Hors ses sempiternelles guerres coloniales, la Gauche historico-systémique n’a jamais eu beaucoup d’affect pour la chose militaire, le passé est pavé de ses erreurs. Depuis les années 70, un autre mal plus insidieux ronge notre défense : nos armées ne sont rien d’autre que la variable d’ajustement de Bercy au gré de ses oukases successives. À ces aunes peu rassurantes, de quoi l’arrivée de Florence Parly, à la réputation plus gestionnaire que guerrière, à la tête du ministère des armées (sic) est-elle le prélude ? La décision (annoncée) de brader nos Mirage F1 à des entreprises US sera-t-il le premier signe d’une géostratégie plus globalisée (sic) du quinquennat ? 2ème Partie.
Q. Pourquoi sous livrée tchadienne ? Pourquoi choisir cette option plutôt qu’une autre ?
Jacques Borde. Parce que les Tchadiens sont nos plus sûrs alliés dans la région. Autant faire simple et, surtout, efficace.
Q. Les Tchadiens ont les bonhommes pour opérer ce type d’appareils ?
Jacques Borde. A priori, non. Mais :
1- les anciens pilotes de F1 (d’active ou de réserve) ne manquent pas ;
2- tout comme les mécanos. D’ailleurs, une bonne partie d’entre ont fait la BSS1. Ils ne seraient pas dépaysés et opéreront en terrain connu ;
3- les personnels ; ça se forme ;
4- nos amis tchadiens ont une très habitude de travail et d’échange avec nous.
Parfait alignement des planètes, pourrait-on dire.
Q. La facture ne risque pas d’être salée ?
Jacques Borde. (Sourire) Plus que d’expédier nos Rafale et Mirage 2000D et N faire des tours opérationnels pendant au moins dix ans au Sahel ? Vous en êtes certain ?
Nous faisons bien pot commun avec d’autres armées de l’Air européennes en matière de logistique et de projection. Alors que ne faisons-nous pas de même avec ces appareils de combat qui :
1- nous appartiennent en propre :
2- ont devant eux une potentiel certain ;
3- ont amplement prouvé leur efficacité sur ce théâtre d’opération ?
Q. Ça ne serait pas une usine à gaz ?
Jacques Borde. Beaucoup moins que Frontex qui n’est rien d’autre qu’une éponge à migrants et ne sert, in fine, à pas grand-chose en terme d’efficacité.
A contrario, pour le sujet qui nous préoccupe : les appareils existent. Les infrastructures existent. Les personnels aussi.
Et, techniquement, nous sommes plus proches, techniquement parlant, de la réactivation d’une escadrille aérienne, comme le fait à intervalle régulier, notre armée de l’Air, que d’une création ex nihilo.
Q. Bon admettons, et qui paiera ?
Jacques Borde. Nos partenaires européens. Ceux qui ne font rien, ou quasiment rien, pour combattre le terrorisme takfirî à l’intérieur de l’Europe mais s’en plaignent amèrement à chaque attentat. Que, pour une fois, ils se rendent utile et crachent au bassinet.
Ça les changera. S’unir autour d’un vrai destin commun, contre notre ennemi commun : les grandes compagnies de la doxa takfirî.
Rappelons-nous aussi le Serment de Koufra. N’est-il pas tant de nous unir pour de vrai face au danger.
Q. Pourquoi parlez-vous du Serment de Koufra ?
Jacques Borde. Un peu d’Histoire : a l’issue de la Bataille de Koufra, qui est la première victoire terrestre des Forces françaises libres (FFL) contre les forces de l’Axe depuis la défaite de 1940, le 2 mars 1941, le colonel Philippe Leclerc prête avec ses hommes ce qu’on a appelé le Serment de Koufra :
« Jurez de ne déposer les armes que lorsque nos couleurs, nos belles couleurs, flotteront sur la cathédrale de Strasbourg ».
