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Dimanche, 11 Juin 2006
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L’histoire de deux meurtres : Yitzhak Rabin et le Mahatma Gandhi
Dr. Koenraad Elst
Histoire :: Autres
L’histoire de deux meurtres : Yitzhak Rabin et le Mahatma Gandhi
Quand le Premier Ministre israélien Yitzhak Rabin fut assassiné en protestation contre ses efforts de paix, de nombreux parallèles furent faits par les commentateurs, le plus souvent avec le président égyptien Anouar El-Sadate, mais aussi avec les Premier Ministres indiens Indira Gandhi et Rajiv Gandhi. Cependant, si nous cherchons des parallèles en Inde, le plus proche n’est pas celui de ces chefs de gouvernement. Indira et Rajiv furent tués non pour des efforts de paix mais pour leurs actions militaires : contre les séparatistes du Khalistan et contre les Tigres de Libération de l’Elam tamoul, respectivement. A la différence de Rabin et de Sadate, ils ne furent pas tués par des membres radicaux de leur propre communauté, mais par des gardes du corps sikhs et par une femme « kamikaze » [bombe humaine] chrétienne tamoule, respectivement.

Le Mahatma Gandhi, par contre, fut tué pour exactement la même raison que Yitzhak Rabin : il avait concédé « de la terre contre la paix ». Quand le grand massacre de Calcutta en 1946 montra clairement que les forces résolues à créer un Etat séparé du Pakistan ne reculeraient devant rien pour atteindre leur but, le Mahatma Gandhi et la plupart des dirigeants du [parti du] Congrès furent conduits à penser que la partition de l’Inde était le moindre mal, la seule alternative étant un bain de sang du type yougoslave (comme nous dirions aujourd’hui), mais à une échelle beaucoup plus grande. Ils concédèrent donc ce contre quoi ils avaient lutté et comploté pendant la décennie précédente : la division de l’Inde entre un Pakistan théocratique et un reste d’Inde pluraliste.

LES MOTIFS DES MEURTRIERS

Comme Rabin, le Mahatma Gandhi fut assassiné par un radical appartenant à sa propre communauté. Comme Rabin pour l’Etat juif, Gandhi avait rendu de grands services à la société hindoue, qui était l’objet de sa loyauté première. Le meurtrier de Rabin avait été un grand admirateur de Rabin dans sa période précédente, c’est-à-dire du général qui avait conquis une grande partie de ce qui est maintenant appelé les « territoires occupés ». Le meurtrier de Gandhi, Nathuram Godse, avait été un adepte de Gandhi à de nombreux égards, c’est-à-dire qu’il était très actif dans l’organisation d’activités inter-castes impliquant les Intouchables. Mais il en était arrivé à penser qu’en 1947-48, comme Rabin dans les dernières années, le Mahatma avait trahi tout ce pour quoi il avait lutté. En effet, Gandhi avait déclaré que le Pakistan serait créé seulement « sur son cadavre », mais quand l’heure arriva, le champion des jeûnes jusqu’à la mort ne tenta pas cette tactique de pression pour obliger Mohammed Ali Jinnah, leader du mouvement du Pakistan, à abandonner sa demande de partition. Des millions de gens, surtout des hindous et des sikhs dans l’ouest du Pendjab et dans l’est du Bengale, croyaient avec confiance que la partition n’aurait pas lieu parce que le Mahatma leur en avait donné l’assurance ; et ils se sentirent trahis lorsqu’il les livra aux loups.

Nathuram Godse travailla dans les opérations de secours aux réfugiés hindous et sikhs arrivant du Pakistan, dont beaucoup avaient été violés ou estropiés ou avaient perdu des parents, et il tint Gandhi pour responsable de leur triste situation à deux égards. D’abord, Gandhi aurait pu empêcher la partition, ou du moins aurait pu mettre sa vie en jeu pour tenter de l’empêcher ; il ne le fit pas, probablement parce qu’il savait que Jinnah ne céderait pas. Cela jeta aussi un doute sur les occasions précédentes où il avait mis sa vie en jeu pour obliger des gens à satisfaire ses demandes : il semblait maintenant qu’il n’avait utilisé cette tactique qu’avec des gens qu’il pourrait faire céder, de sorte qu’il n’y avait jamais eu aucun risque réel de devoir jeûner véritablement jusqu’à la mort.

Deuxièmement, même après avoir concédé la partition, beaucoup de sang aurait pu être épargné au moyen d’un échange de populations organisé, comme cela avait été recommandé par le lucide et réaliste Dr. B.R. Ambedkar, le premier ministre de la Justice de l’Inde libre : tous les musulmans au Pakistan, tous les non-musulmans en Inde. A cette époque, les troupes britanniques neutres étaient encore présentes pour superviser une telle migration ordonnée, et le climat psychologique était propice à cette solution du moindre mal. Mais Gandhi et son représentant comme leader du Congrès, Jawaharlal Nehru, refusèrent d’approuver cette solution sans effusion de sang, par attachement à l’idéal multiculturaliste. Le résultat fut qu’un échange partiel et spontané de populations eut lieu de toute façon, mais dans des circonstances bien pires : près d’un million de gens furent tués. Pour un apôtre de la non-violence, c’était vraiment une fin de carrière décevante.

