Il y a « l’exception culturelle française », il y a aussi « l’obsession française de la propriété ».(1) Elle hante, nous dit-on, les jours et les nuits de tous nos compatriotes. Christine Boutin, actuelle ministre du Logement et de la Ville, propose aujourd’hui aux plus modestes d’entre eux de réaliser ce rêve. Une offre en réclame, certes, mais en cette fin d’années, faire croire au Père Noël est de saison, finalement.
Dans la hotte de Mère Christine, enrobée dans une communication tonitruante, la possibilité de devenir « propriétaire de sa maison pour 15 euros par jour. »
À une époque où l’immobilier est en crise, où rien ne se vend trop bien et donc où rien ne s’achète davantage, il est tout de même paradoxal de prévoir ainsi une augmentation conséquente du parc immobilier. Enfin, la proposition n’est évidemment que de l’ordre de l’annonce, pas de sa réalisation, sarkozysme oblige.
Si l’on s’en réfère aux « maison à 100 000 euros » qui avait déjà fait rêver des centaines de milliers de futurs accédants à la propriété et permit à Jean-Louis Borloo, actuel ministre de l’Écologie et du Développement durable, d’occuper l’espace médiatique, son succès est digne de figurer dans le livre Guiness du bidonnage : « En deux ans, seulement 500 maisons à 100 000 euros ont été construites. Une goutte d’eau comparée aux 800 000 transactions immobilières réalisées annuellement par les ménages. “Des maisons à 100 000 euros, beaucoup de gens sont encore en train d’en chercher”, ironise Dominique Joly, directeur adjoint de la fédération des coopératives de HLM, acteurs historiques de l’accession sociale à la propriété », rapporte Tonino Serafini dans le quotidien Libération de ce jour. Et de préciser : « “Cette déclinaison du 15 euros par jour pour ne pas dire 450 euros par mois est une formule marketing bénie pour les promoteurs et banquiers”, pointe une spécialiste du logement. Certes, mais au regard des prix actuels de l’immobilier, comment est-il possible de devenir propriétaire d’une maison en remboursant 450 euros par mois ? Toute l’habileté des services de Boutin a été de développer un concept qui dissocie le coût du bâti et celui du foncier. Les accédants deviennent “propriétaires en deux temps”, affirme la charte. Ils remboursent d’abord le bâti. Et lorsqu’ils ont fini, ils commencent à rembourser le prix du terrain. »
En son temps, l’humoriste Coluche avait assez bien défini une telle situation : « Pendant le crédit, tu répares c’qui s’écroule, et au bout de 15 ans les ruines sont à toi.»
Avec Dame Boutin, l’accès à la propriété sera beaucoup plus durable que la propriété elle-même… et il n’est pas sûr que les propriétaires, leur dernière mensualité effectuée, soient en meilleur état que leurs ruines, car, précise toujours Libération : « Si on lit les fiches dans le détail, on s’aperçoit que l’accédant devra rembourser 450 euros par mois pendant vingt-trois ans pour le bâti. Puis payer encore entre 250 euros et 410 euros pendant quinze ans pour le terrain. Bref, on est vraiment chez soi au bout de trente-huit ans ! Un couple qui se lance à 35 ans, finira de payer à 73 ans. »
On avait inventé en son temps le camping pour que les gens qui n’en avaient pas les moyens puissent partir en vacances. Pourquoi pas l’Home, sweet home baptisé « Ça m’suffit… hélas ! »
De la « maison à 100 000 euros », à celle « à 15 euros par jour » ou à l’appart’ au même prix, on aura sans doute droit un jour prochain à « la tente toute saison à 6,30 euros », le « box de parking tout confort » à 3,45 euros et la « place chauffée dans le métropolitain » à 1 euro la semaine ! C’est finalement à ces derniers lauréats que la fumisterie coûterait le moins !