Monsieur Perry a des soucis. Non ; rassurez-vous. Pas au sujet des réfugiés palestiniens. Ni des sources taries, en Palestine. Non, si Monsieur Perry est soucieux, voyez-vous, c’est parce qu’un journal que j’ai cité affichait un lien, sur son site web, vers des sites négationnistes. Ce qui l’amène à déclarer doctement : « Là, nous ne sommes plus qu’à un clic de souris du négationnisme, qu’il s’agisse de sa variété sauvage ou de sa variété horticole ».
Eh bien, je vais vous dire : c’est son problème ! Personnellement, les « négationnistes » ou les « révisionnistes » ne me dérangent pas le moins du monde. J’ai exprimé mon opinion sur ce sujet dans « Le bal des vampires » . Mais, pour Perry – comme pour tout employé du lobby juif, d’ailleurs – le culte holocaustique représente la quintessence de la sainteté. Si vous niez le massacre de Deir Yassin ou l’Immaculée Conception, ils ne sourcilleront pas. Il n’y a que l’Holocauste qui les intéresse, et rien d’autre.
Perry pousse même le bouchon encore un peu plus loin : « Shamir essaie de vendre des reliques nazies (vraisemblablement volées) à David Irving, dont on sait qu’il s’agit sans doute du plus célèbre négationniste à notre époque ». Dans cette assertion, il n’y a d’authentique que l’orthographe des noms propres. Tout le reste n’est que mensonges. Mais faisons abstraction de ce petit détail pour l’instant, dans l’intérêt du débat. Après tout, le mensonge révèle beaucoup plus de choses sur son inventeur que la vérité… Quel est le problème, pour M. Perry, en ce qui concerne David Irving ? Pour moi, un massacre est un massacre. Le massacre perpétré à Auschwitz n’est ni pire ni plus acceptable que ceux perpétrés à Dresde ou à Hiroshima. De plus, ni l’un, ni les autres, n’ont de rapport avec le conflit palestinien. Quant au négationnisme, Shimon Pérès a nié que les Arméniens aient été victimes d’un génocide : cela n’a, à ma connaissance, horrifié personne. Un des dirigeants du mouvement Not in My Name [Pas en notre nom], organisation juive pro-palestinienne, loin de se contenter de nier le massacre dont furent victimes les chrétiens palestiniens en l’an 614, l’a justifié en ces termes : « C’était des mauvais juifs : ils méritaient amplement la mort ». Cela a-t-il empêché ce « militant » de rester l’un des meilleurs amis d’Abunimah et de Perry ?
Irving a ses idées sur l’ampleur du massacre de masse subi par les juifs durant la Seconde guerre mondiale. Ces idées ont récemment été reprises par un éditorialiste connu du journal The Nation, Christopher Hitchens. Le massacreur en grand des Cambodgiens – j’ai nommé Henry Kissinger – l’a attaqué en justice pour « déni d’holocauste ». Norman Finkelstein a fait la critique du concept de l’unicité de l’holocauste juif. Les qualités uniques de l’holocauste juif ne lui confèrent aucun caractère unique : il s’agit simplement des qualités spécifiques à cet holocauste, en particulier. Tous les holocaustes sont différents entre eux, à l’image des familles malheureuses décrites au début du roman de Tolstoï Anna Karénine. J’ajouterai que l’idée du caractère exceptionnel de l’holocauste juif n’est fondée que sur un unique prémisse : l’exceptionnalité juive.
Ni le « déni », ni « l’holocauste » par lui-même n’ont jamais été les protagonistes d’un débat autour de la Seconde guerre mondiale. Il s’agit d’un champ de tir pour le pouvoir à partir de la position de force de l’establishment juif américain et de son rejeton israélien. Ils brandissent un épouvantail : quoi que vous disiez, vous n’avez pas le droit de remettre en question – que dis-je : même, d’évoquer simplement– la question du pouvoir juif aux États-Unis.