Avec le bénéfice du recul du temps, nous pouvons conclure que cette seconde critique est entièrement justifiée. En Inde, les émeutes entre hindous et musulmans qui étaient un trait habituel de l’Inde d’avant l’indépendance ont repris (bien qu’elles aient diminué quelque peu après la démolition d’Ayodhya en 1992 et la vague consécutive d’émeutes). Au Pakistan, la situation est bien pire : les minorités non-musulmanes sont soumises à la terreur et pressurées, et en 1971, l’armée pakistanaise tua peut-être jusqu’à deux millions d’hindous dans l’est du Bengale [= Bangladesh], le plus grand génocide après la Seconde Guerre Mondiale. Au total, plus de trois millions de gens (en ne comptant que les victimes mortes, pas les réfugiés bien plus nombreux) auraient été sauvés si en 1947 les leaders indiens avaient eu la sagesse d’accepter le moindre mal d’un échange de populations.

Par contre, la première critique, la plus importante dans l’esprit de Godse, est moins justifiée. Il est injuste de blâmer le Mahatma pour la partition, considérant que la plupart des autres dirigeants du Congrès avaient approuvé les mêmes politiques qui avaient conduit à la partition, avec le Mahatma ou même avant son arrivée au pouvoir (par ex. le Pacte de Lucknow en 1916 signé par Bal Gangadhar Tilak, qui concédait le principe des électorats communautaires). L’échec du Mahatma fut en fait l’échec de la société hindoue dans son ensemble. Mais dans l’atmosphère chargée de l’après-partition, il était condamné à porter la plus grand part de responsabilité, et les grands services qu’il avait rendus à son peuple furent oubliés.

La goutte d’eau après laquelle Godse « ne put plus tolérer que cet homme vive plus longtemps » fut le « jeûne jusqu’à la mort » de Gandhi pour obliger le gouvernement indien à payer 550 millions de roupies au Pakistan, et pour obliger les réfugiés hindous et sikhs à Delhi à quitter les mosquées et maisons musulmanes abandonnées qu’ils avaient trouvées comme abris (c’était au milieu de l’hiver 1947-48, la température était proche de zéro). L’argent était la part du Pakistan sur le trésor de l’Inde britannique, mais c’était tout de même un événement étrange et unique de voir un pays payer une telle somme d’argent à un pays qui venait de l’envahir : les troupes pakistanaises étaient en train d’occuper une grande partie du Cachemire (qui avait légalement choisi l’Inde), où elles exterminèrent toute la population non-musulmane. Cette affirmation morale selon laquelle certaines règles d’honnêteté doivent être maintenues même en temps de guerre fut celle de trop pour Godse et ses compagnons. Le 30 janvier 1948, il abattit le Mahatma au début de sa réunion de prières du soir à Birla House, à Delhi.

REACTION DU PUBLIC

Les meurtriers de Rabin et de Gandhi représentaient tous deux un groupe non-officiel ou « conspiration », qui dans les deux cas incluait le frère du meurtrier. Le frère de Nathuram, Gopal Godse, est encore en vie et, comme le meurtrier de Rabin, est toujours impénitent : chaque année pour l’anniversaire du jour où Nathuram fut pendu (15 novembre 1949), lui et d’autres fans de Nathuram se réunissent dans la maison de famille de Pune pour commémorer le « martyre de Nathuram Godse ».

Après le meurtre, Nathuram jouit aussi d’une certaine popularité parmi les réfugiés, en particulier les femmes, qui avaient supporté le plus gros des atrocités de la partition. Mais dans l’ensemble, la population fut en colère contre lui, tout comme la plupart des Israéliens le sont contre le meurtrier le Rabin et ses supporters. Il y a cependant une importante différence entre les deux meurtres concernant la réaction des masses.

En Israël, aucune vengeance ne fut exercée par les partisans de Rabin contre les fondamentalistes juifs : les Juifs gardèrent leur calme et refusèrent d’aggraver ce meurtre inter-juifs par une vague de meurtres de vengeance. En Inde, par contre, le meurtre du Mahatma fut suivi d’une vague de violence contre le Hindu Mahasabha, le parti auquel Godse appartenait, même si l’enquête judiciaire montra plus tard que le parti en tant que tel n’avait pas été impliqué dans la conspiration. Pire, beaucoup de gens furent molestés et certains d’entre eux tués par des partisans de Gandhi pour le seul crime d’appartenir à la même caste (les brahmanes Chitpavan) que Godse, une vague de violence comparable aux violences anti-sikhs en 1984 à Delhi par des activistes du Congrès après le meurtre d’Indira.

