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Du Serment de Koufra au Little business de Paris avec Washington [1]

Hors ses sempiternelles guerres coloniales, la Gauche historico-systémique n’a jamais eu beaucoup d’affect pour la chose militaire, le passé est pavé de ses erreurs. Depuis les années 70, un autre mal plus insidieux ronge notre défense : nos armées ne sont rien d’autre que la variable d’ajustement de Bercy au gré de ses oukases successives. À ces aunes peu rassurantes, de quoi l’arrivée de Florence Parly, à la réputation plus gestionnaire que guerrière, à la tête du ministère des armées (sic) est-elle le prélude ? La décision (annoncée) de brader nos Mirage F1 à des entreprises US sera-t-il le premier signe d’une géostratégie plus globalisée (sic) du quinquennat ? 1ère Partie.

| Q. Que se passe-t-il donc avec nos bons vieux Mirage F1 ?

Jacques Borde. C’est notre estimé confère Michel Cabirol (La Tribune) qui a levé le lièvre : Paris se démène pour vendre nos 64 vieux Mirage F1 à une société de services américaines : Draken ou ATAC.

« C’était sur le bureau de la ministre des Armées Sylvie Goulard, plutôt dans le haut de la pile. Après son départ de l’Hôtel de Brienne, le dossier de la vente de 64 Mirage F1 attendra la nouvelle ministre Florence Parly. Elle devra choisir de vendre les Mirage F1 retirés du service en France en 2014 à deux sociétés américaines Draken International ou à Airborne Tactical Advantage Company (ATAC), selon nos informations. Le contrat serait évalué à 25 millions d’euros »1, précise Michel Cabirol.

| Q. Je vous sens agacé ?

Jacques Borde. Pas agacé, ulcéré. Il existait d’autres options plus conformes aux intérêts de la France.

Tout ça pour gagner moins de trente millions d’euros ! Quant on pense d’où est parti le général pour constituer les ailes de la France libre…

| Q. Mais ces appareils valent-ils encore le coup, militairement parlant ?

Jacques Borde. Bien sûr que oui ? À meilleure preuve, le fait, souligné par Michel Cabirol, que « Les deux sociétés sont très intéressées par l’avion de combat de Dassault Aviation (720 appareils vendus) mis en service en 1973 et dont les stocks sont conservés sous cocon à la Base aérienne de Châteaudun »2.

Or, de fait, ces acheteurs potentiels, qui ne sont pas des musées ou des ferrailleurs, prévoient bien de s’en servir. Ce qui prouve bien le côté bon pour le service de ce parc de Mirage F1.

| Q. Comment ?

Jacques Borde. C’est assez simple, en fait :

« Draken, qui dispose déjà d’une flotte de 80 avions de combat, et ATAC proposent à l’armée de l’air (USAF) et à la Marine (US Navy) des avions de combat pour la formation de pilotes de chasse (tactique, simulation de menaces, soutien tactique air/sol, ravitaillement air/air…) »3.

Ces appareils sont destinés à voler. Et pas qu’un peu. Encore une fois, ces appareils « ont été retirés du service actif le 13 juin 2014 ». Donc très récemment, ils en ont donc pas mal sous le capot.

| Q. Les offres américaines ne sont pas intéressantes ?

Jacques Borde. Si, mais là n’est pas la question. Quel intérêt au plan militaire et géostratégique de procéder de la sorte.

| Q. Mais nous ne voulions pas les vendre ?

Jacques Borde. Si. À l’Argentine, dont la Fuerza Aérea Argentina (FAA) n’a pas été en mesure de remplacer ses Mirage IIIEA/DA et VP. Du coup, le ministre de la Défense argentin, Julio Martínez, avait évoqué l’achat de 12 de nos Mirage F1.

Mais devant la précédente représentation nationale, le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, avait reconnu n’attendre que « 40 millions de la vente des Mirage F1 à l’Argentine ».

Quarante millions ! Outre qu’en si peu de temps nous sommes passés de 40 M€ à 25M€, soit 15 M€ de chute, une simple question : ces redoutables bêtes de guerre se seraient-elles pas mieux à leur place sous une autre livrée que privée à faire ce qu’elles font le mieux : matraquer les colonnes de 4×4 d’Al-Dawla al Islāmiyya fi al-Irāq wa al-Chām (DA’ECH)4 et consorts ?

| Q. L’appareil n’est pas un peu dépassé, je vous parle là d’un véritable service actif ?

Jacques Borde. J’entends bien ! Absolument pas. D’ailleurs :

1- Draken et ATAC sont bien intéressés par un service actif en bonne et due forme des appareils ;
2- allez dire ça aux Espagnols qui négocient (eux aussi) avec l’Argentine pour la vente de leurs 20 Mirage F-1M5. Ces appareils basés à la Base aérienne de Los Llanos à Albacete ont été retirés du service fin juin 2013. Les nôtres un an après…

| Q. Alors, pourquoi vendre à des Américains ?

