On ne badine décidément pas avec l’honneur du corps enseignant. Le site Note2be.com a déclenché l’ire du mammouth en offrant la possibilité aux élèves de noter leurs professeurs au vu et au su des internautes du monde entier… comme cela se pratique notamment en en Allemagne, pays où un seul enseignant a tenté - en vain – d’aller au tribunal !
Je serais mystique, je considèrerai à l’évidence une telle affaire comme la preuve de l’existence du Malin qui se jouerait de son monde par une superbe inversion des valeurs…
Quoiqu’il y en ait tant d’exemples de nos jours que celle-ci aurait pu passer inaperçue. Oui, mais voilà, cette initiative frappe de plein fouet la caste des « intouchables français » par excellence dont il est toujours dangereux de contester l’absolu perfectibilité : l’ancien ministre socialiste de l’Éducation nationale Claude Allègre l’a réalisé, mais un peu tard, à ses dépends. Son actuel successeur Xavier Darcos n’a pas manqué d’en tirer la leçon en prenant acte « avec satisfaction » de la décision du tribunal des référés de Paris de suspendre « l’utilisation de données nominatives d’enseignants aux fins de leur notation et de leur traitement ainsi que leur affichage sur les pages du site »… et leur réitérant au passage son soutien. Ceux-ci sauront-ils s’en souvenir ? Peut-être, si, d’ici là, un autre pantin sarkozyste n’a pas pris sa place.
Que des élèves puissent noter en place publique leurs professeurs est la porte ouverte à de basses vengeances de cancres tout comme à des règlements de comptes politiques si l’enseignant a officiellement ou trop ostensiblement affiché des opinions à contre-courant de l’actuel politiquement correct.
Note2be.com a réhabilité l’usage si détestable de la mise au pilori… Une pratique dont les journalistes avaient jusqu’alors réussi à prendre le monopole.
Alors, que certains professeurs « qui ont eu une note très basse se [soient] sentis atteints » et qu’ils aient vécu cette « mise sur la place publique comme un lynchage » n’est pas étonnant.
Mais à qui la faute ? Qui a commencé ?
N’a-t-on pas vu, à l’occasion d’un énième mouvement de grève du corps enseignant, des professeurs grévistes empêcher des élèves devant passer peu après un examen de pénétrer dans leur établissement pour suivre les cours de professeurs non-grévistes ? Et ces élèves être obligés de « sauter le mur » pour parvenir jusqu’à leur salle de classe ?
C’était là aussi une flagrante « inversion » des valeurs… pas pire, finalement que l’initiative du site Note2be.com.
Les critères de jugement retenus par ce dernier concernant les professeurs sont au nombre de six : « intéressant », « clair », « disponible », « équitable », « motivé »… et « respecté » ! Au moins, Stéphane Cola, le responsable du site, a-t-il eu le bon goût (ou la prudence) d’éviter de soumettre au jugement des potaches celui de « respectable ».
Je termine d’écrire cette chronique lorsque j’ai au téléphone un professeur de mes amis – personne n’est parfait, j’ai des amis professeurs, que les Dieux ne m’en tiennent pas trop rigueur ! – et lui demande son avis sur cette affaire. Ajouterais-je que ce professeur a l’habitude d’affronter plus qu’à son tour les bourrasques du politiquement correct ? Et que, d’après lui, s’il y a un jugement bien plus redoutable encore, c’est celui des élèves.
Sa réponse est explicite. Lui trouve l’initiative du site Note2be.com plutôt intéressante, soulignant que les professeurs de collège comme de lycée ne sont jamais soumis à aucun jugement, hormis celui de leurs pairs de l’Académie… et que nombre d’entre eux sont si mauvais que cela ne fait pas de mal à leur ego d’être ainsi remis en question… Que les bons professeurs, eux, n’ont pas tant à craindre que cela, même pour des raisons politiques, les élèves étant plutôt honnêtes. Plus, en tout cas, que la majorité des professeurs en général, et ceux de gauche en particulier !
Dont acte, mon cher Christian !