Accueil ACTU Monde Alep, Raqqa, etc. : À quoi servent les trêves, à part aider… DA'ECH & co. ?

Alep, Raqqa, etc. : À quoi servent les trêves, à part aider… DA'ECH & co. ?

Alep toujours en proie aux combat & sa partie contrôlée par les terroristes (en partie) dégagée par une nouvelle vague de Contras pro-occidentaux violant la trêve imposée par ces mêmes Occidentaux ! & toujours cette même question : qui d’Alep, de Raqqa ou de Mossoul tombera la première & surtout aux mains de qui ?

| Q. Vous me disiez avant de commencer cet entretien, rejeter la terminologie de loup solitaire, Pourquoi ?

Jacques Borde. Oh, pour plusieurs raisons en fait :

Primo, un loup solitaire l’est rarement. Ou plutôt, la plupart du temps il ne l’est pas complètement. Et, en fait, a un minimum de contacts (à sens unique le plus souvent) avec Al-Dawla al Islāmiyya fi al-Irāq wa al-Chām (DA’ECH)[1] qui distille sur la Toile ses directives. Dans les cas les plus extrêmes il s’agit plus de taupes, comme celles qu’entretenaient les SR de l’Est. Ou d’éléments type stay behind, comme ceux de la CIA de l’autre côté du Rideau de fer au plus chaud de la Guerre froide.

Secundo, le loup solitaire, voir Merah[2] notamment, fonctionne dans le cadre d’une cellule de proches, de très proches, souvent familiale qui lui apporte un soutien logistique. Voire participe aux actions.

C’est trait pour trait le cas de la cellule takfirî de Nice. Soit dit en passant une mini-cellule d’une poignée d’individus(4 identifiés pour l’instant) qui préparait son coup depuis, ad minimo, plusieurs semaines. Et non pas un individu isolé comme tentèrent, au début, de nous faire croire certains journalistes (sic) sans scrupules.

Tertio, même ces cellules terroristes familiales et/ou endogamiques ne fonctionnent pas de manière entièrement autonomes et coupées des réalités.

| Q. Donc du travail d’équipe ?

Jacques Borde. Oui, toujours. Et comme l’a fort justement noté Caroline Galactéros : « ...je ne saurais vous dire si l’État islamique fonctionne de manière centralisée ou pas. Je pense qu’il a plusieurs modes de fonctionnement et d’activation de ses réseaux et cellules terroristes et que cela fonctionne assez différemment en Europe et dans la région. Il y a les attentats  »en auto-saisine », comme ceux qui ensanglantent nos rues, et ceux qui peuvent être commandités d’en haut et réalisés au moment jugé le plus opportun »[3].

Donc, des éléments agissant, ou plutôt interagissant, soit : a) « en auto-saisine », b) en « commandite ». Et jamais par hasard ou sur un coup de tête ou de folie.

| Q. Mais ISIS elle-même revendique le recours à des loups solitaires ?

Jacques Borde. Oui, certes. Tel est le sens de l’appel lancé, djihâdi et orbi si je puis dire, par le porte-parole d’Al-Dawla al Islāmiyya fi al-Irāq wa al-Chām, Abou-Mohamad Al-Adnan, juste une semaine avant le Ramadan. Cf. « Les actions que vous pourriez faire de façon solitaire sont plus importantes pour nous que l’ensemble de nos actions ».

Mais force est de reconnaître – Nice et, avant, Toulouse en sont la preuve – que le passage à l’acte peut se faire sans aide extérieure. Une auto-saisine autonome logistiquement parlant..

| Q. Alep, Deir Ez-Zor, Raqqa, Vous ne trouvez pas que les opérations traînent un peu en longueur ?

Jacques Borde. Si l’on veut. Mais qui a dit que la guerre était une chose facile ? Les Hêzên Sûriya Demokratîk (HSD)[4], en dépit (ou malgré vu le manque de mordant,même avec eux, de l’a-coalition occidentale), viendraient tout juste de prendre Manbij – qui constitue aujourd’hui leur front principal[5] – des mains DA’ECH.

