A propos de l’interview de Jean-Claude Martinez dans « Le Figaro » du 11-08-06
J’ai connu Jean-Claude Martinez mieux inspiré que dans cette interview dans laquelle il prend presque systématiquement le contre-pied de ce que l’on peut connaître des positions officielles de son parti, le Front National. Esprit non-conformiste, il est le seul « agitateur d’idées » connu du FN et, à ce titre, conseiller de son président. « Spécialiste » des finances publiques à l’origine, il s’est autorisé depuis à toucher à tous les sujets, dépassant désormais trop souvent son seuil de compétence. Une minorité le considère comme un génie, et beaucoup pour un illuminé. Dans un parti où chacun se doit d’être « aux ordres », Jean-Marie Le Pen –et c’est tout à son honneur- le conserve à ses côtés comme un électron libre, témoignage vivant, et unique, de la liberté de pensée exceptionnellement octroyée. A ce titre, il peut dire tout et n’importe quoi.
Pour Jean-Claude Martinez, le grand enjeu de 2007 n’est pas la survie, ou non, de la France ; le grand enjeu, « c’est celui de la vie ». « Qui nourrira la Chine et l’Inde dans sept ans » s’interroge-t-il. Grave question en effet pour les électeurs français, et dont les candidats à l’élection présidentielle ne manqueront pas de débattre à couteaux et fourchettes tirés !
Autre enjeu, la « planétisation » : pour faire face à celle-ci, « il y a deux solutions : soit on supprime l’impôt sur le revenu (…) soit la déduction des droits de douane, qui rétablira l’égalité des coûts de production ». Simple, non ? C’est l’économie pour les nuls…
La mondialisation ? « Non seulement je l’accepte, mais je considère que c’est une grande chance pour la France. Face au modèle anglo-saxon du marché, qui est le livre de la jungle, et face au modèle coranique de l’organisation à tout prix (…) la France doit faire la démonstration qu’elle est universelle. » Vaste et sympathique programme où la France imposera au monde son modèle d’économie mixte. On notera au passage que Martinez, dans une fulgurance dont il a le secret, introduit la notion de « modèle coranique d’organisation »…
L’Europe ? Il veut en finir avec son pacte de stabilité budgétaire, qui bride nos déficits publics. C’est le modèle américain de la vie à crédit. Et il précise : « Contrairement à Jean-Marie Le Pen, je ne dis pas que nous devons sortir de l’Europe (comprendre l’Europe de Bruxelles puisqu’il est député européen) mais il faut relancer les grands investissements structurants qui créeront la croissance et boucheront le trou du déficit . » Et de lancer l’idée d’un TGV Paris-Varsovie ! Pourquoi Varsovie ? Paris-Berlin-Moscou, autoroute+TGV, voilà une idée qui serait encore plus lumineuse, non ?
L’euro ? « Non. Nous ne pouvons pas sortir de l’euro, que j’ai pourtant combattu. » Pourquoi a-t-il cessé le combat alors que Le Pen annonçait encore le soir du 21 avril 2002 une sortie immédiate de l’euro ? Il y a des mystères comme cela…
L’immigration ? « La banlieue commence à Bamako. Les contrôles pratiqués, cela ne peut pas marcher, car on ne traite pas les causes de l’immigration (…)Traitons à la source, dans les pays en voie de développement… » M.Chirac et les autres n’ont jamais dit autre chose. Ces propos répondront sûrement aux attentes des électeurs du Front National, si jamais ils les lisent !
Ségo et Sarko ? « Je ne vois pas de grandes différences entre les deux. C’est le même classicisme. » Pour se prononcer pour le second tour, à propos duquel il ne semble envisager qu’un duel Sarkozy-Le Pen (à condition que « les candidatures se multiplient »), il n’exclut pas pourtant, et c’est assez paradoxal, un duel Sarkozy-Royal et attendra des réponses précises à deux questions fondamentales posées à Sarkozy. « Celui-ci est-il toujours pour une politique européenne malthusienne ? Veut-il instaurer la représentation proportionnelle aux élections législatives ? » Pourquoi ces questions à Sarkozy et pas à Royal ?
Le fait que Sarkozy soit véritablement dans cette élection « le » candidat de l’étranger, des Etats-Unis et d’Israël, le fait que Sarkozy ajoute à l’immigration subie l’immigration « choisie », tout cela ne constitue pas pour lui des questions « fondamentales » susceptibles de le dissuader de voter Sarkozy dans le cadre d’un second tour où ce dernier ferait la promesse d’introduire la dose nécessaire de proportionnalité aux législatives lui permettant de retrouver en 2007 un strapontin dans cette Assemblée nationale où, grâce à François Mitterrand, il avait pu siéger de 1986 à 1988. C’est bien ce fol espoir, très politicien et parfaitement méprisable, que caressent un certain nombre de cadres du FN en cas d’absence de Jean-Marie Le Pen au second tour.