimber, sans mettre en avant son plaisir, son intérêt et tous les sophismes de la terre. Etre père, mère, époux, citoyen, soldat, sage, pieux, amant, ouvrier, patron etc., ce n’est pas se laisser conduire par le courant, comme des corps morts, ce n’est pas s’abandonner à la contingence, mais c’est aller à l’essentiel, s’octroyer la chance d’être réellement, d’être dans le vrai. Dès que l’on a choisi la nécessité pour laquelle on est venu au monde, que l’on soit prêtre, guerrier ou travailleur, contemplatif ou actif, il faut s’y donner loyalement, généreusement, énergiquement, sans barguigner, sans arrière-pensée.

Ainsi les individus comme les peuples peuvent-ils se sauver, ainsi la révolution, c’est-à-dire le retour sur ce que l’on est vraiment, peut-elle avoir lieu, peut-elle s’inscrire dans un lieu du monde.
0
depeches
blank
faire un don
rss flux rss
blank
 
 
© 2002–09 :: v2.0
derniers documents
Au sujet d'un ouvrage faisant l'objet d'un entretien concernant le paganisme :: 24/06/13
L'engagement politique radical dans la littérature et le théâtre. :: 19/06/13
Quand les socialistes défendaient le peuple… :: 18/06/13
La notion de « personnalité différenciée » :: 16/06/13
Non à l’hégémonie de l’anglais d’aéroport ! :: 28/05/13