Par comparaison, l’Al-Jayš al-’Arabī as-Sūrī (AAS)[6] et la Liwāʾ Suqūr aṣ-Saḥrāʾ[7], elles, tentent, comme l’a rappelé Bachar el-Assad à la chaîne NBC, de libérer l’intégralité du pays.

Sans compter deux facteurs essentiels à la résilience de DA’ECH…

| Q. Qui sont ?

Jacques Borde. Dans l’ordre, si besoin était encore de le souligner :

1- L’extrême mollesse de l’Ost occidentalis à éradiquer les Kamiz brunes de DA’ECH. À meilleure preuve son incapacité (sic) à intercepter et détruire les convois de 4×4 nazislamistes se déplaçant à peu près sans risques. Au point que les Américains en ont été réduits à s’attribuer la paternité de frappes de l’armée irakienne. Médiamensonge que viennent de clouer au pilori des images diffusées sur FR-3 qui confirment que ce sont bien les forces irakiennes qui ont fait 90% du boulot et non les bavards a-coalisés. Je parle, là, des suites la prise de Falloujah.

2 – le soutien logistique dont bénéficie encore DA’ECH de la part de puissances arabo-musulmanes de la région. Comme a encore pu le souligner le président syrien, le Dr. Bachar el-Assad : « Combien de temps les soutiens de ces terroristes vont-ils continuer à les soutenir, en particulier la Turquie, le Qatar et l’Arabie Séoudite, avec l’appui de certains pays occidentaux, y compris les États-Unis ? ». « Si ce soutien cessait, cela ne prendrait pas plus de quelques mois »[8].

Bon, ces soutiens ont certes varié, évolué et baissé, mais Bachar el-Assad a raison sur l’essentiel : sans soutien extérieur, quels qu’il aient été et soient encore, cette guerre serait finie depuis au moins deux ans.

Par ailleurs, il semblerait que les Américains jouent, aussi, de malchance (sic) dans leurs frappes aériennes.

| Q. Dans quel sens ?

Jacques Borde. Il semble bien que des appareils de combat coalisés (sic) prenant pour cible Al-Tanbi, dans la banlieue ouest de Deir Ez-Zor, ont touché des civils. Le bilan des pertes serait de 20 morts dont 8 enfants et 16 blessés.

Le bilan des pertes continuant à grimper, certains media occidentaux accusent bien évidemment la Vozdushno-Kosmicheskiye S’ily (VKS)[9] et l’Al-Qūwāt al-Jawwīyä al-Arabiya as-Sūrīya (la Force aérienne arabe syrienne, rappelons-le), d’être à l’origine de ce raid.

À noter que ce genre d’incident aérien[10] n’est pas le premier du genre. En effet, le colonel Christopher Chris Garver, porte-parole de l’a-coalition, avait dû admettre que les bombardements sur Manbij avaient coûté la vie à des civils syriens. « La coalition internationale a été informée, par les forces arabo-syriennes, de la présence d’un grand convoi d’éléments de DA’ECH qui se préparaient à lancer une offensive d’envergure contre les rebelles modérés », avait affirmé Christopher Garver avant d’ajouter que « Washington a ouvert une enquête sur ce raid ».

En fait, lors d’un raid contre un village du nord de Manbij, occupé par Al-Dawla al Islāmiyya fi al-Irāq wa al-Chām (DA’ECH), 85 civils avaient été tués et une centaine d’autres blessés.

L’incident avait été fortement critiqué par le gouvernement syrien. Affaire à creuser donc.

| Q. Ne craignez-vous pas qu’un éventuel rapprochement entre Moscou et Ankara ne se fasses sur le dos des Kurdes ?

Jacques Borde. C’est plus qu’une possibilité. Ceci dit, je pense que le mot crainte est singulièrement inapproprié. Il s’agit là d’un élément à soupeser sans a priori et aussi objectivement que possible.

