Etoile jaune pour les juifs en Iran ? Anatomie d'une tentative d'intox des officines israéliennes
Une tentative de diabolisation du régime iranien, à la veille du voyage aux Etats-Unis du Premier ministre israélien Ehud Olmert, a piteusement échoué au cours du week-end, après avoir traîné quelques heures dans un certain nombre de médias.
« L’info » commence vendredi, avec l’annonce que l’Iran vient de voter une loi obligeant les personnes appartenant aux minorités religieuses officielles du pays (Israélites, Chrétiens, Zoroastriens) à porter un vêtement distinctif : de couleur jaune, comme il se doit, pour la minorité juive.
« L’info » en question ne vient cependant pas de Téhéran, où la presse occidentale dispose pourtant de correspondants permanents, qui ont la capacité de prendre connaissance des débats du parlement iranien, et de dire, par conséquent, quelles lois ont pu être votées ou pas.
Elle émane d’un journal basé à 10.000 kilomètres de là, au Canada, le National Post. Ce journal, de deuxième catégorie dans le paysage médiatique canadien, est en outre connu pour sa ligne éditoriale ultra-sioniste.
Mais la machine à désinformer se met quand même en route en l’espace de quelques heures. C’est d’abord le Jerusalem Post (quotidien israélien de la langue anglaise, issu du même empire de presse que le National Post) qui relaie.
Puis, les « réactions indignées » commencent à abonder. Notamment celle du rabbin américain Marvin Hier, patron du « Centre Simon Wiesenthal » de Los Angeles, qui en appelle aux Nations-Unies pour faire cesser le scandale. Un autre agitateur, le président du « Musée de la Diaspora », nommé Léonid Nevzlin, lance carrément un appel aux Juifs du monde entier, les invitant à arborer une étoile jaune en signe de solidarité avec leurs frères persécutés par la République Islamique.
Ainsi « étayée », la nouvelle se diffuse rapidement sur une série de sites internet ouvertement pro-israéliens, mais elle accède aussi, en partie, aux mass-médias, avec une dépêche de l’AFP, l’une des trois grandes agences de presse occidentales.
Devant les dénégations formelles de plusieurs officiels iraniens, les autres poids lourds de l’information mondiale (Associated Press, Reuters, New York Times, BBC ...) se gardent d’embrayer. La présence, dans le paysage, de « sources » telles que le National Post et plus encore du « Centre Simon Wiesenthal » de Los Angeles était de nature, il est vrai, à inciter à la plus grande prudence. Le Centre Simon Wiesenthal de Los Angeles - par ailleurs parrain et inspirateur de Nicolas Sarkozy - s’est récemment distingué en diffusant de fausses déclarations antisémites attribuées au président venezuelien Hugo Chavez, avec un succès mitigé (le quotidien français Libération reprenant quand même sans vergogne l’accusation calomnieuse).
Finalement, après notamment qu’un Iranien d’origine juive, Meir Javedanfar*, eut lui aussi fait part de sa plus grande perplexité, le National Post a fait marche arrière dimanche, et a démenti son propre article, imputant la fabrication du faux à un publiciste iranien exilé, ancien patron de presse sous le régime pro-israélien du Shah d’Iran, Amir Taheri.
La fausse affaire a surgi à la veille du voyage aux Etats-Unis du nouveau chef du gouvernement israélien, Ehud Olmert.
Dans ses déclarations publiques et celles de ses collaborateurs, Ehud Olmert a fait savoir qu’au cours de l’entretien de 6 heures (oui, 6 heures !) qu’il aura avec George Bush, il mettra l’accent sur « le danger nucléaire iranien », et l’impérieuse nécessité de contrer ce dernier. Depuis des mois sinon des années, les dirigeants israéliens jettent de l’huile sur le feu, et appellent de leurs vœux une attaque - américaine, israélienne, américano-israélienne - de l’Iran, tout comme ils avaient poussé à l’invasion de l’Irak en 2002-2003.
Dans des interviews à la presse américaine à la veille de son départ, Ehud Olmert, en écartant d’un revers de main toute discussion sur la Palestine (même Mahmoud Abbas « n’est pas un partenaire crédible », a-t-il dit), a fait au contraire des déclarations tonitruantes sur l’Iran, affirmant que ce pays est à « quelques mois » de pouvoir fabriquer la bombe.
Que la minorité juive d’Iran (quelques dizaines de milliers de personnes), dont les libertés religieuses sont à ce jour préservées par le régime en place à Téhéran, puisse éventuellement pâtir de telles manœuvres, est le cadet des soucis de la direction israélienne.
Meir Javedanfar est député au Majlis de la République Islamique d'Iran [ndlr] |
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