Accueil ACTU Monde Entre Rodomontades & Capacités réelles : Qui menace (sic) vraiment qui ? [1]

Entre Rodomontades & Capacités réelles : Qui menace (sic) vraiment qui ? [1]

La guerre entre deux (ou plusieurs ennemis) est faite de plusieurs choses : parallèlement au passage à l’acte (attaques sporadiques, affrontements asymétriques, guerre d’attrition, etc.) existent plusieurs étapes ou manières de s’opposer à l’autre, y compris le discours qui est, souvent, la forme le plus fréquente de la tension dialectique. Suite à l’élimination préventive de Mazen Faqha, le Hamas menace de frapper Israël à sa tête. Rodomontades ? Véritable menaces ? & si les plus pugnaces & dangereux adversaires d’Israël n’étaient pas nécessairement les plus bavards… 1ère Partie.

Revenons sur les relations houleuses entre l’État hébreu et le Hamas, comment jugez-vous les menaces proférées par ce dernier, suite à l’exécution d’un de ses chefs militaires Mazen Faqha. Cela change-t-il grand-chose entre les deux ?

Jacques Borde. En fait, pas tellement. D’abord, c’était une évidence : le Harakat al-Muqâwama al-‘islâmiya (HAMAS)1 – qui n’a pas apprécié qu’un de ses chefs, Mazen Faqha, se fasse liquider – ne pouvait que vivement réagir à cette mort brutale. Même si tout cela est surtout verbal.

Pourquoi réagir seulement au niveau du discours ?

Jacques Borde. Pour trois raisons essentielles :

1- l’offense est grave. Faqha était un des chefs de sa branche armée, les Katā’ib Izz al-Din al-Qassam (Brigades Ezzedine Al-Qassam);
2- Le Hamas est aussi un pouvoir politique, celui en place à Gaza : il a donc des administrés(sic) qui ont des attentes politiques ;
3- en cette affaire, le Hamas et ses SR se sont fait avoir en beauté. Ils n’ont rien vu venir Apparemment, Mazen Faqha se serait fait abattre par un binôme dans son garage et le commando serait reparti comme il est venu. Sans être même repéré.

Cela semble vous étonner ?

Jacques Borde. Un peu, tout de même. Ces derniers temps, les opérations de Décapitation de cadres du Hamas ou de sa branche armée se faisaient par des frappes aéroportées relativement lourdes : des tirs à distance de sécurité à coups d’air/sol AGM-114 Hellfire. Dispensés par des F-16, des hélicoptères d’assaut AH-64A ou AH-64D Apache, voire des drones Hermes 450. Mais si leur usage intensif en version drone armé a été rapporté par des sources concordantes durant la Guerre de 34 jours avec le Hezbollah (2006), l’Heyl Ha’Avir n’a, y compris durant la Guerre de Gaza 2008-2009, ni confirmé, ni infirmé cette méthodologie qui s’apparente assez aux frappes conduites par la CIA avec ses MQ9-Reaper.

Là, rompant brutalement avec cette praxis de tir à distance, les Israéliens en seraient – conditionnel que nous impose le fait que Jérusalem n’a pas jugé nécessaire de revendiquer officiellement l’opération – revenus à leur bonne vielle méthode du mano à mano avec un binôme travaillant au silencieux en plein fief de l’ennemi. Une réelle humiliation pour le Hamas.

Comment a-t-on réagi à Gaza ?

Jacques Borde. En fait, le Hamas a réagi crescendo à cette énième Sikul memukad3 :

1ère étape, l’incrimination : le Hamas a clairement accusé l’État hébreu et ses SR, affirmant cette exécution était le fait de « collaborateurs » en lien avec le Ha’Mossad Ley’Modi’in Ley Tafkidim Méyuh’Adim (MOSSAD)4. Sujet traité dans notre article .

Bien que l’État hébreu, je viens de le dire, se soit abstenu de revendiquer l’opération, celle-ci ressemble effectivement aux usages du Bureau5 ou de ses petits camarades du Sherut Ha’Bitaron Ha’Klali (SHABAK)6 ou de l’Agaf Ha’Modi’in (A’MAN);

2ème étape, la mobilisation : à défaut de riposte immédiate, le plus important pour le Hamas était de rappeler aux Gazaouis qui est le patron dans la Bande de Gaza. D’où des funérailles spectaculaires et parfaitement codifiées de manière à faire passer la pilule de ce énième échec militaire de l’organisation ;

3ème étape, les menaces. Restait pour le Hamas à se donner un certaine contenance…

Que voulez-vous dire ?

Jacques Borde. Derrière le discours, les Katā’ib Izz al-Din al-Qassam, à qui revient la dure mission de venger la mort de Faqha, semblent particulièrement désarmées n’ayant pas à leur disposition de véritables moyens de riposte assurant une proportionnalité, même relative, par rapport à ce type d’opération de Décapitation. Ah, oui au fait : cette stratégie de Décapitation (dans sa version moderne des assassinats ciblés) n’est pas un concept israélien, mais… étasunien8.

Restait donc la parole, le discours, donc plus prosaïquement la menace.

