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Dimanche, 27 Septembre 2009 |
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Le soufisme, un islam anti-islamiste
Christian Bouchet |
Étranger
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La ville algérienne de Mostaganem a accueilli, la dernière semaine de juillet, plus de six mille personnes venue célébrer le centenaire de la tariqa soufie alâwiyya. Ce fut le point final d’une série d’évènements qui avaient débuté le 29 janvier, au Palais de la culture d’Alger, par un rassemblement de dix mille adeptes de cette voie mystique.
Trente-huit pays étaient représentés à cette convention où l’on croisait des délégations du Maghreb bien sûr, d’Europe naturellement, mais également du Brésil, du Japon, de Taïwan, d’Indonésie, de Malaisie, etc. La France pour sa part avait envoyé un contingent non négligeable de participants parmi lesquels on remarquait, entre autre, Tarek Oubrou, le recteur de la grande mosquée de Bordeaux. Elle avait aussi fourni plusieurs intervenants réputés dont … Alain Gresh, directeur adjoint du Monde diplomatique et Alain Le Gouguec, rédacteur en chef à France Inter. Au vu de cela, on pouvait qualifier ce congrès d’international ainsi que l’ont fait de nombreux médias. Factuellement c’était exact, mais dans la réalité il s’agissait avant tout d’un événement algéro-algérien, d’un épisode d’une lutte particulièrement sensible dans ce pays, entre deux conceptions de l’islam.
Pour la bonne compréhension de ceci, il faut savoir que le soufisme est un courant spiritualiste et mystique de l’islam, organisé en confréries (les tariqa), se rattachant chacune à un maître spirituel originel différent, dirigées de manière autocratiques par des cheikhs - ou « guides » - rattachés au fondateurs par des liens familiaux ou par une filiation spirituelle assez semblable à la succession apostolique des chrétiens. Ainsi, la tariqa alâwiyya est-elle actuellement dirigée par Khaled Bentounes qui n’est autre que le petit fils de son fondateur, le cheikh Ahmad al-Alâwi.
Mysticisme, dévotion au fondateur et aux cheikhs, organisation supra-nationale de type quasi-féodale, voici beaucoup de caractéristiques qui déplaisent tant aux fondamentalistes salafistes qu’aux tenants d’un État laïc et socialiste.
C’est ainsi que la tariqa alâwiyya connut bien des déboires après l’indépendance de l’Algérie du fait du FLN, et qu’elle fut persécutées sous Houari Boumediène, au motif qu’elles représentaient un islam obscurantiste et anti-socialiste. La répression fut telle que le père de Khaled Bentounes mourut, à l’âge de 47 ans, des conséquences d’un emprisonnement particulièrement rigoureux.
C’est ainsi aussi que la tenue du congrès de Mostaganem a été précédent d’une importante campagne salafiste visant à obtenir son interdiction. Menée par les partis islamistes et relayées par le Haut-Conseil islamique d’Algérie et l’Association des oulémas algériens, elle dénonçait Bentounes et ses partisans comme des semi-hérétiques. Leur crime étant d’avoir repris dans une livre sur l’histoire de la tariqa, publié pour l’occasion, des reproductions de miniatures anciennes turques et persanes, dont quelques unes représentaient des personnages prophétiques parmi lesquels Mahomet !
Seule une intervention, discrète mais ferme, d’Abdelaziz Bouteflika permit que convention se tienne sans encombre et que les critiques cessent. Cette sollicitude serait due, dit-on, au fait que le président algérien est personnellement membre d’une tariqa. Mais il n’y a pas que cela, si Bouteflika a entrepris, ces dernières années, de réhabiliter les confréries soufies c’est qu’il sait que ces structures, pourtant ultra-traditionalistes, peuvent être d’une grande aide dans la lutte de l’État algériens contre l’islamisme, qu’il soit djihadiste ou politique.
Dans cette optique Khaled Bentounes n’a pas été avare de déclarations allant dans le « bon sens ». Qu’il dénonce l’influence des oulémas d’Arabie saoudite par fatwas interposées « alors que nous avons nos propres oulémas, nos propres traditions. », qu’il insiste sur le fait que « L’Islam maghrébin est un Islam d’ouverture et de dialogue. » ou qu’il déclare que le port du voile par les femmes n’est pas une obligation religieuse. Last but not least, le cheikh a annoncé la création prochaine en Algérie, grâce au soutien d’Abdelaziz Bouteflika, d’un institut islamique d’obédience soufie qui agirait en collaboration avec les grandes universités religieuses du monde musulman, notamment El Azhar (Le Caire), la Zitouna (Tunis) et El Qaraouiyine (Fès). L’avantage serait alors que ses docteurs auraient la capacité de formuler des fatwas et donc d’influer, dans un sens libéral et modéré, sur la pratique de l’islam algérien.
Des rebelles soufis inquiètent les Américains dans le nord de l’Irak
Selon le quotidien libanais L’Orient-Le Jour ce sont les insurgés soufis qui sont devenus un des principaux sujets d'inquiétude des forces américaines et irakiennes dans le nord de l'Irak. Ce groupe dénommé Jaish Rijal al-Tariqa Nakshabandia (Armée des membre de la fraternité nakshabandia), comptant dans ses rangs des Arabes, des Kurdes et des Turcomans, est en train de prendre l'ascendant sur les organisations islamistes en dénonçant les exactions commises par les tenants d’un islam wahhabite.
La JRTN a été formellement constituée fin 2006, elle a choisi son nom en référence à un ordre soufi, la Tariqa Nakshabandia, originaire du sous-continent indien et implanté, depuis deux siècles, dans le nord de l'Irak où beaucoup d'habitants suivent cette voie mystique.
La Jaish Rijal al-Tariqa Nakshabandia qui serait constituée de nostalgiques du parti Baas et d'anciens officiers, affirme publiquement être contre les attentats-suicide et affiche, dans ses communiqués, son opposition aux attaques contre les civils et les policiers, réservant ses frappes aux soldats américains et à leurs auxiliaires irakiens. En somme, une manière soufie de pratiquer le terrorisme…
Soufisme, combien de bataillons ?
Selon Khaled Bentounès les soufis représentent 20% de l’ensemble des fidèles du culte musulman, estimés à 1,5 milliard. « Ainsi, une simple opération arithmétique révèle qu’il y a quelque 300 millions de personnes rattachées à des voies soufies dans le monde », déduit-il, et d’ajouter que l’Egypte à elle
seule compte quelque 15 millions d’adeptes des confréries religieuses.
Bientôt une mosquée soufie à Paris
Lors de la convention de Mostaganem, Khaled Bentounès a évoqué un projet d’envergure dont il est l’un des principaux initiateurs. Il s’agit de la construction d’une nouvelle grande mosquée à Paris, dans le quartier de la Goutte d’Or.
« Ce sera la future mosquée du XXIème siècle », promet –il.
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