Les Français libres tiendront ce serment en libérant Strasbourg le 23 novembre 1944 à la tête de la 2e Division blindée (DB). Rappelons aussi que la Bataille de Koufra est glorieusement portée sur le drapeau du Régiment de marche du Tchad (RMT), une de nos plus prestigieuses unités.
Q. Vous pensez qu’il vaut mieux combattre aux côtés d’alliés anciens que de nouveaux ?
Jacques Borde. Souvent, oui. Lors de la 1ère Guerre du Golfe, je me souviens d’amis légionnaires m’ayant avoué être ravis d’avoir à leurs côté dans le dispositif des contingents africains (Sénégalais, si ma mémoire est bonne) plutôt que des Marines2.
Simple, déjà les officiers se connaissaient tous…
Sinon, combien d’Européens se tiennent à nos côtés au Sahel ? Posez la question, c’est y répondre.
Q. Et les Tchadiens, si ?
Jacques Borde. Oui. Et ça n’est pas nouveau : les Tchadiens – et bien avant d’autres – ont joué un rôle de premier plan aux heures les plus sombres de notre Histoire.
C’est de N’Djaména que partirent les premières colonnes de la France libre qui ne s’arrêteront qu’au Nid d’aigle d’Hitler ! Ces frères par les armes n’ont pas été avares de leur sang dans la lutte pour libérer la France de l’occupant.
Q. Donc, vous pensez, vous aussi, que la lutte contre le terrorisme passe par N’Djaména ?
Jacques Borde. Oui, tout à fait. Nous unir avec nos frères d’armes tchadiens contre la terreur takfirî m’a toujours semblé une évidence. Exactement comme en 1940 face à l’hitlérisme. Et, là, encore nous pouvons compter sur ces soldats remarquables que sont les Tchadiens. Ils font preuve d’un courage et d’une abnégation au feu qui force l’admiration.
Q. Mais, nous ne risquons pas de manquer de moyens ?
Jacques Borde. Bien sûr. C’est bien pour cela que je trouve absurde d’aller brader à l’encan, pour une poignée de dollars, des machines de guerre comme nos Mirage F1.
Q. Quels type d’armements peuvent-ils emporter ?
Jacques Borde. Oh, à peu près tout ce qui est disponible en fait.
Qui plus est, quelques-uns des nouveaux jouet de l’armée de l’Air devraient être adaptables…
Q. Quoi plus précisément ?
Jacques Borde. MBDA vient de présenter au Bourget une toute nouvelle famille d’armement. Le SmartGlider : des engins non-propulsés, aux ailes dépliables leur permettant de planer sur une distance de 100 km. Contrairement aux GBU, les SmartGlider sont des armes totalement intégrées à la charge est dédiée. La version lourde du SmartGlider fait 1.300 kg et embarque une charge offensive de 1.000 kg, la version légère fait 120 kg pour deux mètres de long.
Q. Pour quel usage ?
Jacques Borde. La SmartGlider modèle Light peut frapper des objectifs allant du 4×4 (l’ossature du parc roulant des groupes allant de DA’ECH à Boko Haram, rappelons-le) aux petites infrastructures. La SmartGlider Heavy à peu près tout ce qui se situe au-dessus dans ce type de guerre asymétrique. Avec la SmartGlider, MBDA compte dépasser les performances des bombes employant des corps de bombe Mk84 et BLU-109.
Q. Embarqués comment ?
Jacques Borde. MBDA a développé un système d’emport dédié : le Hexabomb Smart Launcher (HSL) qui permet d’emporter six SmartGlider Light. Un Rafale pourrait emporter jusqu’à trois HSL, un Typhoon deux et un Mirage 2000D un. Les appareils pourraient emporter 12 à 18 SmartGlider. L’idée est d’ouvrir la voie à des frappes saturantes. La portée permettant de rester en dehors des bulles de défense aérienne3 des systèmes les plus répandus. Le HSL doit permettre à un nombre limité d’appareils de traiter simultanément un grand nombre de cibles notamment lors de missions de suppression des défenses aériennes ennemies.