Soit une vidéo menaçant d’assassiner de hauts responsables (sic) israéliens. Parmi les personnes évoqués figurent :

1- les (sans autre précision, semble-t-il) responsables du SHABAK et du MOSSAD ;
2- le Rosh Ha’Mateh Ha’Klali9, le Rav Alouf 10 Gadi Eizenkot ;
3- le ministre de la Défense, Avigdor Liberman ;
4- le ministre de la Sécurité publique, Gilad Ménashé Erdan.

Du beau linge en vérité. Mais quasiment impossible à atteindre

Donc, vous restez dubitatif quant à ces menaces ?

Jacques Borde. Oui, plus que dubitatif. Selon moi, c’est de l’esbroufe.

Pourquoi dubitatif ?

Jacques Borde. Parce que je crois, qu’en raison de leurs moyens humains et matériels, le Hamas ou ses Katā’ib Izz al-Din al-Qassam sont incapables de frapper Israël à la tête.

Pourquoi dites-vous ça ?

Jacques Borde. Parce que :

1- le Hamas n’a jamais réussi une telle gageure.
2- cela est plus facile à dire qu’à faire. Et que, dans l’histoire de la lutte âpre opposant Israël aux Palestiniens, cela a très peu été fait.

À ma modeste connaissance, la seule personnalité israélienne ciblée en tant que telle et atteinte par des activiste palestiniens a été le général (Ret.) Rehavam Gandhi Ze’evi, qui né à Jérusalem le 20 juin 1926 est mort assassiné dans la même ville le 17 octobre 200111.

Qui plus est le fondateur du Moledet (Patrie) est tombé sous les coups d’un commando du Al-Jabhah al-Sha`biyyah li-Taḥrīr Filasṭīn (FPLP)12, avant que ses auteurs soient arrêtés, qui en a revendiqué la paternité. Et non pas du Hamas ou autre formation à connotation sectaire.

Vous ne croyez pas ce genre d’opération à la porté du Hamas ?

Jacques Borde. Non. Monter de telles opérations de liquidation, de décapitation comme disent les Américains, nécessite une véritable expertise et d’authentiques SR. Or, à ma connaissance : le Hamas n’a ni l’un ni l’autre.

Que vont-ils faire ?

Jacques Borde. À très court terme, ils vont, peu-être, essayer d’identifier un cible précise. Mais, à court terme, s’ils n’arrivent à rien, ils vont revenir à ce qu’ils savent faire. Mais qui sera, plus un coup d’épée dans l’eau qu’autre chose.

Pourquoi dites-vous ça ?

Jacques Borde. Parce que les capacités de frappe du Hamas se limitent à des tirs de missiles artisanaux et/ou à courte portée at random, comme disent les Anglo-Saxons. Des tirs indiscriminés sur des cibles soit civiles soit d’intérêt militaires secondaire. Rien qui puisse affecter géostratégiquement Israël.

Idem pour des attaques de check points ou des attaques à la voiture-bélier.

Et si le Hamas va plus loin, il a l’assurance de ripostes massives. Si ce n’est une énième Guerre de Gaza qu’il perdra comme les autres.

Mais, pourquoi Israël a frappé ?

Jacques Borde. Jérusalem ne pardonne jamais à quiconque ! Tant qu’il ne sont pas soldés les comptes restent ouverts. Quelque part, Mazen Faqha a été la victime de la devise13 du Mossad, tirée des des Psaumes : « Jamais le gardien d’Israël ne dort ni ne sommeille »14.
Mazen Faqha avait, semble-t-il, fait le choix de vivre à demeure à Gaza. Le risque était donc réel.

A contrario, à noter le mode de vie itinérant d’autres adversaires d’Israël, comme le secrétaire général du Hezbollah, Sayyed Hassan Nasrallâh, qui, dit-on ne dort jamais deux nuits de suite au même endroit. Une habitude salutaire…

[à suivre]

Notes

1 Mouvement de résistance islamique, l’acronyme signifie également zèle en arabe.
2 Anciennement Al-Moujahidoun al-Philistiniyoun, les Combattants palestiniens.
3 En hébreu, prévention ciblée.
4 Ou Institut Central de Renseignements & des Opérations Spéciales, Mossad signifiant l’Institut.
5 Nom par lequel les israéliens appellent l’Institut ou Mossad.
6 La meilleur traduction étant : Service Général de la Sûreté.
7 SR militaires.
8 Ayant fait l’objet d’au moins deux directives présidentielles : l’une du président américain, Gerald Ford, la seconde, revue à la baisse dans son énoncé (quid des actes ?) est-il important de le préciser, de Jimmy Carter. À noter que si le Presidential Executive Order n°12333 (4 décembre 1981) limite effectivement les opérations de décapitation, en revanche, celles-ci restent parfaitement réalisables sur Lethal Findings, signés par n’importe lequel des présidents US.
9 Ra’Mat’Kal, chef d’état-major israélien.
10 Lieutenant-général.
11 À l’Hôtel Hyatt de Jérusalem sur le mont Scopus.
12 Front populaire de libération de la Palestine, fondé 1967 par, entre autres, le Dr. Georges Habache et Ahmed Jibril qui scissionnera pour fonder le Front Populaire pour la Libération de la Palestine-Commandement Général (FPLP-CG).
13 Qui n’est pas sa devise officielle (contrairement à ce que croient la plupart des gens).Tirée, elle des Proverbes (11,14) : « Faute de direction un peuple succombe, le salut tient au grand nombre de conseillers ».
14 Psaumes 121, 4.

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