Jacques Borde. Là, les chiffres sont clairs : pour engranger moins que l’offre argentine. Toutefois, si l’on en croit ce que nos en dit Michel Cabirol :

« L’offre de Draken International semble plus intéressante sur le plan industriel pour les PME européennes. Pour la remise en service des appareils, Draken International s’appuierait notamment sur Sabca, la filiale belge de Dassault Aviation spécialisée dans la modernisation d’avions militaires, et de la PME française Secamic présente dans la maintenance d’appareil de seconde main »6.

| Q. Donc l’offre américaine a du sens ?

Jacques Borde. Je ne vous ai jamais dit que les offres étasuniennes n’en avaient pas. Ce que je veux dire c’est que disposant d’appareils performants, amortis et aguerris, c’est, selon moi, une tragique erreur de se laisser ainsi enfermer dans une vulgaire logique comptable.

| Q. Pour quelle raison ?

Jacques Borde. Parce que, géostratégiquement, il serait plus opportun de garder ces appareils en parc où leur trouver un (ou des utilisateurs) se situant dans notre périmètre géostratégique et qui les utiliserait contre notre ennemi commun : les hordes takfirî.

Tout le monde n’a pas la chance d’avoir sous le coude 64 appareils de combat toujours bons pour le service. Les brader est donc une grossière erreur.

| Q. Et à quoi pensez-vous ?

Jacques Borde. Puisque l’administration Macron semble vouloir demander aux autres Européens de (enfin) casser leur tirelire pour étoffer nos moyens de Défense et, également, de combattre le terrorisme, il serait tout à fait possible de faire de notre parc de Mirage F1 la colonne vertébrale d’une Task force aérienne basée de manière permanente en Afrique Sahélo-saharienne.

Le tout est plus une question d’habillage juridique et de positionnement de ces appareils.

| Q. De quelle manière ?

Jacques Borde. Les capacités de frappe aéroportée tchadiennes sont, par exemple, très limitées. Or dans cette région, taper loin et vite est primordial.

De mémoire, le seul avion d’armes au couleur de la Force Aérienne Tchadienne (FAT) est le Su-25UB Frogfoot, acquis à 8 exemplaires mais dont aucun ne serait en état de vol. Pas plus semble-t-il que les Mil M-24 Hind, qui eux sont des hélicoptères d’assaut, tout aussi made in Russia que le Frogfoot.

En fait, le gros du soutien aérien provient des appareils français détachés dans la région. Ce qui est, désolé de le dire :

1- notoirement insuffisant ;
2- quelque part, un peu absurde ;
3- est payé, de toute façon, par notre pays et lui seul.

| Q. Qu’y peut-on ?

Jacques Borde. Si Paris voulait faire preuve d’audace, le plus simple serait de rééquiper au plus vite la FAT.

| Q. Comment ?

Jacques Borde. Les solutions ne manquent pas. Il existe sur le marché des appareils assez simples d’utilisation. Je pense notamment au Air Tractor AT-802U Archangel. Un engin robuste disposant de 6 points d’emports qui a été développé pour répondre au programme de Light Attack/Armed Reconnaissance (LAAR) de l’US Air Force. Les AT-802U (ou Block 3) ont connu l’épreuve du feu au Yémen, puis en Libye, où ils ont été engagés, discernement et indirectement, par l’Al-Quwwāt al-Jawiyya al-Imārātiyya (UAEF)7.

Ça n’est, bien sûr, qu’un exemple.

| Q. La France n’a rien à disposition ?

Jacques Borde. Proprio motu, non. Pas d’engins de ce type. Mais, pourquoi voir si petit, d’autres options sont à notre portée. Et avant tout celle de nos Mirage F1 en cocon…

| Q. Pourquoi cette option africaine particulièrement ?

Jacques Borde. Le problème de la Bande Sahélo-saharienne (BSS) est qu’il lui faudra des appareils à demeure, pour au moins un décennie (si ce n’est pas plus). La rotation ad vitam æternam d’appareils de notre armée de l’Air est la fausse bonne solution à ce problème.

Surtout que nous n’avons plus que des appareils à l’entretien coûteux et dont nous avons par ailleurs besoin pour assurer notre propre défense, Rafale ou Mirage 2000D et N. User à des missions de nettoyage nos appareils destinés à la dissuasion nucléaire est une aberration.

Quant à des appareils d’appui comme le AT-802U Archangel, leur problème est qu’ils sont trop lents et ont un rayon d’action limité. Ce qui n’est pas le cas du Mirage F1.

| Q. Donc nous sommes bloqués ?

Jacques Borde. Oui et non. Au lieu de vendre ces merveilleuses machines que sont nos Mirage F1, le mieux serait de les remettre en service . Nos derniers F1 opérationnels étaient les Mirage F1 CR de l’Escadron 2/33 Savoie, qui ont été retirés du service le 13 juin 2014.

Sinon, de mémoire, les Marocains ont encore en parc une partie de leurs 50 Mirage F1 MF2000.

[à suivre]

Notes

1 La Tribune .
2 La Tribune .
3 La Tribune .
4 Ou ÉIIL pour Émirat islamique en Irak & au Levant.
5 Pour un montant de 221 M$US.
6 La Tribune .
7 United Arab Emirates Air Force, Force aérienne des Émirats Arabes Unis.

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