On est tous égaux devant la Loi… mais certains sont plus égaux que d’autres. Les journalistes, par exemple. Depuis des années, ils aspirent à changer de statut et à remplacer à tout bout de champs juges et électeurs ou plus précisément encore les directeurs de conscience d’antan. Ils brandissent leur « droit à l’information » comme autrefois les chevaliers leurs étendards ou les curés leur croix… et entendent donc bénéficier tout naturellement de privilèges interdits au vulgum pecus. Un journaliste est au-dessus des lois, qu’on se le dise. Quand on veut le faire passer sous les fourches caudines de celles-ci, le crime de lèse-journaliste est manifeste.
Six jours que le terrible martyr enduré par Vittorio de Filippis, ex-directeur du journal Libération, est commenté à longueurs d’ondes.
Après qu’une plainte pour diffamation ait été déposée contre lui, il n’avait pas répondu à la convocation du juge chargé d’instruire l’affaire. Le journaliste affirme n’avoir jamais reçu de convocation. Dont acte. Si celle-ci ne lui a pas été signifiée officiellement et donc qu’il soit possible qu’il l’ignora, on peut comprendre que son interpellation manu militari à son domicile, un beau matin, soit quelque peu excessive… mais en toute légalité toutefois, comme son menottage, mesure obligatoire à appliquer par les policiers pour tout déplacement de personne sous leur responsabilité… tout autant que sa « fouille à corps » après qu’on lui ait signifié sa garde à vue.
« C’est la procédure » a rappelé madame la ministre de l’Intérieur.
Une procédure qui doit être la même pour tous, du moins dans l’esprit de la loi, mais par dans celui des médias.
C’est peu dire que ce trouble à la tranquillité journalistique a déclenché un sacré tohu-bohu : D’abord ses confrères, bien entendu, heureux de s’auto-proclamer en danger, sans pudeur aucune de se comparer ainsi aux Grands Reporters qui hantent, eux, les pays et les champs de bataille les plus dangereux de la planète… mais aussi, à de rares exceptions, toute la camarilla politique française… Ensuite, l’opposition de gauche, toujours prompte à jouer sur le registre de la Morale pour faire oublier ses propres dérapages en la matière, notamment les fameuses écoutes de l’Élysée aux temps glorieux de François Mitterrand… Enfin, la majorité parlementaire via Jean-François Copé, président du groupe des députés UMP à l’Assemblée nationale, le Premier Ministre François Fillon… et jusqu’au mari de Carla Bruni !
« Tout le monde il est choqué » et tout le monde y va de sa déclaration d’indignation… Même le fiasco de la justice au procès d'Outreau n’avait pas fait une telle unanimité ! Que sont, en effet, les quatre ans de prison de dix-sept « présumés coupables », comparés à la matinée de garde à vue de monsieur de Filippis ? Bien peu, reconnaissons-le !
La palme de la déclaration imbécile revient sans conteste à Christian Charrière-Bournazel, bâtonnier de Paris, qui a déploré dans un communiqué des méthodes dignes « de la Grèce des colonels ou de l’Espagne du franquisme ».
À l’évidence, on n’est pas loin de l’État d’urgence et la Loi martiale est sans doute en passe d’être proclamée.
Mais le pire est sans doute à venir, car monsieur de Filippis aurait aussi été traité par les policiers de « pire que la racaille »… D’ici à ce que cette dernière porte plainte pour injure et diffamation !