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Mercredi, 13 Septembre 2006 |
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Erreur dans la guerre contre le terrorisme
La visite du Premier ministre japonais au temple de Yasukuni le 15 août a laissé la majorité des français indifférents. Ce temple patriotique héberge les âmes de deux millions de japonais dont quatorze criminels de guerre. Il est bon de rappeler que ces derniers n’ont d’ailleurs été enregistrés en ces lieux qu’en 1978 alors que leur condamnation remontait à une trentaine d’années. Cela fût donc discrètement réalisé en connaissance de cause. Ainsi, depuis sa nomination monsieur Koizumi, partisan du renforcement de l’alliance américaine et de la remilitarisation qui dans les faits existe déjà, se rend tous les ans en ces lieux depuis sa nomination et cela de manière officielle. Encore faut-il faire remarquer que cette année la date choisie correspond à celle de l’anniversaire de la fin de la guerre et réhabilite de facto les criminels en question. Il serait facile d’imaginer la réaction mondiale si dans un pays européen auquel je songe un dirigeant de même importance adoptait la même attitude un 8 mai. Evénement passé inaperçu aux yeux des français qu’il faut bien innocenter puisque les media, fidèles à leurs habitudes, n’ont que peu évoqué l’affaire somme toute dérisoire à première vue. Il est des détails d’un passé dépassé qui comptent davantage que d’autres qui sont pourtant de la dernière actualité et qui en conséquence peuvent être une indication sur ce que sera peut être l’avenir.
Le désintérêt très majoritaire des hommes de chaque pays pour tout ce qui se passe hors de chez eux, exception faite de ce que les gouvernants souhaitent faire savoir, constitue un phénomène emblématique d’une mondialisation que l’on a par trop tendance à considérer comme étant dans tous les domaines advenue. Au même titre que la volonté délibérée de favoriser l’expression individuelle à l’échelon national désagrège paradoxalement mais logiquement la communauté, l’enfermement sur des problèmes strictement hexagonaux est un frein à la compréhension des problèmes planétaires. Si le repli sur l’identité locale peut être tactiquement une bonne chose à condition que ladite identité aie été préservée, la France tout comme la plupart des pays ne vit pas sous un globe de pendule. Plus que jamais le traitement de problèmes comme le chômage, l’immigration, l’économie, le parasitage de la langue du terroir, la mise en cause des spécificités nationales, passe par la prise en compte de paramètres non hexagonaux. Afin d’imager historiquement mon propos, je serais tenté d’écrire en connaissance de cause que la perte de l’Indochine à laquelle à l’époque on a prêtée que peu d’attention explique très bien et le putsch d’avril 1961 et la fin de l’Algérie française.
De l’Asie il est ici justement question et spécialement du Japon. On serait tenté, à tort, de croire que l’Asie est un tout homogène que l’on appelle l’Est. C’est la distinction classique entre occident et orient qui réapparaît. A nouveau à tort. Au même titre que Chavez et le Venezuela quoique situés à la verticale des Etats Unis ne sont pas d’occident, le Japon quoique situé en Asie et jaune racialement est occidental. La géopolitique est donc bien autre chose que la géographie. Le fameux choc des civilisations qui opposerait l’occident judéo-chrétien et libéral aux hordes arabo-musulmanes est lui aussi tout aussi navrant de simplisme intellectuel. On comprend dès lors mieux son succès auprès des masses. La Turquie qui n’est certes pas arabe mais néanmoins musulmane n’en est pas moins occidentale tout comme va bientôt l’être l’Algérie qui s’apprête à entrer dans l’Otan. Le Pakistan situé aux frontières de l’Inde est lui aussi un allié occidental face à l’Inde. Les occidentaux peuvent toujours compter sur la Jordanie dans le secteur qui est le sien et l’Arabie Séoudite allié fidèle des américains exerce toujours politiquement un rôle de modération au sein de l’opep ne serait ce qu’en maintenant ses robinets grands ouverts pour éviter la flambée des prix. Ses atteintes aux droits de l’homme n’occasionnant pas l’opprobre international comme chacun sait. Oman ‘dispose’ de bases américaines à Al Musna’ah, Seeb int airport, Masirah, Thumrait. Les émirats arabes unis à Al Dhafra. Le Qatar à Al Udeid. Le Bahrein à Shaikh Isa.
Est-il nécessaire de commenter ?
Le choc des civilisations dont on va de plus en plus nous parler sachant que celui qui fait actuellement fureur n’existe pourtant pas, concernera l’Asie. Si la notion de péril jaune n’est pas récente et fût mise en sommeil suite au rapprochement sino-américain consécutif à une russophobie partagée par les deux pays, la disparition de l’empire soviétique et l’implantation américaine progressive dans nombre des ex républiques vont permettre aujourd’hui de ressortir ce concept. Encore faudrait-il pour cela ne point faire référence à trop de chocs à venir sous peine de voir nos contemporains légitimement s’interroger, la naïveté ayant des limites. Le lecteur comprendra que ce n’est pas à moi d’aller fournir de l’aide à Washington afin de mieux faire passer la pilule aux terriens même si j’aurais bien des idées à leur proposer sur la question.