Q. Et ça serait embarquable sur des Mirage F1 ?
Jacques Borde. Je ne suis pas dans le secret des dieux, mais je pense que oui. Surtout pour la SmartGlider Light qui semble l’outil idéal pou endiguer la menace takfirî. La gamme SmartGlider se glisse entre les missiles de croisière tel que le Scalp/Storm Shadow ou le futur FC/ASW franco-britannique, qui peuvent traiter des cibles à plusieurs centaines de kilomètres et les armements plus léger et courte portée tel que le Brimstone britannique qui peuvent traiter des cibles mobiles et de plus petite taille.
Disons qu’un Mirage F1 qui embarquerait 2 HSL + 2 réservoirs pendulaires pourrait aller saturer du Takfir à bonne distance. En fait, son seul défaut est que programmée pour 2025, elle arrivera peut-être trop tard (du moins espérons-le) pour participer à l’éradication des bandes armées takfirî. À moins que d’ici-là, MBDA ne nous propose un version ultralight plus rapidement…
Q. Quoi d’autre dans les nouveautés ?
Jacques Borde. TDA, une filiale de Thales, a lancé le développement de la BAT-120. Une munition légère intermédiaire entre le canon et les bombes de 250 kg. Développé en fonction des capacité d’emport du Mirage 2000, elle pourrait certainement être montée sur des Mirage F1.
Pour le moment, le guidage proposé est laser, ce qui implique une illumination laser de la cible par un chasseur, un drone ou encore des forces au sol. Thales envisage cependant de développer un mode de guidage GPS. La porté de l’arme (sur Mirage 2000) variera en fonction de la vitesse et de l’altitude de largage mais devrait être de l’ordre des 6 km.
Q. Quid, au fait, de l’arrivée de Parly à la Défense. Ou plutôt aux armées ?
Jacques Borde. La personne est, en tout cas, moins controversés que l’était son prédécesseur Sylvie Goulard-Grassi…
Q. Dans quel sens ?
Jacques Borde. Le seul souci, et encore, est que Florence Parly est, à la ville comme on dit, l’épouse de Martin Vial, autrement dit le patron de l’… Agence des participations de l’État (APE)…
Q. Et…
Jacques Borde. Les plus critiques estiment qu’on n’est pas loin du conflit d’intérêt entre celle chargée de signer les commandes aux industriels de la Défense et l’APE occupé à gérer le patrimoine de l’État.
En outre, l’APE est actionnaire de la plupart des groupes de Défense français (Airbus, DCI, DCNS, Nexter, Safran, Thales). Martin Vial siège même au conseil d’administration de Thales.
À écouter, le député (Les Républicains) François Cornut-Gentille, spécialiste de ces questions, « c’est Bercy qui pilote désormais le ministère de la Défense ».
Bon, avantage : si Florence Parly se sent un peu perdue dans ses dossiers, son mari pourra lui prodiguer ses conseils. Il connaît la question et la plupart des patrons du secteur.
Un plus ? Seul l’avenir nous le dira…
Notes
1 Bande Sahélo-saharienne.
2 Sans préjuger de le valeurs des Marines.
3 Lorsqu’elles existent, n’est-ce pas MM. les Russes en Syrie !!!!
- De DCNS à… Naval Group : Contrairement à l’expertise, un nom qui fait controverse - 30/06/2017
- Du Serment de Koufra au Little business de Paris avec Washington [2] - 29/06/2017
- Du Serment de Koufra au Little business de Paris avec Washington [1] - 28/06/2017
- SmartGlider : Ou la parfaite machine à traiter du djihâdiste ! - 26/06/2017
- Damas, Téhéran & Bagdad vers leur Jour de l’Elbe - 22/06/2017