Le cycle médiatique américain traite habituellement des catastrophes en trois phases : émotion, lucidité pratico-pratique et récupération idéologique. Nous sommes à la jonction des stades 2 et 3.

Le 14 au soir, sur CNN, intervention lucide de Robert Baer, ancien de la CIA qui a vécu plusieurs années à Paris (et dont l’histoire personnelle est relatée dans le film Syriana avec George Clooney). En résumé, il indique que la situation de la France est insoluble en l’état : très importante communauté musulmane « d’origine algérienne », implantée dès les lendemains de la Deuxième Guerre mondiale, « intrinsèquement » incapable de s’intégrer (“…inherently can’t integrate…”) ; des prisons devenues usines à radicalisation islamique ; impossibilité physique pour la police de contrôler des milliers et dizaines de milliers de suspects. Bref, ou bien il faut recruter un million de policiers supplémentaires, ou bien il faut déporter tous les suspects (mais où ?), ou bien (et c’est sa suggestion) c’est la mise en place d’une vaste opération de détention préventive.

Autrement dit, la France, qui vient de rejoindre le club du 11 septembre, doit modifier ses lois… Pas facile (“no easy out”) ! Et de rajouter : « Il y a un cocktail dangereux en Europe… la France va virer à droite avec madame Le Pen. » Notons qu’il n’a pas dit extrême…

Nous entrons maintenant dans la phase de récupération. Les interventions commencent à pulluler au sein de la gauche américaine pour intensifier leur combat contre le 2e amendement de la Constitution (le droit du citoyen de détenir et de porter des armes) au motif que les terroristes de Paris auraient pu trouver leurs armes sur le marché libre, aux États-Unis. Quel rapport ?

Plus significatif, les ultra-conservateurs (la majorité des élus au Congrès, républicains et démocrates) peuvent dirent merci à l’État islamique et à « Monsieur Mou », peut-être pas si innocent, après tout. En invoquant « l’acte de guerre », il a déclenché un réveil des « Neocons » (par exemple l’influent sénateur Lindsey Graham le 15 novembre sur CNN) qui espèrent ardemment voir la France invoquer l’article 5 du traité de l’OTAN pour partir en croisade… contre l’Iran, Assad et la Russie ! Et, tant qu’à faire, mettre le peu d’Europe encore libre à sa botte.

Graham-Folamour conclut : « On va dire aux Russes “Ou vous êtes avec la coalition mondiale, ou pas !” Et vous verrez, la Russie va se coucher ! »

Qui pousse derrière ? Les salafistes saoudiens, bien sûr. Et le pétrolier Jeb Bush de jeter une petite larme sur la France, ralliant le gang de l’article 5, et préconisant la mise en place d’une zone d’exclusion aérienne en Syrie, qui vise essentiellement la Russie (et la Turquie).

Obama était plus malin : en envoyant en Syrie 50 soldats des forces spéciales dans les zones visées par les Russes, il les a utilisés comme boucliers humains. Plus efficace…

Quant au débat des primaires démocrates du 14 novembre, peu à signaler. Le journaliste n’a pas réussi, malgré de multiples tentatives, à faire sortir le mot islamiste de la bouche des candidats. À l’Ouest, rien de nouveau.