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Lundi, 3 Avril 2006
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Sur le CPE
Alain de Benoist
Politique
Sur le CPE
Il y a encore un mois, une majorité de Français soutenaient le projet de CPE (« Contrat première embauche »). Un mois plus tard, le nombre des opposants était devenu majoritaire. Entre temps, le mouvement des étudiants s’est étendu aux lycéens, puis aux adultes, puis à la France entière. Les manifestations du 28 mars ont vu plus de deux millions de manifestants de tous âges et de toutes conditions professionnelles descendre dans la rue, alors même que le CPE ne concerne que les jeunes de moins de 26 ans. C’est bien la preuve que ce projet de contrat est devenu un prétexte, et qu’aujourd’hui n’importe quelle étincelle peut allumer l’incendie.

Si le gouvernement a réussi à faire contre lui l’unanimité de couches sociales dont les intérêts n’étaient pas nécessairement convergents, c’est que l’opposition à ce projet, certes critiquable (en prévoyant initialement une période d’essai de deux ans durant laquelle les jeunes pourraient être licenciés sans motif, il aggravait de toute évidence la précarité de leur emploi), mais somme toute d’importance modeste, a cristallisé un mécontentement plus vaste. Et révélé une peur généralisée devant l’avenir.

L’affaire du CPE renvoie en effet de toute évidence aux blocages généraux de la société et à ses dysfonctionnements. La France est aujourd’hui un pays bloqué. Sa classe politique, la plus vieille d’Europe, date de l’ère Brejnev. Ses élites économiques partent s’installer à l’étranger. Son modèle social ne fonctionne plus. Tout projet de réforme se heurte à des oppositions insurmontables. Les corps intermédiaires ont disparu, toutes les institutions sont en crise, et le taux de syndicalisation est l’un des plus bas d’Europe. Ajoutons à cela le climat de fin de règne qui caractérise la dernière année de la présidence Chirac, le fait qu’aux élections les partis de gouvernement ne recueillent plus les voix que d’un tiers à peine des citoyens, les pathologies sociales engendrées par l’immigration, le vieillissement de la population, l’endettement public (66,8 % du produit intérieur brut) et l’augmentation des déficits, l’incertitude qui pèse sur les retraites et le système de santé, la crise de la représentation et la délégitimation généralisée de classe politico-médiatique, la coupure entre la « France d’en haut » et la « France d’en bas ». Autant de causes de morosité et d’angoisse. Le sociologue Marcel Gauchet n’hésite pas à parler de « désespoir collectif ».

La France n’a pas seulement l’un des taux de chômage les plus élevés d’Europe (il touche près de 10 % de la population générale, mais 24 % des jeunes et jusqu’à 50 % de ceux qui sont issus de l’immigration). La société française s’est aussi profondément modifiée. Longtemps a fonctionné le modèle classique du « déversement » naguère théorisé par Alfred Sauvy : les profits accumulés dans les couches supérieures redescendaient tout le long de la pyramide sociale, finissant ainsi par profiter à tout le monde. Ce n’est plus vrai. Au modèle de la pyramide a succédé celui du « sablier » : les riches deviennent toujours plus riches, les pauvres toujours plus pauvres, tandis que les classes moyennes se voient pour la première fois menacées de déclassement : il y a aujourd’hui plus de cadres que d’ouvriers parmi les syndiqués.

Or, c’est la « France du milieu » qui stabilisait autrefois la société globale. Dès l’instant où l’« ascenseur social » est en panne, les « protégés » d’hier rejoignent les « menacés » d’aujourd’hui, et c’est toute la société qui est en passe de basculer. En un an, la France a connu trois crises majeures : le « non » au projet de Constitution européenne en mai dernier, l’incendie des banlieues en novembre et la révolte contre le CPE. Ces trois crises étaient bien différentes et n’avaient pas les mêmes acteurs. Mais elles avaient aussi des points communs : la mise en cause des élites, l’angoisse devant l’avenir, l’indifférence aux institutions. Toutes les trois, par ailleurs, n’ont débouché sur rien : le « non » au référendum n’a permis de formuler aucun projet alternatif, les émeutiers des banlieues ne demandaient rien de précis, les opposants du CPE veulent avant tout faire savoir qu’ils sont inquiets. Les luttes sociales ne parviennent plus à trouver de débouchés sur le plan politique. Ce qui confirme les limites de la démocratie représentative face aux aspirations de la société.

La France, au cours de son histoire, n’a jamais été capable de se réformer en douceur. Au XVIe siècle, il a fallu les guerres de religion pour passer du fanatisme religieux à une certaine forme de tolérance. En 1789, il a fallu une Révolution pour mettre fin à l’Ancien Régime. « La rupture est consubstantielle à notre histoire », disait récemment l’historien Jacques Marseille. La raison en est que la France est un pays où la vie politique ignore aussi bien le diagnostic partagé que le désir de parvenir à un consensus. Les Français voient bien aujourd’hui que le politique ne règle plus rien, parce que notre époque est celle de la prise du pouvoir par l’économie. Une économie qui n’est plus au service des hommes, mais dont le système met les hommes au service de ses exigences de rentabilité et de profit. Ils voient que la France n’a jamais été aussi riche, mais que cette richesse n’a jamais été aussi mal répartie. Ils voient que, sur le marché du travail, la précarité et l’insécurité deviennent la norme générale. Ils voient se profiler à l’horizon une société fondée sur la guerre de tous contre tous.

Chaque jour ils mesurent un peu plus le fossé entre la société réelle (le « peuple social ») et la bipolarité artificielle du pays légal. Et pour la première fois, ils pensent que leurs enfants vivront moins bien qu’ils n’ont eux-mêmes vécu. L’avenir, hier porteur d’espoirs, est désormais perçu comme avant tout porteur de menaces. Il est logique, dans ces conditions, que la rue cherche à dicter sa loi.

La comparaison que l’on a pu faire avec Mai 68 n’en est pas moins complètement erronée. En 1968, la question du chômage ne se posait pas et les étudiants se préoccupaient moins de leur avenir professionnel que de la « révolution » : ils voulaient changer la vie et la société ! En 2006, ils ne veulent plus changer la société, et c’est bien plutôt la société qui les a changés. Ils ne croient plus à une autre société possible. Ils vivent la leur sous l’horizon de la fatalité. En mai 1968, ils critiquaient la société de consommation. En 2006, ils veulent avant tout se voir garantir la possibilité de consommer tout au long de leur vie. C’est pourquoi ils veulent à la fois que tout change et que rien ne change. Une demande difficile à satisfaire.

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