Maxime Rodinson, marxiste français bien connu et biographe du prophète Mahomet, a défini Israël comme un « État pionnier – une colonie ». Mais tout pays colonial a sa métropole, qui est la source extérieure de sa puissance. L’Algérie française était gérée et soutenue par la France. Quel est donc le pouvoir extérieur qui soutient Israël à bout de bras ? Quelle en est la métropole ? Ce n’est pas les États-Unis ; c’est le réseau des communautés juives de par le vaste monde, dirigé par la communauté juive américaine : c’est la "communauté" mondiale.
Les États-Unis ont été, au début, un pays colonial, dont la métropole était l’Angleterre. Ensuite, le vent a tourné, et ce sont les États-Unis qui ont pris le dessus. Une évolution similaire s’est produite au Brésil, qui devint incommensurablement plus puissant que le Portugal. Peut-être, un jour, Israël deviendra-t-il, lui aussi, plus puissant que sa « métropole » (les communautés juives outre-mer), mais cela ne s’est pas encore produit.
La comparaison avec l’Algérie nous aidera à comprendre le phénomène. Imaginez que vous êtes un Algérien, venu en visite dans la France d’avant les accords d’Évian. À l’époque, l’armée française tuait et torturait des milliers d’Algériens. En France, à cette époque-là, on pouvait rencontrer pas mal de sympathisants de la cause du peuple arabe algérien, si bien que vous seriez probablement parvenu à la conclusion que ce n’était pas la France qui combattait les Algériens, mais les colons français installés en Algérie. Mais cette conclusion aurait été erronée : la guerre, en Algérie, était menée par toute la puissance de la France. La France – et non les colons français en Algérie, veuillez le noter – critiquée à l’ONU, et elle se vit imposer de mettre un terme à cette guerre. Les sympathisants français de la cause arabe algérienne savaient bien, eux, contre qui ils se battaient : contre la France. Ils pensaient qu’il y a plus important que la consanguinité. Les juifs américains solidaires de la cause palestinienne feraient bien de s’inspirer de l’exemple donné par les Français solidaires de la lutte de libération nationale des Algériens.
La guerre, en Palestine, est menée par des rejetons de la communauté juive américaine, et c’est aux États-Unis que cette guerre sera gagnée, ou perdue. Le vrai pouvoir des juifs n’est pas seulement financier ; il réside dans notre forte influence (à nous, les juifs) sur le discours, le débat national – influence acquise grâce à la détention (et parfois, à l’abus) de postes importants dans l’Université, dans les médias et dans les professions libérales. C’est là un sujet délicat, et le penseur juif américain Isaac Asimov a tourné la difficulté en recourant à la science-fiction pour exprimer ses vues à ce propos. N’évoque-t-il pas, dans son roman Fondation, les gardiens du discours historique ? Le seul discours autorisé sur la Palestine est un discours juif consensuel, qui se situe quelque part entre les juifs vociférants à la Kahana et les juifs bêlants de Peace Now (La paix maintenant)! En permanence, ce discours considère que la nécessité de soutenir l’existence de la judaïté en Israël est une chose acquise, une fois pour toutes. Ce préalable exclut toute solution réelle aux problèmes qui se posent à nous.
Nigel Perry est un gendarme du Politiquement Correct. Il fait mention, fièrement, de plusieurs années d’engagement aux côtés de la cause palestinienne. Eh bien, des gens comme lui sont une des raisons pour lesquelles la cause palestinienne est dans l’état lamentable où nous la voyons aujourd’hui. Perry écrit : « Shamir a avancé l’idée selon laquelle la seule chose qui pourrait contribuer à la libération de la Palestine serait le dénigrement et la marginalisation de la communauté juive américaine. Inutile d’insister : l’analyse du problème allégué et la solution que Shamir prétend y apporter sont intellectuellement et moralement absolument nulles ».
Perry ment. Perry trompe les gens. Montrer du doigt l’influence excessive d’un groupe donné, cela ne revient en rien à le « dénigrer ». Donner la parole à l’ensemble du peuple, cela ne revient pas à « marginaliser » quiconque.
