Le secret de la popularité du leader du Hezbollah
La cote de popularité du leader du mouvement chiite libanais Hezbollah, cheikh Hassan Nasrallah, monte de jour en jour.
Par exemple, en Mauritanie, dans le nord-ouest de l'Afrique, sa popularité est bel et bien inédite. Comme le rapporte le quotidien "Al-Quds Al-Arabi, le nom de Nasrallah y est donné de plus en plus souvent à des nouveau-nés, on voit les portraits du cheikh dans toutes les rues de Nouakchott - la capitale - et les photos du leader du Hezbollah s'y vendent pratiquement à tous les carrefours.
Nombreux sont les Mauritaniens qui sont sincèrement persuadés que Hassan Nasrallah est même mentionné dans le Coran sacré. Pour l'attester, l'imam de l'une des mosquées de Nouakchott, Sidi Salem uld Cheikh, cite les mots de la 110ème sourate (verset) du Coran qui commence par: "Si la victoire d'Allah vient". La "victoire d'Allah" se prononce en arabe comme "nasr Allah". "N'avez-vous pas entendu "si la victoire d'Allah vient"? Et voilà que cette victoire est venue. C'est Hassan Nasrallah", déclare l'imam.
"Les Palestiniens qualifient le leader du mouvement Hezbollah, Nasrallah, de héros de la lutte contre Israël", a titré samedi dernier le "Houston Chronicle". Après la prière de vendredi dans l'une des mosquées centrales de Ramallah, des centaines de personnes y sont descendues dans les rues, brandissant des portraits de Nasrallah. Une nouvelle chanson a été spécialement composée en son honneur. "Nasrallah, nous sommes avec toi", scandaient les manifestants, faisant écho au tube enregistré sur une bande magnétique. "Nasrallah, nous sommes tes soldats. Hezbollah bien aimé, écrase Tel-Aviv", chantaient les Palestiniens exaltés.
Et que dire du Liban, pays "natal" du Hezbollah? Environ 70% des Libanais justifient l'enlèvement de soldats israéliens le 12 juillet dernier, indique l'agence "Bloomberg". Le conflit libano-israélien a déjà coûté la vie à 400 Libanais, alors qu'environ 800.000 citoyens du Liban sont devenus réfugiés. Quoi qu'il en soit, les Libanais n'accusent de rien Hassan Nasrallah.
Nagla, mère de quatre fils, parle avec fierté de ses enfants qui sont restés au Sud-Liban. "Ils sont tous du Hezbollah, dit-elle. Et ils vont combattre jusqu'au bout contre l'Amérique et Israël. Je ne crains pas qu'ils périssent. S'ils périssent, ils deviendront "shahids" et se retrouveront directement au paradis. Et s'il le faut, je mettrai d'autres enfants au monde. Je suis encore jeune. Si le Cheikh Nasrallah le dit, je serai prête à tout et même à lui donner mes propres fils", affirme-t-elle, citée par l'édition russe de "Newsweek".
"Et que voulez-vous?, demande, interloquée, Hanna Anbar, éditrice du quotidien anglophone libanais "Daily Star", dont la rédaction se situe à Gemmayze, le quartier chrétien de Beyrouth. Même les chrétiens, s'ils ne soutiennent pas directement le Hezbollah, le respectent au moins car ils sont persuadés que c'est justement le Hezbollah qui avait chassé les Israéliens du Liban (en 2000). Le gouvernement ne peut rien faire, alors que le Hezbollah résiste quand même".
"Mon peuple ne trahira jamais le cheikh Nasrallah", a déclaré dans une interview au journal "Al-Shark Al-Awsat" le président libanais, Emile Lahoud. Très peu nombreux sont aujourd'hui ceux au Liban qui se permettent de critiquer Hassan Nasrallah. Du moins à haute voix, en public. Cela est considéré comme indécent au moment où des avions israéliens larguent des bombes sur le quartier chiite de Beyrouth et détruisent l'infrastructure libanaise.
Mais qu'est-qui distingue donc Hassan Nasrallah d'autres politiques arabes en général, et libanais en particulier? Le fait qu'il a gagné la guerre contre Israël. Qui plus est, dans cette guerre, il a perdu l'un de ses fils. Cela lui donne un poids politique dont les autres leaders arabes sont privés.
Hadi, fils aîné des quatre enfants de Hassan Nasrallah de sa femme Fatima, avait été tué le 12 septembre 1997 lors d'un accrochage avec des soldats israéliens de l'unité d'élite "Egoz" des forces spéciales. Ignorant l'identité de leur victime, les Israéliens en avaient emporté le corps dans l'espoir de pouvoir l'échanger contre celui de leur compatriote, tué une semaine avant. Hassan Nasrallah avait alors refusé de négocier sur le retour du corps de son fils sans le distinguer des autres combattants tombés sur le champ de bataille pour un but sacré.
A signaler que le leader du Hezbollah a mérité sa réputation d'homme modeste. Ainsi, il a ordonné d'enlever tous ses portraits dans les quartiers sud de Beyrouth pour les remplacer par ceux qui étaient tombés sur les champs de bataille.
Fiche technique: Le Hezbollah est un mouvement islamiste chiite à tendance radicale au Liban. Le nom du mouvement se traduit littéralement de l'arabe comme le "Parti d'Allah" (terme coranique, antipode du "Parti de Satan", c'est-à-dire des ennemis de l'islam). Selon la classification du département d'Etat américain, le Hezbollah figure sur la liste des organisations terroristes les plus dangereuses.
Le Hezbollah est né au début des années 80, en tant que cercle d'étude de l'expérience de la révolution iranienne. L'idéologie de cette organisation est une sorte d'amalgame du fondamentalisme islamique et des idées socialistes. Sous sa forme actuelle, le mouvement Hezbollah existe depuis 1982, c'est-à-dire depuis l'invasion israélienne du Liban. A l'époque, le Hezbollah a associé les groupes et organisations chiites qui partageaient les idées de l'ayatollah Khomeiny, leader de la révolution iranienne. Il s'agissait avant tout de son intransigeance face au "régime sioniste" (Israël) et de sa ferme volonté de mener contre l'Etat hébreu une lutte armée jusqu'à la "complète libération de la Palestine".
Depuis 1992, le Hezbollah est dirigé par son secrétaire général, cheikh Hassan Nasrallah. A son arrivée au pouvoir, le Hezbollah s'est mis à opérer dans deux directions. Au Sud-Liban, le mouvement a constitué la force majeure menant une lutte armée contre Israël. Sur la scène politique à l'intérieur même du Liban, le Hezbollah s'est transformé en une sorte de système existant parallèlement au régime libanais officiel, c'est-à-dire en organisation civile qui devient de plus en plus influente sur le plan politique.
Le Hezbollah réserve une attention toute particulière au développement de la sphère sociale. L'organisation a d'ores et déjà construit au Liban des écoles, des crèches, des hôpitaux et des cliniques. Le Hezbollah y a même ouvert des grandes surfaces. Bien plus, le mouvement soutient les familles de ses commandos et dispense des soins médicaux bon marché. Les études dans les écoles du Hezbollah coûtent beaucoup moins cher que dans les écoles publiques. Des bourses sont accordées aux démunis. Dans les programmes d'études, une attention particulière est réservée à la langue arabe, à l'islam et à la culture chiite. Quoi qu'il en soit, ni l'anglais ni les sciences exactes n'y sont négligés. A signaler que bien des parents non-chiites préfèrent que leurs enfants fréquentent justement les écoles du Hezbollah qui sont réputées pour leur haut niveau d'enseignement.