1 juin 1981 : Décès à Milledgeville de Carl Vinson, homme politique américain, né en 1883. Député au Congrès, il était surtout le Président de la “House of Naval Affairs Committee”, qui plaidait pour un armement constant des Etats-Unis, qui devaient se tenir prêts à intervenir partout dans le monde. On disait de lui qu'il contrôlait le Pentagone tout entier depuis son fauteuil de député. Après Pearl Harbor, c'est lui qui organisera le réarmement américain, demeurant en place pendant de longues années. Il a travaillé étroitement avec trois présidents américain : Roosevelt, Eisenhower et Johnson. Un porte-avion nucléaire recevra son nom de son vivant. Il est la seule personnalité à avoir bénéficié d'un tel honneur. Normal pour un disciple sourcilleux de l'Amiral Alfred Thayer Mahan, père de la puissance navale américaine, qui permet aux Etats-Unis de contrôler le monde entier aujourd'hui.
1 juin 1954 : Mort à Hambourg de Wilhelm Stapel. Stapel a commencé sa carrière au sein de la famille politique libérale en Allemagne, mais dans la faction de celle-ci qui était animée par Friedrich Naumann, c'est-à-dire la faction qui avait un sens social aigu et militait en faveur d'un marché commun étendu à l'ensemble de la Mitteleuropa. Cette version non manchestérienne du libéralisme allemand prendre une coloration sociale-nationale, qui s'exprimait dans le “Dürerbund” (= Fédération Dürer) de Ferdinand Avenarius. Plus tard, pour donner corps à son engagement, Stapel s'occupe de la formation de la jeunesse en milieu ouvrier. Il devient ensuite le rédacteur en chef de la revue Deutsches Volkstum, où, dans les années 20, il développera une critique de la démocratie occidentale jugée trop formelle et inorganique. Pour réaliser en Allemagne une démocratie idéale, il faudrait une constitution présidentialiste (à la façon gaullienne dirait-on, sans risquer de faire un anachronisme trop maladroit), un mode de suffrage échelonné et une représentation corporatiste. Un tel corpus n'avait aucune chance de s'ancrer dans les masses. Dans les années 30, Stapel développe une “théologie” du nationalisme allemand, lequel doit déboucher sur une vision impériale et non plus simplement nationaliste. Ses relations avec le national-socialisme seront assez conflictuelles, mais son système de pensée était trop hétérogène par rapport au régime de 1949 pour qu'il ait vraiment été réhabilité.
6 juin 1875 : Naissance à Lubeck de l'écrivain allemand Thomas Mann. Armin Mohler le compte parmi les esprits fondateurs de la “révolution conservatrice” pour ses écrits de guerre en 1914-1918 et pour ses “Considérations d'un apolitique”, écrites de 1915 à 1918 et parues immédiatement avant la fin des hostilités, en octobre 1918. Thomas Mann y fustige l'esprit occidental, non organique, et lui oppose une germanité plus respectueuse des ressorts organiques des sociétés. Il s'inscrit ainsi dans un filon qui part d'Herder pour passer par les romantiques, tout en rationalisant ses arguments. De même, dans La Montagne magique (Der Zauberberg), certains de ses personnages sont les exposants de ces idées allemandes, opposées au rationalisme occidental.
11 juin 1974 : Mort à Rome de Julius Evola. Né en 1898, Evola traversera le siècle en commençant sa carrière dans le mouvement dada de Tzara, afin de faire le vide de toutes les niaiseries modernistes, libérales et pseudo-démocratiques, vide qu'il remplira et préconisera de remplir par la Tradition, par les voies traditionnelles bouddhistes (doctrine de l'Eveil), par le Tao Te King (qu'il traduira en italien), etc. Le passage d'Evola de l'avant-garde insolente de dada à l'immersion profonde dans la Tradition a été relativement long, avec une halte dans la philosophie stirnérienne et nietzschéenne, c'est-à-dire le théorie de l'individu absolu. La réception d'Evola à l'étranger est restée marquée par les épisodes de sa vie au temps du fascisme italien. Ce marquage condamne à une approche insuffisante de son œuvre. Il faut être capable de le transcender. Il s'avère plus que jamais nécessaire de réétudier à fond cette phase de transition dans la vie d'Evola. Les recherches qui s'effectuent aujourd'hui en Italie vont dans ce sens. Et mériteraient d'être traduites et explicitées pour le public non italophone.
