Les tares de l’extrême-droite (III), L’obsession du complot
Ce qu’on appelle l’extrême-droite est un monde complexe, ne serait-ce que sur le plan idéologique, puisqu’on y trouve aussi bien des catholiques dits « intégristes » que des grécisto-païens.
Dans tous les partis, qu’ils soient de gauche ou de droite, on trouvera, certes, des divergences sur des problèmes de stratégie ou de tactique, et de nombreux conflits provoqués par des ambitions personnelles. On voit très bien que le Parti communiste est aujourd’hui divisé sur l’attitude à adopter à l’égard de l’Europe. Et il n’est guère douteux que Marie-Georges Buffet et Robert Hue ne doivent pas s’aimer beaucoup. Même situation entre Fabius et Dominique Strauss-Kahn, et les eux hommes ne doivent guère apprécier François Hollande.
Mais tout cela se passe en général en coulisses, et ne déborde pas dans le domaine public, ce qui lui donne, automatiquement, une dimension passionnelle.
Les choses sont très différentes à l’extrême-droite, particulièrement quand intervient un échec, ou qu’éclate à l’intérieur du mouvement une crise. Aucune autocritique ne fonctionne. On ne dit pas : « Voyons, nous avons perdu cette bataille électorale. A quoi est-ce dû ? Quelles fautes avons-nous commises ? » Non. Le bruit se répand, à toute allure : « Nous avons été infiltrés, manoeuvrés, subjugués, par des ennemis extérieurs ».
Ces ennemis, qui sont-ils ? Pour l’essentiel, ils se limitent à deux : les juifs et les Francs-maçons.
Prenons l’exemple du Front national. Il a compté dans ses rangs très peu de juifs, pour l’essentiel des juifs pieds-noirs, marqués par la guerre d’Algérie. Ils n’ont jamais occupé de postes importants.
Ecrivant ces mots, je crois déjà entendre le ricanement de certains. « Oui, mais les juifs camouflés, tu ne peux pas les voir. » Je vois très bien deux cas que l’on me citerait, et que je laisse à mes contradicteurs le soin de nommer, et de le faire par écrit, et non pas dans les innombrables ragots qui émaillent les propos d’extrême-droite.
Les deux hommes ont en effet occupé des fonctions très importantes à l’intérieur du Front. Comme ils furent aussi actionnaires de la Société anonyme National hebdo, quand je dirigeais cette publication, il se trouve que j’ai eu accès à leurs fiches d’état-civil.
Pour le premier, la fiche renvoyait à un article de loi concernant les enfants trouvés et adoptés. Si l’on considère que tout enfant trouvé et adopté est juifs, où va-t-on ? J’ajoute que le nom de ses parents adoptifs n’avait rien de juif.
Les patronymes du père et de la mère du second étaient parfaitement franchouillards. Avait-il une grand-mère maternelle qui s’appelait Lévy, ou une grand-mère paternelle nommée Finkelstein ? Je n’en sais fichtre rien. Mais ceux qui colportaient ce genre de ragots n’en savaient pas davantage.
Passons aux Francs-maçons. Il y a eu, effectivement, plusieurs dirigeants du Front qui étaient des « frères ». L’un d’eux, qui est mort maintenant, était un proche de JMLP. Un autre, bien connu, est parti avec Mégret. Si l’on me dit que, par lui, la franc-maçonnerie est responsable de la scission, je me contenterai de sourire. Je crois que l’influence grécisto-païenne fut sensiblement plus importante. A quoi on me répondra peut-être que les « frangins » et les grécisto-païens c’est kif-kif-bourricot, ce qui me paraît un peu simpliste.
Dernière remarque, parmi les comploteurs, je n’ai jamais entendu citer les agents des Renseignements généraux, ou de la DGSE... Certes, il est douteux qu’ils forment à l’intérieur de l’extrême-droite une conspiration. Mais qu’ils soient capable de fournir des renseignements aux services de l’intérieur, oui. Et si le ministère de l’Intérieur ne les utilise pas, c’est qu’il ne fait pas son boulot.
Roland Gaucher.