Hier soir, je regardais, sur BFM, un entretien avec une des dirigeantes de l'enseignement catholique, lequel rejoint la grève du public contre les suppressions de postes.
Les interventions du journaliste étaient ce qu'on attendait de lui, cette mécompréhension de ce qu'est un véritable enseignement, la suffisance, l'arrogance de celui qui assène des poncifs qu'il diffuse, mi par bêtise, mi par intérêt. Les instances internationales de la finance, l'OCDE, la Commission de Bruxelles, les lobbies éducatifs, le marché mondial du péri-scolaire et les libéraux hard ou soft, n'enjoignent-ils pas de réformer une instruction désormais passée aux oubliettes de l'Histoire ? Ne s'agit-il pas d'enseigner "autrement", c'est-à-dire, en novlangue, de faire de l'éducatif, voire de la garderie, de l'"éveil", du "ludique", et surtout de formater les comportements afin de préparer les jeunes à la pseudo-existence de producteurs/chômeurs et de consommateurs abrutis ?
Mais les répliques de la représentante du privé, au demeurant assez surprise de l'agressivité de son interlocuteur contre la gente professorale, qui "doit" travailler plus (là aussi, il assénait des contre-vérités qu'aucune contestation - qui n'est pas venue - ne peut ébranler) n'étaient pas en mesure de souligner les vrais problèmes, au contraire. A cette charge contre la prétendue légèreté du travail effectué par les profs, et à la réitération incantatoire de charger la mule, elle ne fit que répondre que cela ne suffirait à rien si on s'attachait à continuer de travailler "comme il y a cinquante ans".
Peut-être, Madame, l'enseignement d'il y a "cinquante ans" (ce nombre rond sonne comme un écho péjoratif de cet archaïsme que les bougistes, les modernistes agitent comme un diable : que voulez-vous ? le passé, c'est l'horreur absolue !) n'aurait sans doute pas à rougir si on le comparait avec celui d'aujourd'hui !
Soit dit en passant, à la question sournoise et vicieuse du journaleux qui rappelait que les résultats du privé étaient meilleurs que ceux du public (lequel ramasse toutes les casseroles et les paumés du système), elle aurait pu répondre : Eh bien oui, nous faisons payer, et de ce fait - qui découle entre autres que seuls ceux qui le peuvent, c'est-à-dire les classes moyennes éduquées, peuvent le faire, y compris les profs de gauche qui ne veulent pas mêler leur progéniture à ceux qu'ils soutiennent par ailleurs - de ce fait, donc, quand on paye, on s'occupe davantage des résultats, et on éduque un peu mieux ses enfants. Sans compter, je le répète, la sélection d'établissements qui soignent les chiffres aux examens.
On voit par-là que les revendications qui motivent les protestations de ce jour sont loin d'être claires. Ou plutôt, elles le sont. Il est évident que la politique épicière du gouvernement est non seulement inefficace d'un point de vue comptable - c'est une goutte d'eau- mais aussi assez minable, assez représentative de ce que pense cette clique de béotiens qui nous dirige.
Cependant, on voit bien là le talent de la gauche pour cacher la forêt avec l'arbre de l'anti-libéralisme. C'est en quelque sorte le prologue de ce qui va se passer pour les élections. On dénonce le grand méchant Loup quand on destine placidement le troupeau à un abattoir aseptisé, mécanisé, et béni par les plus hautes instances de la secte pédagogique.
Car finalement, on veut des "moyens" pour continuer à détruire le système éducatif, voire à l'achever. Pour l'instant, sauf peut-être F.O., tous les syndicats, soit avec la foi prosélyte, soit de façon plus hypocrite, ont accepté ou encouragé la démagogie libérale-libertaire qui a présidé à la contre-culture de l'ignorance, de l'avachissement et du conditionnement idéologique qui sévissent actuellement dans les classes.
J'aurais donc fort mauvaise grâce à défiler avec des commissaires politiques, des militants de la destruction, des moines de l'utopie pédagomaniaque, des moutons de Panurge de la "Nouvelle société", celle de l'aliénation marchande et du bêlement universel.