Oui : il faut changer le discours. Et il faut en démocratiser la base. En Amérique. En Europe. Et aussi ailleurs. C’était la grande idée exposée par Edward Saïd dans son ouvrage L’Orientalisme. Les positions occupées par les « gardiens – juifs américains – du discours historique » ne sont pas tenables. De plus, elles sont éminemment dommageables. La démocratie, en Palestine, pour moi, a toujours symbolisé la démocratie pour tous. La suppression des privilèges indus des juifs, en Palestine, est conditionnée par la suppression des privilèges indus des juifs, en Amérique. Les gens doivent être égaux et jouir d’un égal accès à la parole.
L’argutie de Perry révèle quels intérêts il défend, en réalité. Il prend grand soin de ses employeurs juifs américains et il œuvre à imposer leur ligne de pensée dans la mouvance palestinienne. Moi, je me soucie de ceux qui sont exclus de la parole publique. Ce que je dis, c’est : « Prenez la parole ! » Perry écrit encore ceci : « Il convient de noter que la réponse de Shamir à la lettre d’Abunimah et d’Ibish ne comporte aucune dénégation réelle de son antisémitisme. Il se borne à écrire : « Toute aversion irrationnelle pour les juifs doit assurément être éradiquée et condamnée ». Pourquoi Shamir n’a-t-il pas écrit, tout simplement : ‘Je ne suis pas antisémite.’ Pourquoi ? »
Le gros mot qui commence par un A n’a aucune signification précise. S’il s’agit d’une aversion biologique pour les descendants des juifs, c’est mal. S’il s’agit, en revanche, d’un désaccord avec les positions hégémoniques occupées par la Juiverie organisée, c’est raisonnable. Mais, quoi qu’il en soit, ces positions ne sont pas justifiables. Des minorités ethniques et religieuses peuvent dominer le discours impérial. Ce fut le cas pour les Grecs dans l’Empire ottoman, mais cela n’a duré qu’aussi longtemps qu’ils se sont identifiés eux-mêmes à l’Empire. Autrement, un divorce douloureux se produit irrévocablement. C’est ce qui est arrivé aux Grecs d’Istanbul, après qu’ils se furent identifiés à la Grèce nouvellement indépendante.
Le discours autour de l’holocauste juif est, pour moi, un discours crypto-religieux, similaire à la dispute au sujet du Filioque entre l’orthodoxie et le catholicisme, ou encore à la querelle de dévolution du Califat entre les musulmans sunnites et chiites. Les débatteurs disent une chose, mais par cette chose, ils entendent quelque chose de différent. Il s’agit d’une discussion entre initiés, autour du pouvoir juif, de la même manière que la grande querelle islamique n’opposait entre eux que des groupes en concurrence pour le pouvoir. Quant à moi, je dis : « Laissez tomber ces propos biaisés ! Laissez Auschwitz reposer en paix ! Débattez du vrai problème ! » Cela n’a rien à voir avec je ne sais quelle « culpabilité ». Les Français ne ressentent aucune culpabilité pour avoir tué un million d’Algériens. Ni les Américains pour avoir massacré les Vietnamiens. « La culpabilité pour l’holocauste des juifs » n’est que l’apparence prise par la soumission au pouvoir des sionistes. De manière analogue, dans l’Église catholique, la confession des péchés est une forme de soumission des fidèles au pouvoir de l’Église.
Aussi longtemps que les participants au débat accepteront le contrôle de Nigel Perry et autres crypto-partisans de l’exclusivisme juif, ils seront condamnés à l’échec. Le monde occidental est mûr, aujourd’hui, pour un réel débat au sujet du pouvoir juif, sans avoir à redouter l’étiquette d’ « antisémite ». Après tout, nous sommes bien capables de remettre en question le pouvoir de l’aristocratie, en dépit des souffrances énormes subies par les aristocrates durant la Terreur de 1793, en France ? La loi Gayssot s’appliquerait-elle donc aussi aux propos critiquant les vestiges du pouvoir de l’aristocratie