Mais je vois ce qui est sous-jacent dans votre question : les Kurdes, notamment ceux des Yekîneyên Parastina Gel (YPG)[11], seraient les gentils de la guerre que l’Occident mène à fleurets mouchetés contre le terrorisme takfirî. Ce alors qu’Al-Jayš al-’Arabī as-Sūrī (AAS)[12], Liwāʾ Suqūr aṣ-Saḥrāʾ, instruments du cruel Poutine et sa Vozdushno-Kosmicheskiye S’ily (VKS), sans parler du très vilain Hezbollah…, sont les méchants du scenario de politique-fiction écrit au sein d’officines d’outre-Atlantique.

En fait, comme la plupart du temps, la vérité est ailleurs et pas entre les cuisses de quelques harpies de Washington ou d’ailleurs.

| Q. Encore une formule à l’emporte-pièces ?

Jacques Borde. (Sourire) Oui et non. Chacun regarde midi à sa seule porte. Les Hêzên Sûriya Demokratîk (HSD)[13], contrairement à ce que laisse croire la propagande occidentale, n’ont pas autant d’affect que ça pour les Yézidis ou même les Chrétiens d’Orient, il s’agit d’ententes de circonstance. Et la plupart des Yézidis vous diront que les Kurdes n’ont pas tant que cela volé à leurs secours : les YPG ont, plus, pris des gages territoriaux au-delà de leur propre sanctuaire, pour pouvoir en négocier la restitution le moment venu.

| Q. Donc les Chrétiens d’Orient n’ont pas d’amis, c’est ce que vous nous dites ?

Jacques Borde. Non, pas du tout. Bien sûr, quant aux États sis à l’Ouest, Vatican excepté, ils n’en ont plus, sauf en paroles. Et encore ! A contrario, à Damas le pouvoir a toujours défendu ses minorités chrétiennes. En Irak, c’est un véritable pétaudière – due, appelons un chat un chat – au génie des administrations étasuniennes successives de semer la m… partout où elles passent !

En Irak, qui plus est, la donne est très localisée. Prenez les zones de pèlerinage chî’îte de l’Achoura[14] : on y voit chî’îtes de passage embrasser comme du bon pain des chrétiens du cru qui les accueillent. Au Liban, c’est encore différent.

| Q. De quelle manière ?

Jacques Borde. De nombreux chrétiens libanais votent, localement, Hezb. Si vous en doutez : allez donc visionner les concerts de Julia Boutros qui a (notamment) fait de son adaptation du discours Mes Bien aimés du secrétaire général du Hezbollah, Sayyed Hassan Nasrallâh, un tube repris debout par ses groupies chrétiennes (je sais j’en connais quelques-unes).

Plus géopolitiquement, au retour du Liban-Sud à sa mère-patrie, quelques originaux avaient cru le moment venu de laisser poindre des menaces visant les chrétiens sis au sud libanais et, notamment, les communautés monastiques qui n’y manquent pas. Aussi sec, Cheikh Nabil Qaouq et Cheikh Na’ïm Qâssem[15], de descendre se faire tirer le portrait aux bras de bons moines hilares. Et d’avertir que les auteurs d’idées aussi saugrenues passeraient de très mauvais moments. L’affaire en restera là ! À moins que le Hezb ait eu l’idée, heureuse je l’avoue, de renvoyer ces importuns sur les rives du Styx16.

En fait, en l’Orient compliqué, où le général nous conseilla, avec sa sagesse, d’aller avec des « idées simples », tout le monde est indispensable et personne ne l’est.

| Q. Quid ?

Jacques Borde. Que la guerre contre Al-Dawla al Islāmiyya fi al-Irāq wa al-Chām (DA’ECH) peut fort bien se jouer dans sa phase finale sans que le Hêzên Sûriya Demokratîk (HSD) y joue un rôle aussi important que le supposent ses mentors occidentaux.

