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Luc, Nicolas, Jacques, Lionel, Claude et l’Ecole
Claude Bourrinet |
Politique
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Dans un article daté du jeudi 3 février, Marianne.2 publie un article sur la destruction programmée de l’Ecole, signé « L’Hérétique ». Il ne vaudrait pas la peine de s’attarder sur ce texte polémique, qui enfonce encore une fois les portes ouvertes de la critique syndicale. On s’en prend pêle-mêle au ministre Chatel, à Sarkozy (en notant au passage qu’il pratique le vieil adage « diviser pour régner », comme si tous les hommes de pouvoir, de droite et de gauche, n’avaient pas utilisé la même ficelle !), et le Front national, censé vouloir conduire une politique éducative sarkozyste, mais en pire.
Que Chatel applique une politique de démembrement du système éducatif, rendant très difficile, voire impossible l’enseignement dans maints établissements, qu’il assèche le financement de l’immense machine à instruire (de moins en moins), à intégrer (très difficilement, mais dans quel sens ?), à encadrer (ce que suggère sa vocation affichée de « lieu de vie », c’est-à-dire de garderie) ou d’endoctrinement (ce qu’est de plus en plus l’Ecole), voire de préparation au monde de l’entreprise (qui est la tâche enthousiasmante de l’éducation, désormais), telle est la vérité du moment. Cependant, pourquoi viser particulièrement tel gouvernant actuel, quand cet objectif, d’une Ecole à l’américaine, culturellement défectueuse, inégalitaire et utilitariste, est, ouvertement ou implicitement, ce que tendent à installer tous les ministres qui se sont succédés depuis Haby.
L’accent mis sur le manque de moyens est non seulement apte à cacher le vrai problème, à savoir la finalité de l’enseignement, mais surtout permet aux syndicats de retrouver une virginité, une innocence qu’ils ont perdues depuis longtemps. Car à y regarder de près, l’égalitarisme imbécile qui sous-tend toutes les réformes dont la réalisation aboutit à un écart encore plus flagrant entre riches et pauvres est revendiqué aussi bien par les uns que par les autres. Jamais la gauche institutionnelle ou « révolutionnaire » (de pacotille), jamais les officines syndicales comme la FSU (la plus puissante) n’ont contesté cette philosophie, bien que les tares en soient flagrantes. Les objectifs de 80% au baccalauréat, les TPE en lycée, les « soutiens individualisés », l’allègement des programmes, leur basculement vers les « méthodes », « savoir-faire », les conseils de la vie lycéenne (au nom d’une « démocratie grotesque ») et autres palliatifs au vide scolaire, la contestation de l’Ecole républicaine qui avait fait du système «éducatif français le meilleur du monde, tout cela a été repris, ou n’a pas été contesté par la gauche, qui, au fond, faisait un sale boulot que ne pouvait faire la droite. Aussi voit-on bien que l’une et l’autre étaient complices, que le libertaire couvre le libéral, et que l’esprit de 68 sert d’oripeaux à la marchandisation.
Crier donc au scandale, accuser Chatel d’encourager le privé en affaiblissant le public (quand il est en train de privatiser le public, avec la bénédiction des pédagos, qui y voient un moyen d’enrégimenter les professeurs récalcitrants, et de mettre en œuvre leur doctrine nuisible, en autonomisant les établissements) est un leurre, un écran d’encre. Attaquer le FN (qui n’a pas encore gouverné) sans viser le PS, Jospin, Lang et Allègre, lesquels ont bousillé autant l’Ecole que Chatel, c’est avoir une dose assez substantielle de mauvaise foi et d’hypocrisie.
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