CONSEQUENCES POLITIQUES

Il est trop tôt pour comparer les retombées politiques à long terme des deux meurtres. Mon impression est que quand la poussière sera retombée, le meurtre de Rabin n’aura qu’un effet limité sur la politique israélienne : les décideurs politiques israéliens ont toujours été conduits par de sobres calculs d’intérêt national, justifiant parfois la guerre et encourageant parfois le « processus de paix ». La colère de l’opinion publique contre les fondamentalistes juifs ne modifiera pas fondamentalement cette approche, avant tout parce que l’opinion publique elle-même n’est pas tentée de passer à l’extrême opposé, c’est-à-dire d’abandonner tout souci pour la sécurité nationale en faveur d’une position purement moraliste et pacifiste. En Inde, par contre, la politique est dans une large mesure dictée par l’hystérie artificielle générée par les classes bavardes avec leurs séances de slogans (par ex. les slogans « anti-impérialistes » et de « paix » des années 1950 donnant le ton de la stupide politique étrangère de Nehru, qui sacrifia le Tibet et invita à une invasion chinoise), et les masses sont facilement poussées à passer d’un extrême à un autre. C’est ainsi qu’un seul meurtre changea complètement le paysage politique de l’Inde.

Avant tout, il empêcha montée du Hindu Mahasabha et d’autres forces pro-hindoues (y compris l’Association des Volontaires Nationaux ou RSS, qui n’était pas impliquée dans le meurtre mais qui fut néanmoins interdite). Après que le Congrès ait trahi sa propre promesse électorale de 1946 de ne pas permettre la partition de la Mère-patrie, la scène était prête pour une percée des partis hindous ; après le meurtre, ils furent marginalisés et leur percée fut retardée jusqu’en 1989. Même les millions de réfugiés venus du Pakistan ne les rejoignirent pas en nombre appréciable (par ex. au Bengale de l’Ouest ils devinrent l’épine dorsale du Parti Communiste, même si ce dernier avait soutenu la partition).

Deuxièmement, et ironiquement, le meurtre rétablit la bonne fortune du Mahatma. On ne comprend pas suffisamment aujourd’hui que juste après la partition, Gandhi était discrédité et démoralisé. Il regagna un peu de crédibilité après son dernier « jeûne jusqu’à la mort » entrepris pour faire évacuer les propriétés musulmanes à Delhi par les réfugiés hindous et sikhs, un exploit qui refroidit les ardeurs communautaires. Mais cela ne pouvait pas enlever de son nom la tache de la partition non-empêchée. C’est son martyre qui assura sa place d’honneur dans l’histoire.

Le plus important effet politique du meurtre du Mahatma pour les gens qui défendaient vraiment les idéaux gandhiens fut qu’il renforça immensément la position de pouvoir de Jawaharlal Nehru. Le premier ministre Nehru et sa clique occidentalisée et d’orientation soviétique tuèrent Gandhiji une seconde fois, c’est-à-dire en niant complètement chaque élément de sa vision concernant ce que l’Inde libre devait être. Ils étaient des ennemis implacables de tout ce que Gandhi avait tenu pour cher : l’hindouisme bien sûr, et la religion en général, mais aussi l’autonomie villageoise, la décentralisation économique, la simplicité du style de vie, l’accent mis sur la morale personnelle plutôt que sur les structures sociopolitiques, la formation du caractère plutôt que le consumérisme matérialiste, et des solutions enracinées pour les problèmes spécifiques de l’Inde.

Le principal titre de gloire de Gandhi était que, presque seul parmi les leaders indépendantistes dans tout le monde colonisé, il avait cherché et développé des politiques et des stratégies enracinées dans la culture native plutôt qu’empruntées aux modèles occidentaux (nationalisme, socialisme, etc.) ; de cette orientation indigéniste, il ne resta rien dans la politique de Nehru. Ainsi, la Constitution indienne qui fut approuvée deux ans après la mort de Gandhi était essentiellement une adaptation du très colonial l’Acte de Gouvernement de l’Inde en 1935 ; sa forme et sa philosophie ne contiennent presque aucune trace de réalisations et de valeurs culturelles spécifiquement indiennes. A cet égard, les activistes hindous qui s’opposèrent à l’acceptation du Pakistan par Gandhi étaient beaucoup plus proches de lui (et le sont toujours, voir les écrits gandhiens du regretté Ram Swarup et de Dattopant Thengadi), mais l’effet du meurtre fut que le seul mouvement qui aurait pu mettre en œuvre une grande partie des projets de Gandhiji fut politiquement marginalisé pendant des décennies.

De cette manière, la mort de Gandhiji provoqua la mort du gandhisme en tant que facteur politique en Inde. Elle renforça la position de gens qui utilisèrent son nom mais qui étaient objectivement les pires ennemis de tout ce qu’il avait défendu.
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