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Samedi, 27 Octobre 2007
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Le pragmatisme, au-delà de l’utilitarisme et du nihilisme
Noël Rivière
Théoriciens :: Autres
Le pragmatisme, au-delà de l’utilitarisme et du nihilisme
« Les idées ne sont pas vraies ou fausses. Elles sont ou non utiles. » C’est ce qu’affirmait William James (1842-1910) en 1907. C’est dire, dans cette perspective, quelle peut être la faiblesse de la notion de vérité. De son coté, John Dewey considérait que l’important est non pas de connaître les choses de l’extérieur, comme on décrit un tableau, à la manière de Descartes, mais de voir comment agir, en d’autres termes de voir quel usage faire de ces choses. Ce sont là deux approches particulièrement caractéristiques de la philosophie du pragmatisme. Cette approche a des mérites : elle sort de la métaphysique. Elle pose un important problème : elle permet de faire avec le nihilisme contemporain sans sortir de celui-ci. Explications.

Dans le sens commun, le pragmatisme renvoie à une pratique triviale consistant à « s’adapter », à « voir venir », à « faire avec ». La philosophie du pragmatisme nourrît d’autres ambitions. C’est avant tout une philosophie américaine, et peut-être une philosophie pour les Américains. C. S Pierce l’a définit ainsi : « Considérer quels sont les effets pratiques que nous pensons pouvoir être produits par l'objet de notre conception. La conception de tous ces effets est la conception complète de l'objet » (1978). C’est ainsi une sorte de conséquencialisme.

Le pragmatisme naît au XIXe siècle avec des auteurs comme William James (1842-1910) et Charles Sanders Pierce (1839-1914), aussi sémiologue. Ses racines se trouvent chez Ralph Waldo Emerson, poète, longtemps correspondant de Carlyle, et Henry David Thoreau, essayiste, poète, abolitionniste de l’esclavage et partisan d’une résistance non violente aux pouvoirs. Le pragmatisme est au XXe siècle illustré par John Dewey (1859-1952). Il l’est plus récemment par Richard Rorty. Celui-ci, avec d’autres, trace les voies d’un néo-pragmatisme et reprend la critique de l’idée que l’homme serait un « miroir de la nature » – ce qui l’amène naturellement à une critique de toute vérité surplombante.

Le pragmatisme américain n’est pas le contraire de la raison. C’est l’usage de la raison expérimentale. C’est l’accent mis sur le concept d’expérience. Du point de vue du pragmatisme, il faut faire l’expérience du monde. Dans cette perspective, la vérité n’est plus onto-théologique. Elle se mesure à ses effets. Ce qui est vrai est ce qui permet la multiplicité des usages du monde. La vérité s’élabore ainsi à mesure que le sujet met à l’épreuve son rapport au monde par les expériences qu’il en a, et par les usages qu’il en fait. La vérité est donc toujours relative et en situation de se corriger par la pratique.

Naturellement on peut ainsi entendre le pragmatisme comme un simple utilitarisme. On peut aussi l’entendre – et c’est ce que faisaient les philosophes américains du pragmatisme – comme un appel à être à la hauteur d’une expérience diversifiée du monde. C’est alors en sorte un défi nietzschéen.

Le pragmatisme, écrit Philippe Forget, « ne subordonne pas l’activité humaine à des critères d’utilité définis à priori, sans expérience partagée, tels ceux du marché ou de la technocratie. La raison pragmatiste ne constitue pas métaphysiquement la structure du monde, elle désigne la faculté à opérer dans le monde même ». C’est pourquoi la raison pragmatique n’est ni utilitaire ni individualiste, elle suppose le partage d’un « vivre-ensemble ». Bien entendu on peut se demander s’il n’y a pas là une réinterprétation très subjective. C’est le pragmatiste William James qui disait : « Le vrai consiste simplement dans ce qui est avantageux pour la pensée. » En d’autres termes, les limites du pragmatisme se rapprochent beaucoup de celles de la conception nietzschéenne de la vérité.

Aux origines du pragmatisme, Ralph Waldo Emerson a développé toute une théorie de l’éducation. Il s’agit d’une théorie exigeante pour chacun mais non élitiste. Pour Emerson l’éducation n’est pas l’apprentissage d’une norme ; c’est l’apprentissage d’une liberté. Mais il n’y a pas de liberté sans discipline intérieure. Celle-ci est l’exigence de penser par soi-même, et de se constituer sa propre échelle de valeurs. C’est une conception de l’éducation très proche de celle de Montaigne qu’aimait tant Nietzsche. A la question : que doivent apprendre les enfants ? Montaigne répondait : «Ce qu'ils doivent faire étant hommes ».

De son coté, Henry David Thoreau insiste sur une autre exigence : la confiance en soi est nécessaire pour penser par soi-même. « Celui qui veut être un homme doit être anticonformiste ». Pour sa part, John Dewey insiste aussi sur ce que doit être le travail de l’éducation, préoccupation centrale du pragmatisme : non pas transmettre des connaissances, même s’il faut transmettre les outils d’apprentissage de celles-ci, mais surtout permettre la constitution de soi. Chacun doit en effet se donner une constitution mentale propre. Et si l’école est le paradigme du lieu de la constitution de soi, c’est la vie elle-même qui est son champ de mise en œuvre. La constitution de soi n’est jamais achevée, elle est toujours remise en cause. Elle se fait dans l’épreuve du monde et l’épreuve de la vie sociale. Elle se fait dans l’espace public qui se tient entre le marché et l’Etat.

Le pragmatisme s’oppose à tout progressisme monolinéaire. C’est dans la diversité des individus et des peuples, riches de rapports au monde différenciés, que réside pour l’humanité la possibilité de faire face à des défis nouveaux, la possibilité d’affronter ce que William James appelait « la plus grande variété possible des urgences de la vie ». Le pragmatisme se situe sous cet angle dans la filiation du stoïcisme romain de Cicéron. Par contre, quand Philippe Forget le rapproche de l’aspiration à la « naissance d’un homme nouveau » et définit son idéal comme celui d’une « existence en progrès », il n’est pas certain qu’il ne force pas le trait d’un pragmatisme que d’autres verront plus proche d’une forme de révolution conservatrice, et qui est sans doute celui d’Henry David Thoreau. Sans doute s’agit-il, ici, de mesurer la pluralité des pragmatismes. Chacun, bien entendu, peut imaginer, tel Philippe Forget, un pragmatisme ultra-constructiviste – celui de l’ « homme nouveau ». Il n’est pas nécessaire d’être sur cette ligne pour percevoir, à la fois, les apports et les limites du pragmatisme. En tout état de cause, par la critique de la quête de la vérité, par l’abandon de la volonté de vérité, le pragmatisme américain rejoint Nietzsche, dépasse tout rationalisme, et constitue une voie américaine de pratique du nietzschéisme. Reste à savoir, et c’est la question même de Nietzsche, si le nihilisme est ainsi surmonté ou non. Qu’il n’y ait pas de vérité à découvrir (d’abord) et à adorer (ensuite) ne veut pas dire que la recherche de la vérité soit dépourvue de sens – ce qui amènerait à penser que « tout vaut tout », thème classique du nihilisme contemporain. La « lutte pour la vérité » (Gotthold Ephraim Lessing) n’est pas la négation de la vérité, encore moins la négation du sens qui est présent dans le monde, dans les hommes, dans les peuples, et dans leurs luttes.

notes

L’art du comprendre, 16, 2007, « Tradition et vocation du pragmatisme », 298 p., 23 E., diffusion Vrin (6 place de la Sorbonne, 75005 Paris.
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