Où en est donc le Japon ?
La constitution élaborée par les américains dispose d’un article qui aujourd’hui est de plus en plus discuté :
Article 9. Aspirant sincèrement à une paix internationale fondée sur la justice et l'ordre, le peuple japonais renonce à jamais à la guerre en tant que droit souverain de la nation, ou à la menace, ou à l'usage de la force comme moyen de règlement des conflits internationaux.
Pour atteindre le but fixé au paragraphe précédent, il ne sera jamais maintenu de forces terrestres, navales et aériennes, ou autre potentiel de guerre. Le droit de belligérance de l'État ne sera pas reconnu.
Cet article et il est facile de le comprendre fait l’objet de controverses. En effet, le sens général du texte ne sera pas le même suivant l’interprétation donnée aux différents tronçons de phrase. On imagine mal ce pays ne pas se défendre en cas d’attaque ce qui constituerait pourtant un ‘ usage de la force comme moyen de règlement des conflits internationaux’. De même la notion de menace est des plus floues : ou commence t-elle ? A titre d’exemple, une décision d’ordre économique représente dans certains cas un casus belli. Si néanmoins on se limite à une lecture stricto sensu du texte, force est de constater que le Japon est un pays dans le domaine militaire juridiquement placé sous tutelle. On le comprend d’autant mieux en considérant qu’un pays où ‘il ne sera jamais maintenu de forces terrestres, navales et aériennes, ou autre potentiel de guerre’ n’est pas même apte à se défendre.
Imposé par les américains à la fin de la guerre comme ils le firent ailleurs, ce type de convention ne fût pas respecté dans les faits tout comme ailleurs. Ainsi, secrètement, les Etats Unis dès 1948 décidèrent sous couvert de la dénomination de ‘force de police nationale’ de la création d’une force autochtone de 150 000 hommes à des fins de protection dont le but était officiellement justifié par la nécessité de protéger les installations et personnels militaires américains ce qui évidemment prête à sourire. C’est aujourd’hui de 250 000 hommes dont dispose l’armée japonaise qu’il est bon de comparer au seulement 350 000 hommes qui constituent l’armée de la France, pays membre permanent du conseil de sécurité de l’Onu, présent sur plusieurs continents et appelé souvent à intervenir hors de son territoire.
De même, on ne voit pas l’intérêt pour une supposée force de police de posséder plusieurs dizaines de bâtiments de marine, un millier de chars et plusieurs centaines d’avions. Cette évolution qui est allée crescendo depuis la fin de la seconde guerre mondiale se double depuis quelques années d’un intérêt croissant pour l’obtention du feu atomique ; ainsi, Yasuo Fukuda alors premier secrétaire du gouvernement de l’époque déclarait le 31 mai 2002 : "Attendu que nous avons atteint le stade de discuter une révision constitutionnelle, il pourrait bien s'avérer que, selon l'évolution de la situation internationale, la population japonaise décide que nous devrions avoir des armes nucléaires… Je pense qu'il n'y a rien dans la constitution ou dans la théorie légale qui stipule que nous ne puissions pas posséder de telles armes.". On croit rêver. Il va de soi que le peuple là bas comme si souvent ailleurs ne partage pas l’avis de ses gouvernants mais aussi que là bas comme ailleurs ce sont ces derniers qui en dernier lieu ont gain de cause. Le Japon, à l’évidence, ne deviendra puissance nucléaire qu’avec l’assentiment des Etats Unis. Le silence médiatique européen concernant ce type de déclaration est à mettre bien sur en parallèle avec le tollé que peut déclencher une décision similaire en Perse à la différence près qu’elle n’arrange pas Washington. Les Etats Unis sont évidemment présents dans l’archipel nippon où ils disposent pratiquement d’une centaine de bases et d’une demi-centaine de milliers d’hommes. Voici donc d’autres forces qu’il faut ajouter à celles déjà mentionnées si l’on veut bien comprendre l’importance de l’effectif.
Il va de soi que la présence des forces américaines, la militarisation et l’évocation d’un armement atomique ne fait pas l’unanimité. Il n’empêche que compte tenu de l’évolution depuis la fin de la seconde guerre mondiale, on ne peut que constater que ce pays qui à l’origine se devait d’être étranger à la chose militaire a particulièrement changé. Les Chinois et coréens qui en sont bien davantage conscients que nous parce que directement concernés ont fort logiquement protesté. Pékin sait très bien que la présence américaine en Afghanistan comme en Irak ainsi que la volonté de Washington de décrédibiliser la Perse n’a pas pour enjeu la conquête de nouveau territoires mais plutôt d’une part de se rapprocher du ‘far east’ c’est à dire de l’Asie profonde et d’autre part de monopoliser les réserves pétrolières dont justement la Chine aura de plus en plus besoin et qui lui font défaut.
Ainsi donc Pékin voit s’amorcer à son encontre une strangulation progressive, côté ouest par une progression des forces américaines en terre d’islam et côté ouest par une agressivité croissante du Japon stimulée par les Etats Unis.
Là se trouve le choc et pas ailleurs et il n’est pas lié à la civilisation. A moins évidemment de considérer la Chine comme un pays arabo-musulman.
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