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Mercredi, 22 Mars 2006
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Crise du logement
Siméon Deplancke
Politique
Crise du logement
« Une société ne peut exister sans crise du logement lorsque la grande masse des travailleurs ne dispose exclusivement que de son salaire... lorsque des crises industrielles violentes et cycliques déterminent, d'une part, l'existence d'une forte armée de réserve de chômeurs et, d'autre part, jette momentanément à la rue la grande masse des travailleurs... et que, pour les plus ignobles taudis, il se trouve toujours des locataires, lorsqu’enfin le propriétaire d'une maison en sa qualité de capitaliste a non seulement le droit mais aussi, dans une certaine mesure grâce à la concurrence, le devoir de tirer de sa maison, sans scrupule, les loyers les plus élevés. Dans une telle société, la crise du logement n'est pas un hasard, c'est une institution nécessaire; elle ne peut être éliminée, ainsi que ses répercussions sur la santé, etc., que si l'ordre social tout entier dont elle découle est transformé de fond en comble. » (Engels, La question du logement, 1887)

La crise du logement dans les grandes agglomérations urbaines s'est aggravée, une fois de plus, brutalement au cours des dernières années et un nombre toujours plus important de travailleurs n'a plus les moyens d'accéder à un logement stable correct. Le nombre de personnes qui n'ont un toit que parce qu'elles sont hébergées approche le million et si la majorité d'entre elles sont des jeunes adultes qui restent (ou reviennent) au domicile familial, ils sont entre 150000 et 300000 à être hébergés par des tiers dans les conditions que cela implique. 700000 personnes vivent dans un habitat précaire ou temporaire, et le nombre de ceux qui n'ont pas de domicile du tout serait de plus de 80000 personnes. Le nombre total des mal logés, vivant dans des logements dégradés ou malsains, est estimé à 3,5 millions de personnes. L'augmentation des loyers bien au-delà de la hausse moyenne des prix, le surpeuplement des logements existants, deviennent un fait général et touche désormais, non pas seulement la majorité des travailleurs, mais aussi une partie de la petite bourgeoisie. Et d’une manière générale, si le problème du logement est aussi ancien que le capitalisme, ce problème ne se pose pas de la même manière ni avec la même acuité dans les agglomérations urbaines et dans les régions rurales, dans les régions anciennement industrialisées et dans celles qui attirent de la main-d'œuvre nouvelle. Dans bien des régions de France (et, plus généralement, en Europe) une partie des travailleurs disposent d'une maison, d'un jardin (dont elle tire parfois un complément de revenu) et lors de phases d’expansion économique, il arrive même qu’ils puissent accéder à la propriété de leur logement et devenir ainsi moins dépendants du marché de la location. Cela se faisant bien entendu au prix de sacrifices financiers et au prix d’un endettement long et pesant avec les conséquences que cela peut entraîner lors des retournements de situation économique, notamment en cas de perte d'emploi.

Concernant les loyers justement, ils se calculent suivant différents facteurs comme le coût de la construction augmenté du profit de l'entrepreneur, les annuités d'amortissement du capital investi par le propriétaire, son profit compris, mais aussi le prix du terrain, expression de la rente foncière. Sur le long terme, les coûts de construction ont considérablement baissé du fait d'une certaine industrialisation du bâtiment, de l'utilisation d'éléments préfabriqués, de la production en série, etc. Mais en même temps, dans les grandes agglomérations urbaines ou même les villes de moyenne importance (je pense par exemple aux villes se situant autour de l’agglomération lilloise) le prix du terrain ne cesse d'augmenter, compensant, voire au-delà, la baisse des coûts de construction. Les loyers fluctuent également comme les prix de toutes choses dans une économie de marché, en fonction de l'offre et de la demande. Une diminution de l'offre de logements (après les destructions de la guerre, par exemple) ou une augmentation de la demande (en cas d'afflux de travailleurs des campagnes vers les villes) peuvent créer des situations de pénurie qui se traduisent par l’augmentation du prix de ce qui existe, aussi bien à l'achat qu'à la location.