12 juin 1981 : Décès au Caire de Mahmoud Fawzi qui fut Ministre des Affaires Etrangères de l'Egypte sous Gamal Abdel Nasser, puis Premier Ministre de 1970 à 1972. Ce juriste polyglotte formé en Angleterre, aux Etats-Unis et en Italie a été l'un des plus brillants diplomates de l'Egypte indépendante, à une période difficile de son histoire, où son refus de l'alignement lui valait l'hostilité des chancelleries occidentales.
12 juin 1982 : Mort à Hambourg de l'historien allemand Otto Brunner, né et formé à Vienne. Il effectuera une bonne part de ses recherches sous les auspices de l'Académie des Sciences d'Autriche. Sa spécialisation première a été l'histoire économique. De cette position initiale, il est rapidement passé à l'histoire du droit et du droit constitutionnel médiéval. Les acquis de sa recherche lui font conclure que la conception bourgeoise et libérale de l'Etat, qui se cristallise au 19ième siècle, est erronée, trop axée sur les lois et les règlements, c'est-à-dire sur de purs expédients provisoires que l'on hisse au rang de vérités éternelles et intangibles. Le droit médiéval laisse une place aux forces "supra-légales", intangibles, véritable fond ontologique de l'humanité européenne, et c'est une institution terrible comme la “Fehde” qui doit réparer les entorses faites, le cas échéant, à ce socle ontologique indéfinissable parce que vivant. Finalement, Brunner se rend compte que les concepts modernes d'Etat, de société et de culture constituent un rejet impossible de ce socle ontologique. Ils doivent dès lors faire place à des concepts plus vivants et plus fluides, tels le Peuple (Volk), le Reich et le pays (Land). Brunner remet ensuite l'histoire européenne en perspective, dans la mesure où il voit l'apogée de cette Europe, la pleine adéquation de celle-ci à son socle ontologique, entre 1200 et 1800. Après, sous les coups de la modernité, qui oblitère puis étouffe et tue la vigueur ontologique de la “Vieille Europe”, commence le déclin inexorable de notre monde et de notre culture. Tout ce qui est “durée”, “continuité” et “valeur” (axiologique) disparaît au profit de pures contingences temporelles. En fin de compte, concluait-il, nous n'avons plus de réponses à nos questions, mais nous ne pouvons pas cesser notre questionnement, faute de nous trouver face à un terrible néant.
14 juin 1888 : Naissance à Bentwisch en Allemagne du théologien Emanuel Hirsch, qui avait eu la volonté de germaniser le christianisme. Il a été aussi le traducteur de toute l'œuvre du Danois Kierkegaard. On ne le confondra pas avec l'écrivain Hermann Hirsch, qui appartenait au mouvement religieux de la “foi allemande”. C'est donc sur base d'une connaissance profonde de la pensée de Kierkegaard et aussi de celle de Fichte (auquel il consacre un maître-ouvrage en 1914) qu'il développera sa théologie "germanique", une théologie impliquant une éthique très exigeante de l'obéissance, diamétralement opposée aux idées de Tolstoï. La théologie ne peut être séparée de l'histoire réelle du peuple, laquelle histoire doit être aimée et c'est cet amour qui doit conduire au salut de tous dans la patrie. La théologie, pensait Hirsch, ne saurait s'identifier à des prophéties vagues, trop critiques vis-à-vis des traditions, détachées de l'histoire réelle, sinon elle s'avère incapable de susciter des vocations efficientes et d'agir sur la communauté des croyants.