À trop prendre (certains de) leurs rêves pour des réalités, le réveil des Kurdes pourrait être douloureux.

| Q. Et pourquoi donc ?

Jacques Borde. Primo, parce qu’ils n’ont, localement, aucun ami véritable, pour peu que les États et entités en aient !

S’il est bien quelqu’un – une fois DA’ECH éradiqué militairement[17] – qui a le profil idéal pour voir tout le monde, et par tout le monde entendez ; Syriens, Turcs, Iraniens et Russes, se rabibocher sur son dos : ce sont bien les Kurdes. Je ne vous dis pas que c’est juste, mais que c’est comme ça !

Sans parler des divergences qui existent entre les différentes factions kurdes. Voir Massoud Barzani[18], qui entretient de toujours des liens étroits avec Ankara, qui considère le Partiya Yekîtiya Demokrat (PYD)[19] comme une organisation terroriste (sic) et a dénoncé l’annonce de sa région semi-autonome kurde en Syrie[20].

À noter sur ce point, ce qu’en a dit le coprésident du PYD, Salih Muslim : « …Erdoğan,  et les dirigeants de l’AKP sont prêts à faire d’importantes concessions pourvu que les Kurdes ne gagnent pas leurs droits. C’est leur principal objectif. (…) Ils se sont déjà réconciliés avec la Russie et Israël. Le tour est venu de faire la paix avec Assad. Ce n’est que le résultat de leur hostilité envers les Kurdes ».

Alep, Mossoul et Raqqa (je veux dire leur retour à la République arabe syrienne) ne régleront pas tout !…

Notes

[1] Ou ÉIIL pour Émirat islamique en Irak & au Levant.

[2] Le tueur antisémite Merah est-il opportun de rappeler dès que son nom est cité quelque part.

[3] http://www.causeur.fr/daech-syrie-iran-hezbollah-39131.html.

[4] Ou Forces démocratiques syriennes (FDS) en français.

[5] Pour ne pas dire leur seul véritable front.

[6] Armée arabe syrienne.

[7] Ou Brigade des Faucons du désert en français, forme de réserve territoriale en quelque sorte ou pour faire simple, une sorte de Bassidj syrien, mais relevant de l’AAS, l’armée régulière syrienne.

[8] SANA & NBC News (14 juillet 2016), http://www.nbcnews.com/nightly-news/video/watch-full-exclusive-interview-with-syrian-president-bashar-al-assad-724734019921.

[9] Ou Forces aérospatiales russes. Créées le 1er août 2015 suite à la fusion de la Voïenno-vozdouchnye sily Rossiï (VVS, armée de l’Air) avec les Voenno Kosmicheskie Sily ou (UK-VKS,Troupes de défense aérospatiale.

[10] Le terme juridique pour ce genre d’affaire.

[11] Unités de protection du peuple.

[12] Armée arabe syrienne.

[13] Ou Forces démocratiques syriennes (FDS) en français.

[14] Entre 9 et 11 millions de croyants par an. Bénévoles sunni et chrétiens accueillent ainsi les pèlerins chî’îtes depuis des générations. La pouillerie takfirî n’a jamais réussi à briser cet élan de solidarité.

[15] Secrétaire général adjoint du Hezbollah, auteur de l’indispensable Hezbollah : La voie, l’expérience, l’avenir, Beyrouth  Albouraq, 2008, 376 p. Titre original : Hizbullah. Al-Manhaj, al-Tajriba, al-Mustaqbal, paru chez Dār al-Hādī, 2008, 423 p., notamment, dans lequel il a théorisé le discours polémologique de son parti.

[16] Fleuve des enfers.

[17] Ce qui ne prévaut pas de sa résilience terroriste. Surtout si nos habituels fauteurs de guerre s’y  attachent. Voir après novembre…

[18] Chef du Partiya Demokrata Kurdistané (PDK).

[19] Parti de l’union démocratique.

[20] Dont l’objectif est de réunir les trois cantons d’Afrine, Kobanê et Jaziré.

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