En période de pénurie, il arrive donc que l'État compense dans une certaine mesure les défaillances du marché en subventionnant de différentes manières la construction de logements sociaux. C'est ainsi qu'en France, par exemple, confronté à une importante pénurie de logements à la portée des salaires ouvriers dans les années trente puis après la Deuxième Guerre mondiale, dans les années soixante, l'État a investi dans la construction de logements relativement bon marché, pour la plupart de type HLM locatif (qui représentent aujourd’hui en France 17% des logements en location) Un contexte économique relativement clément et la fin de la guerre d'Algérie en 1962, qui permit d’alléger le budget militaire, ont donné des moyens supplémentaires à l'État, de surcroît confronté à une demande supplémentaire de logements avec l'arrivée des rapatriés : 2,2 millions de logements ont donc été ainsi construits. Cette politique de construction, dont le BTP et les promoteurs ont d'autant plus profité qu'ils ont rogné sur la qualité pour s'assurer un profit confortable, a résorbé momentanément la grave pénurie de logements de la période précédente. Au début des années soixante-dix, les signes les plus visibles de la misère de l'habitat ouvrier, les bidonvilles qui entouraient Paris et quelques autres grandes villes ont été, pour la plupart, éradiqués. Toujours est-il, qu’au-delà de cette façade les travailleurs les plus pauvres continuaient cependant à vivre dans des logements dégradés ou de mauvaise qualité quand ils n'étaient pas livrés aux marchands de sommeil ou aux foyers surpeuplés. Et cette exclusion d'une fraction des travailleurs de l'accès au logement ne concernait/concerne pas que les travailleurs immigrés car le fait est que dans un système libéral il y a toujours eu et il y aura toujours des mal-logés et il suffit de revenir à un passé plus ou moins lointain où les pires taudis étaient remplis par les derniers arrivants, venus des campagnes: avant d'être portugais, les ouvriers du bâtiment étaient du Berry ou du Limousin et, avant que Renault fasse venir des ouvriers du Maroc, ils venaient de Bretagne ou d'Auvergne.

Ce terme même de logement social (rentré et intégré dans le langage courant) est la preuve flagrante que le système ne peut assurer à l'ensemble des travailleurs des logements de qualité et implique que le salaire octroyé à ces travailleurs offre la plupart du temps juste la possibilité d’occuper des logements de basse qualité (puisque les logements sociaux sont explicitement construits pour des travailleurs dont le salaire ne permet pas de se loger correctement) Et même ces logements de basse qualité ne sont à la portée de toutes les bourses que grâce à des financements de l'État, il en va ainsi pour les logements sociaux comme pour l'assurance maladie ou la retraite. L’Etat qui se désengage jour après jour un peu plus puisque s’il consacre de plus en plus d'argent à financer les grandes entreprises et le patronat, il en consacre de moins en moins aux logements dits sociaux, bien que la hausse des prix des logements sur le marché locatif libre les rende plus nécessaires (tout en sachant que l’habitat social n’est qu’une solution à court terme et qu’il faudra un jour assurer à tous les travailleurs un salaire décent leur permettant de vivre convenablement). De surcroît, une grande partie des logements dits sociaux, construits il y a un demi-siècle, de piètre qualité dès leur construction, mal entretenus par la suite, arrivent en fin de vie, diminuant d'autant l'offre de logements à la portée des salariés. Sur ce fait général, se greffe l'attitude de certaines communes qui refusent de construire des logements sociaux sur leur territoire. Etant donné le prix du terrain dans les villes ou les quartiers aisés, il faudrait les réquisitionner pour pouvoir construire bon marché, ce dont il n'est évidemment pas question pour ces municipalités. En outre, elles n'ont pas l'intention de faire baisser le prix de l'immobilier par cette mixité sociale si déplaisante pour leurs habitants (et électeurs) aisés.