14 juin 1936 : Mort à Londres de Gilbert Keith Chesterton, écrivain et journaliste anglais. Né dans une famille anglicane, où la religion n'avait guère d'importance, il lit dans sa jeunesse les œuvres de Thomas d'Aquin et du Cardinal Newman, épouse une femme dont la famille appartient aux plus conservateurs des Anglicans, les Anglocatholics, puis devient catholique à son tour, car l'esprit anglo-saxon, estimait-il, reposait sur l'arbitraire du subjectivisme, revenait à faire de l'art pour l'art, à rejeter toutes les lois qui donnent socle aux actions humaines, à laisser libre cours à des tempéraments délirants ou anarchiques. Chesterton défend ses positions par des arguments théologiques ou philosophiques solides, mais aussi par l'humour et la moquerie. Sur le plan politique, il commence par être un simple libéral de gauche avec des sympathies pour les socialistes. Mais cette posture lui apparaît bien vite insuffisante, car il voit tout de suite que derrière les vocables pompeux d'humanisme, de justice sociale, etc. se cache une inhumanité foncière, une méchanceté diabolique, une perversité sans nom. Ce libéralisme hisse les mensonges, ses impostures, au rang de dogmes intangibles. Dans une telle perspective, la Tradition, pour Chesterton, n'est pas un musée, que l'on visite de temps à autre par meubler son oisiveté, mais un réceptacle hautement respectable d'orientations fructueuses pour l'âme et pour la vie quotidienne. La Tradition nous donne non seulement les recettes de la sagesse, mais elle nous livre aussi les linéaments permanents de la volonté populaire. Chesterton a répandu sur la tête des bien-pensants libéraux sarcasmes et jets cinglants d'ironie, pour fustiger leur forfanterie. Au-delà d'un catholicisme, compréhensible dans une société anglo-saxonne parce qu'il constitue une position antagoniste, Chesterton nous apprend à rire aux éclats des poncifs qui sous-tendent aujourd'hui la pensée unique et qui sévissaient déjà de son temps.
18 juin 1903 : Naissance à Idar-Oberstein d'Ernst Rudolf Huber, professeur de droit politique général et de droit administratif. Disciple de Carl Schmitt, Huber se spécialisera dans les problèmes constitutionnels et tentera de jeter les bases d'un modèle constitutionnel adéquat pour l'Allemagne, en tenant compte des facteurs économiques, historiques et militaires. En 1939 paraît une première ébauche de constitution. En 1940, il analyse les crises institutionnelles et constitutionnelles du Deuxième Reich de Bismarck. En 1943, il démontre que l'armée, que le facteur militaire, a toujours été déterminant dans l'histoire politique allemande. Après 1945, alors qu'il est professeur à Wilhelmshaven dans le Nord de l'Allemagne, il publie en 1957 une vaste histoire constitutionnelle de l'Allemagne depuis 1789, ouvrage de référence toujours actuel. Huber demeure un auteur très important en matières de droit et peut encore servir d'inspirateur pour une constitution européenne conforme aux traditions juridiques romaines et germaniques, afin de se débarrasser des schématismes libéraux qui affaiblissent l'Europe depuis plus de deux siècles.
22 juin 1981 : Mort à Stockholm en Suède de Zarah Stina Leander, chanteuse et actrice suédoise, qui fit essentiellement carrière à Berlin entre 1936 et 1943. Sa voix a enchanté tous les soldats de la deuxième guerre mondiale, à commencer par les Allemands, grâce à sa chanson à grand succès, Lili Marlene. Immédiatement traduite en anglais, cette chanson est adoptée par les troupes américaines et britanniques. Il en existe aussi une version française. Après une éclipse de quelques années, dues à la chute du Troisième Reich, Zarah Leander retrouve toute sa popularité dans sa patrie d'origine.
