Toutes les religions, pour peu quelles correspondent à un fond, c'est-à-dire à un lien (religare) avec le principe divin, qui exige un certain comportement, aussi bien pour le christianisme que pour l'islam et même pour le ... paganisme (par exemple le néoplatonisme), sont incompatibles avec le monde moderne, lui, fondé sur le culte de l'argent, l'individualisme, l'hédonisme vulgaire et le consumérisme. Le problème, en cette matière, avec les "phobes" (islamophobes, arabophobes), c'est qu'ils raisonnent en termes bioculturels, et essentialisent des options spirituelles, en les réduisant à des signes civilisationnels, symboliquement horizontaux. En parlant de la "France", de l'"Occident" comme une entité incarnée et homogène, on fait comme si ces données historiques étaient évidentes, comme s'il n'avait jamais existé de contradictions internes, avant tout entre les concepts d’ « Occident » et d’ « Europe », voire de conflits sanglants. Quel rapport, sinon mortel, entre la Commune et Versailles ? Quel lien entre Mammon et Dieu ? Qu'est-ce qui me rapproche d'un Français de souche atlantiste, américanisé, lobotomisé par la télé, adepte du show business, et bouffeur de hamburgers ? Rien ! Même chose d'ailleurs pour les musulmans. L'islam critique beaucoup de leurs comportements vulgaires. Ils sont parfois aussi cons que nous, peut-être plus, car ils éprouvent une fascination pour les saloperies occidentales (béton, plastique, merdes télévisuelles). Donc, le problème n'est pas le choc des civilisations, qui n'est somme toute qu'une bagarre inepte entre supporters, mais l'union entre ceux qui veulent élever l'homme, contre ceux qui le rabaissent. Je m'entends à ce compte très bien avec un musulman intègre, un catholique ou un bouddhiste semblable. Dès lors que l'on pense comme cela, une compatibilité ou une incompatibilité avec un régime politique se posent autrement. La religion est toujours en dehors, et en dedans, mais ce dedans est souvent critique. Ceux qui s'en prennent à l'islam devraient songer à l'un des textes fondateurs de l'esprit "occidental", à savoir Antigone, de Sophocle. L'héroïne se soulève contre la logique cynique du politique au nom des valeurs éternelles, au nom du culte des morts, au nom des valeurs spirituelles. Est-elle alors une "fondamentaliste", une "intégriste" ? Eh bien oui : elle va même jusqu'à mourir atrocement pour ses idées. Pensons aussi à Jeanne d'Arc. Car il fut des moments miraculeux, dans notre histoire, de même d'ailleurs qu'il peut arriver dans l'histoire d'un homme, où la matière, la dimension horizontale croise et fusionne, en un point central, avec la dimension verticale, avec l'Esprit. Si nous étions grands (ce que nous ne sommes pas mais que nous pouvons être), nous nous rassemblerions autour des vraies valeurs d'authenticité, de simplicité, de charité et d'amour pour le Divin, contre les forces démoniaques, répugnantes et mortelles qui avilissent l'être humain de par le monde et le transforment en larves, en esclave, de lui-même et de l'oligarchie mondialiste. Cela suppose aussi que nous nous reconnaissions dans nos spécificités, car l'homme est riche de ses cultures. Les musulmans doivent s’adapter au mode de vie européen (sans que ce soit forcément une répudiation totale des origines de chacun : on peut se sentir français, européen, en gardant des racines algériennes, et le souvenir de ses ancêtres), mais nous, nous devons respecter les mœurs et coutumes des autres sphères culturelles dans le monde. Tout est question de loyauté et de clarté.