Au-delà de la question du logement, la raison fondamentale de son aggravation actuelle réside dans la dégradation considérable de la situation générale des travailleurs et de la baisse globale de son pouvoir d'achat. Il y a l'importance du chômage, la durée de cette période de chômage qui s’accroît, la généralisation de la précarité. Une précarité qui se traduit non seulement par la diminution des salaires, c'est-à-dire, entre autres, l'incapacité de payer le loyer, mais aussi par le fait qu’un nombre croissant de salariés recherchant un logement sont désormais dans l’incapacité de fournir les garanties exigées par les loueurs. Non seulement il y a pénurie de HLM mais même le loyer dit modéré est hors de portée pour un nombre croissant de travailleurs, en activité ou au chômage. Il est d’ailleurs significatif que, même d'après les chiffres de l'INSEE, un tiers des personnes qui n'ont pas de domicile ont pourtant un emploi ! Une autre raison de cette aggravation est la hausse des prix de l'immobilier : entre le creux du marché immobilier, en 1997, et la fin 2004, c'est-à-dire en sept ans, l'augmentation en termes réels a été de l'ordre de 70%. Cette hausse des prix à l'achat et à la vente se répercute d'autant plus sur le montant des loyers que bien des propriétaires sont tentés de profiter des prix élevés et de vendre leurs propriétés, chassant par la même occasion leurs locataires. Si le boom précédent de l'immobilier, à la fin des années quatre-vingt, concernait surtout les immeubles de bureaux ou de locaux à usage professionnel l'emballement actuel de la hausse des prix concerne surtout les logements et cette fois-ci pas seulement ou principalement dans la région parisienne, mais pratiquement dans toutes les grandes villes.

Cette flambée des prix peut s’expliquer aussi par le fait que depuis plusieurs années, une partie de la bourgeoisie et le patronat s'enrichissent au point de ne savoir que faire de leur argent. Tous les hauts revenus sont en permanence à la recherche de placements intéressants et il se trouve qu’investir dans la pierre est considéré comme un placement sûr. Tout placement est susceptible de devenir objet de spéculation dès que l'afflux d'argent fait augmenter les prix et, surtout, que les hausses d'aujourd'hui semblent annoncer des hausses plus fortes encore demain. On n'achète plus un logement seulement pour se loger, ni même pour se procurer un revenu supplémentaire en le louant à un tiers ou assurer son futur logement au rejeton de la famille, mais pour le revendre avec profit. Tout cela tire la spirale des prix vers le haut, et ce pour tous les types de logements (de standing ou non) Mais cette spirale spéculative n'aurait cependant pas pu prendre l'ampleur qu'elle a prise sans les banques qui, échaudées par la crise boursière de 2001 et à la recherche de secteurs où placer leur argent, se sont jetées sur l'immobilier. Depuis le début de la crise généralisée de l'économie mondiale, commencée au début des années soixante-dix, les fluctuations de la spéculation sur les actions en Bourse ont, à plusieurs reprises, coïncidé avec des fluctuations de sens contraire à la spéculation immobilière. La baisse des cours des actions entre la fin 2000 et 2003 a rendu momentanément moins intéressant pour les banques ce commerce pour les pousser vers ce qu'elles appellent les ménages (solvables bien entendu) pour leur proposer du crédit immobilier. La baisse du taux d'intérêt, au même moment, conséquence elle aussi du krach boursier, leur a donné les moyens de prêter moins cher. Depuis, les banques se mènent la guerre pour se disputer le marché du crédit immobilier et prêtent à ceux qui ont de l'argent et, surtout, pour des échéances de remboursement plus longues. Le crédit immobilier moins cher a permis peut-être à certaines catégories de salariés les moins mal payés de devenir propriétaires de leur logement mais les principaux bénéficiaires du crédit bancaire plus facile ont été surtout les couches aisées. Pour elles, financer avec du crédit relativement bon marché, l'achat de logements que l'on peut revendre avec un gain confortable, est une bonne affaire ce qui fait qu’au lieu d'atténuer la crise du logement, elles l'aggravent en réalité en finançant les investissements spéculatifs. Bien des dispositifs gouvernementaux, pris sous prétexte de favoriser la construction, de la loi Besson (PS) à la loi Robien (UDF), accentuent encore le phénomène avec des cadeaux fiscaux destinés à ceux qui ont accès au crédit bancaire et qui investissent non pour se loger mais pour tirer un profit de leurs propriétés immobilières. Même le prêt à taux zéro qui ne peut excéder 20% du coût total de l'achat n'est destiné par définition qu'à ceux qui ont de l'argent à investir et à qui les banques font crédit et l'immense majorité des travailleurs ne peut y avoir accès. Alors si la plupart des politiciens dénoncent la crise actuelle du logement, ils limitent le problème à la seule construction de logements sociaux. Et lorsqu'ils dénoncent les spéculateurs, ils ne s'en prennent justement qu'à cette catégorie de spéculateurs (grandes entreprises du BTP, promoteurs, agences immobilières et autres qui rachètent des immeubles en ruines et des taudis pour ensuite louer à prix d'or et s'enrichissent) alors que la spéculation immobilière n'est qu'un des aspects de la spéculation en général et qu’elle est le fait d’un système basé sur l’argent, le profit et non les intérêts de la communauté.