23 juin 1904 : Naissance à Wakefield dans le Massachusetts de l'anthropologue américain Carleton Stevens Coon. Sa méthode consistait à émettre des thèses en anthropologie sur base d'un matériel archéologique. Son œuvre majeure a été The Origin of Races (1962), ouvrage controversée à une époque où les études anthropologiques sont systématiquement soupçonnées de consolider un discours "raciste". L'investigation minutieuse des preuves archéologiques ne peut pourtant pas se réduire à des slogans ineptes, que ceux-ci soient de facture "raciste" ou "anti-raciste". L'hystérie de ses contradicteurs ne remplacera évidemment jamais le fait qu'il ait examiné plus de 31.000 outils, fragments d'outils ou récipients destinés à l'agriculture, dont certains remontaient à 6050 av. J. C. et provenaient de la grotte de Hotu en Iran. Ce chantier archéologique permettait, grâce à sa bonne conservation, d'explorer plusieurs strates successives de l'évolution préhistorique et proto-historique, allant du néolithique à l'Age du Fer en passant par l'Age du Bronze. Mieux, Coon y découvrit des restes humains de l'ère glaciaire, dont l'examen lui permit d'écrire, en 1954, The Story of Mankind (= L'histoire de l'humanité), panorama de l'histoire humaine depuis l'ère glaciaire jusqu'aux temps modernes. Pour Coon, cinq souches humaines existaient avant l'apparition de l'homo sapiens. Il a donc été l'avocat de la théorie polygéniste, opposée à la théorie monogéniste, propre de ceux qui interprètent la Bible stricto sensu et appartiennent généralement aux sectes protestantes les plus rétrogrades et propre aussi des "anti-racistes" professionnels qui se piquent d'un progressisme plus religieux que scientifique. Parmi les autres ouvrages majeurs de Coon, citons The Tribes of the Rif (= Les tribus du Rif, 1931) et The Races of Europe (1939). Carleton Stevens Coon meurt le 3 juin 1981 à Gloucester dans le Massachusetts.
28 juin 1752 : Naissance à Haimhausen près de Dachau en Bavière de Karl von Eckhartshausen, figure de proue du Royaume de Bavière. Pendant un bref laps de temps, il fit partie de l'Ordre des Illuminés de Bavière, dont il fut exclu. Il se rendit parfaitement compte du caractère utopique et pernicieux de cet Ordre qui entendait faire du passé table rase. Après cette aventure, il œuvra à faire interdire les sectes politiques de cet acabit en Bavière. Karl von Eckhartshausen entame alors un véritable Kulturkampf contre les idées illuministes et libérales qui ne peuvent induire que des bacilles de décadence et ruiner en ultime instance les institutions politiques traditionnelles. Mais la lutte contre l'illuminisme bavarois ou autre passe par un approfondissement de la religion, y compris de ces facettes occultes, et ne doit pas se contenter de reproduire la religion telle qu'elle est. Cette position le rapproche du Tsar Alexandre I de Russie qui entendait, lui aussi, approfondir la religion traditionnelle, lui donner plus ample profondeur afin de mieux lutter contre le modernisme déliquescent. La “Sainte Alliance”, qui venait de vaincre Napoléon, héritier du fanatisme jacobin, devait se donner des assises spirituelles, dépassant les clivages entre Orthodoxes-Byzantins, Catholiques-Romains et Protestants par une nouvelle synthèse religieuse, où la notion romantique d'“Amour” occuperait la place centrale, mieux, en serait le noyau incandescent, toujours actif comme un volcan. Le siècle à venir verrait se dérouler une guerre civile philosophique comme les siècles précédents avaient connu des guerres de religion. Pour von Eckhartshausen, les adeptes de la “tolérance” sont en fait des intolérants fanatiques et dangereux. Le recours visionnaire à des forces religieuses occultées au fil des temps est la démarche qui permettra de réfuter cette idéologie intolérante de la tolérance et de contrer les manigances de ceux qui la manipulent.