Revue de l'ouvrage de David Hirst, The Gun and the Olive Branch [Le Fusil et le rameau d'olivier]
par Israël Shamir in South China Morning Post, Hong-Kong, 06.11.2003 http://www.scmp.com
Impossible de ne pas avoir entendu parler d'Israël, ce grand pourvoyeur de nouvelles. Notre petit pays, avec l'énorme intérêt qu'il suscite, est perçu comme ce lieu vers lequel beaucoup de travailleurs chinois se dirigent, et d'où ils retournent avec des histoires lamentables à
raconter ; comme le fournisseur d'armes sophistiquées à l'armée chinoise, qui ne respecte pas toujours les termes du contrat ; comme
l'Etat juif, résidence secondaire du philanthrope milliardaire George Soros, du vice-ministre à la Défense américain Paul Wolfowitz, et d'autres personnages extrêmement puissants encore.
De plus, le conflit entre l'Etat juif et la population native du pays a tendance à s'étendre. Les soutiens d'Israël, aux Etats-Unis, ont poussé
leur pays à conquérir l'Irak et ils menacent aujourd'hui d'attaquer l'Iran, se rapprochant ainsi de la Chine, par le Sud-Ouest. Bien qu'il
soit loisible de se tenir à l'écart d'autres conflits et d'autres lieux à problèmes, il est absolument nécessaire de comprendre les raisons
sous-jacentes à l'ascension tout bonnement magique, au Moyen-Orient,d'un Etat parmi les plus puissants qui soient - d'un pays doté de l'arme
nucléaire. D'un pays, de surcroît, qui pilote la politique impérialiste des Etats-Unis.
Les partisans et les contempteurs d'Israël ont écrit des ouvrages innombrables, afin d'expliciter leur position. Leurs récits varient,
d'une manière extravagante, du conte de fée pour l'école du dimanche - la renaissance, tel le Phoenix, du Peuple Elu de Dieu décimé - aux
récits d'horreur gothique de la sanglante conquête de la Palestine par les juifs, et de la manière dont les tentacules de l'Etat juif
s'étendent partout, depuis la Chine jusqu'à la Californie.
Alors, la vérité ? Quelle est-elle ?
Un éditeur russe m'a demandé, à moi, Israélien doté d'esprit critique, d'écrire une histoire du sionisme faisant autorité. Il m'a même dit
vouloir en main « L'histoire définitive du sionisme ».
L'offre était alléchante, mais force me fut de la décliner. « C'est inutile », dis-je, « un ouvrage tel celui-là existe déjà. C'est le livre de David Hirst : The Gun and the Olive Branch [Le Fusil et le rameau d'olivier] ».
David Hirst, brillant journaliste britannique, passa plusieurs années de sa vie dans la région. Il écrivait pour le quotidien The Guardian,
depuis Beyrouth et Jérusalem. Toujours extrêmement scrupuleux, et évitant toute exagération, il n'était pas homme à baisser pavillon lorsqu'il s'agissait d'énoncer une vérité dérangeante.
Hirst affirme que les raisons du conflit judéo-palestinien et judéo-arabe sont enraciné dans le désir irrémissible des sionistes de s'emparer du territoire de la Palestine, d'en expulser les populations autochtones et, enfin, d'imposer leur domination à la région. Le tableau qu'il dresse de la tragédie palestinienne en cours est équilibrée et convaincante.
Bien que les Palestiniens aient commis beaucoup d'erreurs tactiques et stratégiques, dont les sionistes retors saisirent l'opportunité, la
force brutale et la détermination sinistre des dirigeants de l'Etat juif, soutenu par des millions de leurs frères occupant des situations
éminentes dans le monde entier, dépouillèrent ces erreurs (ainsi d'ailleurs que les succès des Palestiniens) de leur importance. Qu'ils
fussent placides ou turbulents, rebelles ou accommodants, peu importe : les Palestiniens étaient condamnés. Néanmoins, ils se battirent avec vaillance, et le lecteur gardera la mémoire des héros d'une guerre interminable et fondamentalement inégale.
Les sionistes, brutaux et impitoyables, ne se préoccupent pas plus des juifs qu'ils prétendent pourtant représenter. Hirst nous parle de ces
espions israéliens qui font sauter des ambassades américaines, des bibliothèques britanniques, des synagogues irakiennes et des bateaux où
s'entassent des réfugiés juifs, lorsqu'il s'agit de provoquer la réaction qu'ils escomptent. Il nous narre la longue carrière sanglante
d'Ariel Sharon, depuis le massacre de soixante paysans, dans le petit village de Kibyéh, voici un demi-siècle, jusqu'aux massacres au Liban et
ailleurs.
Le livre de David Hirst nous permet de comprendre la raison des guerres qui se déroulent dans la région du Moyen-Orient : les sionistes n'ont
jamais voulu la paix avec leurs voisins. Ils ne le veulent pas plus aujourd'hui, et c'est pourquoi il n'existe aucun espoir de paix. Hirst
cite le général Yehoshafat Harkabi, un grand stratège israélien :
« Nos exigences, dans les négociations, se doivent d'apparaître raisonnables et modérées. Mais, en réalité, elles doivent impliquer des
conditions telles qu'elles obligent l'ennemi à les rejeter. » Les personnes qui suivent attentivement les développements au Moyen-Orient
auront déjà pris conscience de cet échec permanent, inhérent à l'approche israélienne.
C'est la raison pour laquelle Israël refuse en réalité toutes les offres de paix, dès lors qu'il ne s'agit pas, purement et simplement, de la
capitulation de ses voisins.
La troisième édition, mise à jour, de l'ouvrage, dresse le portrait lugubre d'un Etat idéologique extrêmement dangereux, car « nucléopathe
» et totalement intoxiqué par sa propre puissance. Hirst cite l'expert israélien Martin van Creveld, professeur d'histoire militaire à
l'Université hébraïque de Jérusalem : « Nos forces armées sont les deuxièmes ou les troisièmes, au monde, en matière de puissance. Nous avons la capacité d'entraîner le monde entier dans notre chute. »
La prise de contrôle de la politique étrangère américaine par les soutiens d'Israël - effectuée au cours d'une série de guerres, de l'Afghanistan à l'Irak - rend ce danger considérablement plus important qu'il ne l'avait encore jamais été jusqu'ici.
La lecture de ce livre devrait être rendue obligatoire, pour mes concitoyens, sous peine d'être entraînés dans un holocauste nucléaire
par la junte militaire au pouvoir en Israël. Il est tout aussi important pour tout un chacun, partout dans le monde.
Car aucun lieu, même le plus éloigné du Moyen-Orient, ne saurait s'estimer à l'abri des soubresauts qui agitent cette région éprouvée.