Il faut d’ailleurs noter que la progression des prix de l'immobilier concerne la plupart des pays industriels, partout pour les mêmes raisons (au Royaume-Uni ou en Espagne, elle est même plus rapide qu'en France) Les différences entre les rythmes de hausse d'un pays à l'autre, comme entre les niveaux de prix, ont tendance à accentuer l'internationalisation du marché immobilier ; ainsi la demande de logements à Paris et dans certaines régions (Côte-d'Azur, Normandie, Landes…) ne vient pas seulement des classes aisées de France mais aussi de Grande-Bretagne, voire de Russie, du Japon ou du Moyen-Orient. Avec l'internationalisation du marché immobilier, s'internationalise également la spéculation immobilière car les riches particuliers d'ici ou d'ailleurs, plaçant leur argent dans un pied-à-terre à Paris, sont relayés par des spéculateurs institutionnels. C'est le cas avec les acquisitions d'immeubles par des fonds de pension, notamment américains, et leur revente à la découpe, appartement par appartement. Cette revente, se faisant en général à des prix exorbitants, oblige les locataires, ne pouvant acheter leur logement, à quitter les lieux.

Si l'envolée des prix de l'immobilier supérieur (châteaux, appartements de luxe dans les quartiers bourgeois) n'a de conséquence qu'indirectement sur le marché locatif qui concerne la masse des salariés il faut savoir que la spéculation touche aussi des appartements moyens, voire dans certains quartiers des chambres de bonne. Les logements corrects en location deviennent inabordables pour une grande partie des ménages peu aisés, en tout cas pour ceux qui cherchent une nouvelle location et cela valorise les pires taudis (qui sont souvent la seule solution de travailleurs ou des précaires pour se trouver un toit) Et si le gouvernement a dû revenir en arrière sur son projet d'autoriser la location, en tant que logements, de surfaces inférieures à 9 m², le projet lui-même est révélateur du parti pris du gouvernement en faveur des propriétaires. Dans ce contexte, les discours en vogue dans les milieux gouvernementaux sur l'accession à la propriété sonnent comme une provocation. Même en période de plus ou moins plein emploi, une partie des salariés est de toute façon écartée de la possibilité d'accéder à la propriété et à plus forte raison, lors de l'actuel emballement des prix. Cette augmentation de la demande de logements ne s'est pas traduite immédiatement par une relance en conséquence de la construction, fût-ce celle de logements neufs s'adressant à la demande supplémentaire venant des classes aisées. Il était alors plus intéressant de valoriser les constructions déjà existantes et de prélever des marges plus élevées en limitant l'offre des logements en train d'être construits. Mais depuis fin 2003, les mises en chantier augmentent tout de même, avec une accélération en 2004 et 2005. Elles répondent à des demandes en partie spéculatives (les investissements locatifs représentant près de la moitié des ventes dans le neuf) et entraînent inévitablement des spéculations sur les terrains à bâtir, sur les matériaux de construction... La question étant de savoir si les banques vont suivre. Les emprunts immobiliers augmentant l'endettement des ménages aisés dans des proportions importantes (passé, en dix ans, de 50% de leur revenu disponible brut à 60%) les banques commencent à s'inquiéter et à resserrer les crédits privés à la construction, d'autant plus qu'elles ont de nouveau un accroissement de la demande de crédit de la part des entreprises, engagées dans une nouvelle vague de rachats les unes des autres. Et des États-Unis aux pays industriels d'Europe, le ralentissement de la hausse des prix de l'immobilier est de plus en plus associé au spectre d'un krach immobilier avec les conséquences que l'on devine pour les travailleurs du bâtiment.

Alors s’il faut soutenir les associations qui défendent ceux d’entre nous qui sont frappés le plus durement par la crise du logement, ceux que l'on cherche à chasser de leur HLM pour défaut de paiement, les squatters expulsés… il faut voir beaucoup plus loin et ne pas réduire cette question du logement à ces seuls aspects, car elle est partie intégrante du fonctionnement général du système capitaliste. Un système incapable de satisfaire correctement ce besoin élémentaire qu'est celui de se loger, même dans les pays les plus riches.
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