La gauche de la gauche renvoie Hollande à sa politique
Les Verts comme le Parti communiste sont restés sourds à l'appel à l'union lancé lundi par le chef de l'État lors de sa conférence de presse.
La mise en garde a été entendue, pas forcément écoutée. Face à l'éclatement de la gauche à l'orée des élections régionales de décembre, François Hollande avait prévenu ses alliés lundi à l'occasion de sa conférence de presse: «La dispersion, c'est la disparition». Un appel à l'unité en forme de vœu pieux alors que sa majorité n'est jamais apparue aussi désagrégée. Un appel dans le vide aussi tant François Hollande s'emploie lui-même à décourager les alliés traditionnels du PS. «Il peut y avoir de la diversité, du pluralisme, avait-il concédé. Mais il y a des rassemblements qui doivent se faire sur l'essentiel, bien au-delà des partis.» Le président de la République pensait aux «réfugiés», au «climat» ou encore à «la lutte contre le terrorisme» mais aussi à «l'économie». Et c'est bien sur ce dernier point que la gauche se fracture.
Principal reproche adressé au chef de l'État: sa ligne politique. Ce que Jean-Luc Mélenchon a résumé à sa manière en la qualifiant de «politique de droite, et même de la droite libérale assez dure». Pour le patron du Front de gauche, «dans un certain nombre de domaines, il est pire que Nicolas Sarkozy». Les Verts ne sont pas loin de penser la même chose, qui se rapprochent de plus en plus de Jean-Luc Mélenchon dans la perspective des élections régionales.
L'intervention du président de la République ne les aura pas rassurés, notamment lorsqu'il a évacué l'idée d'instaurer la proportionnelle en expliquant que «la crise démocratique ne répond pas simplement à une obligation de changer un scrutin». Exit cette vieille revendication des écolos. Pas de quoi les faire revenir au gouvernement, même avec la perspective du sommet sur le climat à Paris à la fin de l'année. Comme pour marquer la rupture définitive avec eux, Ségolène Royal a acté le report à 2018 de la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim.
Bref, avec les Verts, tous les voyants sont au rouge. Comme avec les communistes d'ailleurs qui se sont inquiétés du chantier à venir sur le Code du travail. «Il avance peut-être à pas feutrés mais dans une direction qui est très claire, qui est une nouvelle vague de déréglementation sociale, s'est agacé Pierre Laurent, secrétaire national du PCF. On va entamer, si on laisse faire le gouvernement, le détricotage des garanties sociales du Code du travail.»
Même au sein du propre parti de François Hollande, on partage les critiques sur sa ligne politique et le désarroi qu'elle provoque dans l'électorat de gauche. Chef de file de l'aile gauche du PS, Christian Paul revisite la maxime énoncée lundi par le chef de l'État. «La déception, c'est la disparition», pointe-t-il pour demander à François Hollande de tenir compte de ses revendications lors de l'examen du budget 2016. Plus que jamais, cette «déception» des électeurs de gauche menace le PS. Si le parti semble avoir fait son deuil de réussir à présenter des listes d'union pour le premier tour des régionales, il concentre désormais toute son attention sur deux régions: Nord-Pas-de-Calais-Picardie et Provence-Alpes-Côte d'Azur. C'est là que le Front national menace de l'emporter. «Au Nord, il y a Calais ; au Sud, la Méditerranée, relève Christophe Borgel, secrétaire national du PS aux élections. Vous imaginez ce qui se passera sur la question des migrants si le FN gagne? On pourra toujours ergoter après le scrutin sur les causes de la division mais après, si on perd, il faudra vivre avec les conséquences.»
Rue de Solferino, on a en tout cas apprécié la mise en garde de François Hollande sur le risque de «disparition». On se montre en revanche moins disert sur sa ligne politique. Et l'on préfère penser qu'aux régionales, les électeurs se rappelleront que dans bien des endroits, socialistes, écologistes et communistes ont dirigé ensemble les régions pendant six ans. Bref, que le débat local l'emportera sur l'enjeu national. Pourtant, ce n'est quasiment jamais le cas.