Il fut une époque où l’on ne frappait pas les dames, ne serait-ce qu’avec une rose. On ne se permettait pas non plus de leur cracher dessus. Autre temps, autres mœurs, si tant est que ces dernières fussent jamais socialistes.
« Tristounet » : c’est ainsi que l’humoriste Laurent Gerra surnommait Lionel Jospin dans certains sketchs il y a de cela plus d’une demi-douzaine d’années. La récente manifestation publique du dernier Premier ministre socialiste confirme cette qualification.
Dans un livre à paraître – mais dont les « bonnes feuilles », comme on dit dans le jargon professionnel, sont déjà parvenues entre certaines mains chargées de les faire connaître avant l’heure – ce dernier « flingue » Ségolène Royal. La femme, la socialiste, la candidate, « personnalité (qui) n’a pas les qualités humaines ni les capacités politiques » nécessaires pour remettre le Parti socialiste en ordre de marche et « espérer gagner la prochaine présidentielle ».
On ne peut être guère moins aimable… et paraître plus aigri, plus rancunier, plus mauvais camarade que ce Tristounet qui, rappelons-le, abandonna tout de même le soir de sa seconde défaite, les troupes qui menèrent deux batailles présidentielles successives à ses côtés. Il y a toujours de la grandeur à assumer ses échecs, voir ceux de ses partisans : la désertion de Lionel Jospin au soir du 5 mai 2002 a prouvé qu’il était tout… sauf un chef !… sans parler, cinq ans plus tard, de sa grotesque tentative de « come-back présidentiel ».
On peut apprécier ou non Valéry Giscard d’Estaing, François Mitterrand ou Jacques Chirac, mais tous les trois firent preuve d’une tout autre ténacité dans leur carrière politique ; même le premier qui envisagea et espéra vainement, deux décennies durant, un bien improbable retour à l’Élysée.
On sous-entend que ce livre a pour objectif de « promouvoir Bertrand Delanoë » à la tête du Parti socialiste : l’actuel maire de Paris a sans doute moins à se préoccuper de ses ennemis que de tels amis.
Ces attaques déshonorantes, loin de nuire à Ségolène Royal, ne peuvent que renforcer la sympathie à son encontre de ceux qui menèrent combat à ses côtés… et qui la virent, le 6 mai dernier, haranguer ses troupes pour qu’elles gardent confiance dans l’avenir.
La campagne qu’elle avait mené a pu surprendre, c’est le moins qu’on puisse penser et même laisser franchement sceptique jusqu’à faire hésiter nombre de ses partisans à lui garder leur confiance pour une future victoire. Mais son attitude battante, d’une rare bravoure, ce soir-là, a probablement balayé leurs doutes et définitivement balayé les ambitions de tous ceux qui, au sein de sa formation politique, avaient espéré sa défaite, en y contribuant sournoisement.
Lionel Jospin écrit dans son introduction qu’il a « quelques titres [à s’exprimer] sans détour » ; fort de cela, il juge que Ségolène Royal était « la candidate la moins capable de gagner », mais au moins s’est-il agi pour elle du second tour. Lui restera à jamais comme le candidat qui a été incapable de s’y hisser en 2002. À ce titre, des esprits malicieux lui rétorqueront qu’il était sans doute « le moins autorisé à le faire », même toute honteuse médiocrité bue.
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