Mohamed Ali, boxeur légendaire et icône culturelle
Samedi dernier 4 juin 2016, le boxeur surnommé « the greatest » s’est éteint à l’âge de 74 ans.
Cassius Clay est né le 17 janvier 1942 dans le sud des état-unis à Louisville Kentucky, et fut évidemment marqué par la ségrégation raciale en vigueur à l’époque. Il rejeta son « nom d’esclave » en 1964 peu de temps après avoir remporté son premier titre de champion du monde de boxe poids lourd, pour devenir celui que le monde entier connaît sous le nom de Mohamed Ali.
Incontestablement l’un des plus grands boxeurs de l’histoire, Mohamed Ali s’est mesuré aux plus redoutables de son époque dont les plus célèbres furent George Foreman, Joe Frazier, Floyd Patterson et Sonny Liston, face auquel il remporta son premier titre de champion du monde à 22 ans. Il affronta également lors d’un célèbre combat Chuck Wepner, qui réussit à tenir bon durant 15 rounds avant de perdre par KO technique. Ce combat célèbre qui eut lieu en 1975 inspira Sylverster Stallone qui créa alors le personnage de Rocky…
S’inspirant en la matière des catcheurs professionnels, Mohamed Ali reste célèbre pour son agressivité verbale et son attitude provocante aussi bien sur le ring qu’en dehors, notamment lors des pesées et conférences de presse. L’une de ses principales rhétoriques consistait à se présenter comme le champion du peuple, son opposant incarnant l’establishment WASP. Ce fut notamment le cas face à Patterson, que Mohamed Ali appela uncle tom – terme chargé sociologiquement et politiquement – lors de leur rencontre en 1965. Joe Frazier fut pour sa part taxé d’être un « outil de l’établissement blanc ».
Le fameux « trash talking » d’Ali suffit par ailleurs à mettre en déroute le basketteur Wilt Chamberlain (que l’on a vu apparaître aux cotés de Schwarzenegger dans le film « conan le destructeur ») qui avait lancé un défi au célèbre boxeur au cours de l’année 1967. Malgré ses 2,20m et son allonge, Chamberlain annula le combat, probablement en toute sagesse.
Le parcours de Mohamed Ali fut jonché d’obstacles, et son inflexible volonté est sans doute l’une des raisons pour lesquelles sa personnalité et sa vie inspirèrent tant d’athlètes. Avant de devenir professionnel, Mohamed Ali a totalisé plus de cent victoires en amateur et seulement cinq défaites.
Mais les épreuves de « the greatest » ne furent pas seulement sportives : elles furent également sociales, politiques et spirituelles.
Mohamed Ali s’est converti à l’Islam en se rapprochant de l’organisation Nations Of Islam, que Malcolm X devait quitter deux semaines après que le célèbre boxeur soit officiellement devenu membre – Ali regretta par la suite sa rupture avec le leader noir1. Suite à ce choix, la World Boxing Federation lui retira son titre. Mohamed Ali se heurta de plein fouet aussi bien au monde de la boxe qu’aux médias, la NOI d’Elijah Mohamed tenant à l’époque un discours ouvertement racialiste et subversif à l’égard du système américain.
En mars 1966 Ali fut appelé sous les drapeaux pour combattre au Viet Nam, la guerre ayant débuté l’année précédente ; le boxeur refusa d’y prendre part au motif qu’il n’avait rien contre les viet congs : « They never called me nigger, they never lynched me, they didn’t put no dogs on me, they didn’t rob me of my nationality, rape or kill my mother and father…. How can I shoot them poor people? Just take me to jail »
Du fait de son refus de la guerre, et après sa conversion religieuse tapageuse dans une Amérique qui venait tout juste d’abolir la ségrégation raciale, Ali se vit systématiquement refuser sa licence de boxe. De 1967 à 1970 le champion fut contraint de rester loin du ring, perdant alors les années qui sont d’ordinaires parmi les plus prolifiques pour un athlète (de 25 à 29 ans)
Mais il profita de sa célébrité pour devenir un porte parole du mouvement opposé à la guerre du Viet Nam, auquel il associa un discours de lutte pour la cause noire.
En 1971 au terme d’une bataille juridique de plusieurs années Mohamed Ali put récupérer sa licence et à nouveau enfiler ses gants. Trois ans plus tard, il devient à nouveau champion du monde des poids lourds en battant George Foreman lors du « Rumble in the Jungle » à Kinshasa. L’année suivante, il affronta à nouveau Joe Frazier qu’il vainquit par KO technique. Il raccrocha les gants en 1981, à l’âge de 39 ans.
Mohamed Ali n’a jamais mis un terme à ses engagements politiques, qui peuvent paraître paradoxaux s’ils ne sont pas abordés sous l’angle de la foi qui a animé le boxeur tout au long de sa vie. En 1984 (l’année où sa maladie de Parkinson fut diagnostiquée) il « lâche » Jesse Jackson pour apporter son soutien au républicain Ronald Reagan, connu pour son conservatisme. Sur les motifs d’un tel soutien, Mohamed Ali déclare alors tout simplement que Reagan veut « garder Dieu dans les écoles, c’est suffisant »2
En 1991 alors que la guerre du Golfe éclate, l’ancien champion du monde part en Irak et rencontre Saddam Hussein pour négocier la libération de 15 civils américains détenus par le régime en place.3 A Bagdad, Ali demeure sans nouvelles de Saddam Hussein pendant une semaine, visitant les écoles, mosquées, déterminé à présenter un autre visage de l’Irak que celui habituellement dépeint par les médias occidentaux. Arrivé à cours de médicaments destinés à traiter sa maladie, Mohamed Ali finit néanmoins par rencontrer le président irakien et rentre en Amérique avec la totalité des otages.
En novembre 2002 c’est en Afghanistan qu’il se rend en tant qu’ambassadeur de la paix pour l’ONU ; il y rencontre Hamid Karzai dans le cadre de la reconstruction du pays devant faire suite à l’intervention occidentale de 20014.
Dès 1975 Mohamed Ali avait rompu avec l’engagement “black-muslim” de la NOI pour se tourner dans un premier temps vers l’islam sunnite “orthodoxe”. Dans une interview de 2005, sa fille Hana Yasmeen Ali racontait comment son père avait abandonné l’approche strictement religieuse pour embrasser une spiritualité soufie plus profonde,5 plus en phase avec sa générosité naturelle et sa tendance à rester proche du peuple.
L’aventure de Mohamed Ali a inspiré de nombreuses personnalités et athlètes mais peut parler à chacun de nous, parce qu’elle illustre le pouvoir de la volonté et l’accomplissement de soi même. Envers et contre tous, Mohamed Ali était un être entier et indépendant en constante évolution, non seulement dans sa carrière sportive mais également dans ses engagements politiques et spirituels. Ces différents aspects de sa personnalité ne pouvant être séparés, Mohamed Ali aura marqué l’histoire non seulement comme boxeur légendaire, mais aussi comme icône culturelle.
Notes
1 uproxx.com
2 nytimes.com
3 nypost.com
4 unicef.org
5 beliefnet.com