Les téléfilms à épisodes ont eu la peau d’une institution : le sacro-saint film du dimanche soir sur TF1 ! Certes, depuis le magnétoscope et le DVD, renforcé par la multiplication des chaînes, le rendez-vous télévisuel dominical n’était plus ce qu’il avait été, mais tout de même, ne serait-ce que par nostalgie, même si on lui était de plus en plus infidèle, on y tenait quand même ! Fin d’une époque…

Ces téléfilms faisaient habituellement les beaux soirs des mois d’été, voir parfois du samedi soir « quand l’ouvrier, après l’turbin et avant autre chose… », mais désormais, diffusés tout au long de l’année, ils sont l’enjeu d’une terrible concurrence entre chaînes. Pour le meilleur de l’audimat et souvent le pire de la vraisemblance. Au moins sont-ils un recours non négligeable pour échapper aux harcelantes retransmissions sportives, aux insupportables reality show et autres exhibitions staracadémiquement abrutissantes.

Le filon est bon, mais il faut bien avouer qu’il est le même d’une série à l’autre. De Dolmen aux Secrets du volcan en passant par Le Maître du Zodiac, par exemple, les ingrédients sont à ce point identiques que cela en est fascinant : toujours deux familles qui se haïssent (dignes descendantes des Capulet et des Montaigu), l’une riche, l’autre fauchée (les Rougon et les Macquart d’Émile Zola font beaucoup d’émules), avec un ou plusieurs terribles secrets de famille (merci Arsène Lupin) ; toujours un meurtre par épisode (ni trop, ni pas assez, la juste mesure en tout) ; toujours un brin plus ou moins corsé de fantastique (vieilles légendes celtes pour Dolmen, astrologie à deux balles dans Le Maître du Zodiac, vaudou de bazar dans Les Secrets du volcan…) ; intrigue en vase clos (île bretonne, petite ville frontalière franco-suisse, l’île de la Réunion)… Et jusqu’à certaines phrases qui reviennent automatiquement : « C’est ton retour qui a apporté le malheur » : effectivement, au troisième macchabée, on peut effectivement parler de malheur. Et même, au dernier épisode, de véritable hécatombe ! Plus y a d’hémoglobine, plus on se régale !

Autre passage obligé de ces téléfilms, le personnage principal est une femme. Obligatoirement une femme. Jeune et jolie et c’est tant mieux ! Mais tout de même, ce parti-pris systématique d’une héroïne plus que d’un héros finit tout de même par lasser, lui aussi. Il est loin le temps où « madame Maigret » n’était évoquée par son glouton de mari qu’à l’heure du dîner, parce que le gros limier du quai des orfèvres ressentait une petite faim et que son enquête allait lui faire manger froid blanquette, pot-au-feu ou bœuf miroton, le pauvre homme !

Toutefois, malgré tout le conformisme et l’aspect répétitif de ces téléfilms, j’avoue les préférer de loin aux scénarios tirés de faits-divers réels où l’on ne sait plus trop où commence la fiction et où se termine la dénonciation des maux de notre société. Voyeurisme serait souvent plus juste.

Par exemple, ce téléfilm que FR3 compte diffuser à l’automne et dont le sujet est tiré de l’Affaire Gregory(1). Tous les ingrédients types des téléfilms actuels y sont réunis : des familles cousines au train de vie inégal se jalousent, des cadavres, des histoires de coucheries réelles ou supposées, la vengeance, la dénonciation (le fameux corbeau), un lieu typique (la Vologne) : manque seulement le retour d’une héroïne qui « apporterait le malheur » : gageons que les scénaristes arrangent ce petit défaut de casting.

L’annonce de ce téléfilm en six épisodes, titré La Vallée, est évidemment prétexte à l’une des protagonistes de l’affaire de s’en prendre à la chaîne publique dans le louable souci de vouloir « protéger la dignité de (son mari) et celle de (ses) enfants ». On peut la comprendre.

Comme on peut comprendre une vieille et renommée famille bretonne d’avoir attaqué TF1 l’année dernière, après la diffusion de Dolmen où son nom (peu commun) et quelques autres détails précis, avait été utilisé pour des personnages on-ne-peu-plus antipathiques.

Car pour la majorité des téléspectateurs qui regarderont La Vallée, la vérité sur l’Affaire Grégory – que l’on n’a toujours pas, à ce jour, élucidée, – deviendra celle que lui auront donnée les scénaristes. Une façon comme une autre d’écrire l’histoire pour la postérité. Pour le meilleur de l’audimat et, très probablement, le pire de la vérité !